Largement soutenu par le ministre, le programme Parler a un destin singulier dans l’éducation nationale. Bénéficiant d’un fort soutien de l’Institut Montaigne, devenu tout puissant rue de Grenelle, le programme Parler est devenu le symbole de la puissance des neurosciences pour améliorer l’école. Il avait été lancé par JM Blanquer quand il était Dgesco. Depuis son retour au ministère il fait l’objet d’une large expérimentation et est systématiquement promu dans les formations officielles. En même temps il a été évalué négativement par l’Inspection générale. Et c’est un inspecteur, Paul Devin, secrétaire général du Snpi Fsu, qui lui porte une nouvelle critique sur son blog.
Parler promet de faire acquérir la lecture à tous les enfants au prix d’une méthode d’entrainement sur tablettes à suivre rigoureusement. Elle est expérimentée dans de nombreuses classes avec un protocole d’évaluation. La méthode encadre fortement le travail des enseignants amenés à appliquer sur leur coeur de métier des programmes conçus par d’autres.
Paul Devin cite des témoignages d’enseignants qui racontent le poids de l’association APE sur leur travail pour obtenir des enseignants l’évaluation attendue. » Les enseignants insistent sur la pression croissante des intervenants pour que les résultats soient à la hauteur de leurs attentes. La conséquence est l’augmentation progressive du temps consacré aux exercices destinés à la maîtrise du décodage et à l’augmentation de la fluence et cela au dépens de l’ensemble des autres apprentissages prévus par les programmes du cycle II. « Je finis par devoir renoncer à des champs disciplinaires entiers », explique un enseignant de CP. « Pourtant, au début, j’étais résolu à ne pas céder à cette tentation », témoigne un enseignant sur le blog de P Devin.
» « La lecture est mécanique » ne cesse de répéter Christophe GOMEZ, directeur-adjoint d’APE. Personne ne peut écarter que la compétence de lecture comporte des automatismes mais personne ne peut raisonnablement affirmer que cette part de l’apprentissage doive être centrale et suffisante quand il s’agit d’assurer le développement d’une capacité culturelle à utiliser et comprendre les textes. Et c’est là qu’un clivage fondamental perdurera parce que le projet de l’Institut Montaigne porte une conception bien particulière de la réussite scolaire, réduite aux fondamentaux les plus indispensables. Dans une telle perspective, l’entraînement intensif à la fluence fournit l’illusion d’un progrès, d’une réussite. »