Rappelez-vous 2010-2013. Luc Chatel et son Dgesco, JM Blanquer, lancent la masterisation. Les étudiants reçus aux concours d’enseignement sont envoyés directement dans les classes, y compris en maternelle, en CP ou au collège. Et advienne que pourra ! Un projet d’arrêté présenté le 13 octobre en CTM, que le Café pédagogique s’est procuré, établit que JM Blanquer veut revenir à cette formule. Tous les syndicats ont voté contre. Mais la formule a des attraits…
Le futur arrêté
« Pendant la période de stage, les fonctionnaires stagiaires sont soumis aux obligations réglementaires de service applicables aux membres des corps d’accueil. Pendant les périodes de formation, les fonctionnaires stagiaires ne justifiant pas d’un master « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) bénéficient d’aménagements de leurs obligations de service susmentionnées selon les orientations fixées par le ministère chargé de l’éducation ».
En deux petits paragraphes, le projet d’arrêté « fixant les modalités de formation initiale de certains personnels enseignants et d’éducation stagiaires » modifie complètement leur entrée dans le métier. Cet arrêté concerne les CPE, les agrégés, les certifiés, les PEPS, les professeurs des écoles et les PLP.
Ce que ça change
Aujourd’hui les fonctionnaires stagiaires, titulaires d’un master 2 et reçus au concours qui a lieu maintenant en fin de 2de année, deviennent fonctionnaires stagiaires. Ils enseignent à mi-temps en école ou établissement et poursuivent leur formation sur l’autre mi-temps. Ils préparent ainsi l’évaluation qui a lieu à a fin de cette première année.
Le nouvel arrêté change les choses. Les stagiaires titulaires d’un master MEEF sont envoyés dans les classes avec l’horaire normal de cours des professeurs de leur corps. Ils auront 10 à 20 jours de formation dans l’année. Les stagiaires ayant un autre master, auront un parcours plus adapté car l’éducation nationale veut leur faire suivre une formation aux valeurs de la République, à l’école inclusive etc.
C’est donc une dégradation considérable des conditions d’entrée dans le métier pour les titulaires du master MEEF. JM Blanquer reprend la formule qu’il avait mis en place en 2010 avec Luc Chatel. Formule supprimée par V Peillon en 2013.
Réactions syndicales
« Ce n’est plus un stage de formation. C’est un moyen d’emploi », nous a dit Nina Palacio, secrétaire nationale du Snuipp Fsu. « C’est considérer qu’on devient enseignant simplement en allant en classe ». On se rappelle les jeunes envoyés en classe entre 2010 et 2013, apprenant de leurs collègues les ficelles du métier pendant les récérations.
« A aucun moment ils ne pourront avoir une pratique réflexive sur leur métier », nous a dit Coralie Benech, secrétaire nationale du Snep Fsu. « Avoir 20 heures de cours à faire en début de carrière (les professeurs d’EPS font 20h) c’est préparer les cours, participer à la vie de l’établissement. Jamais les stagiaires auront le temps d’aller voir leur tuteur et de prendre du recul sur leur pratique. On va revivre ce qu’on a connu entre 2010 et 2013 : des stagiaires qui démissionnent, d’autres qui font des burnouts, la plupart qui cherchent des recettes. Les professeurs de cette époque avaient l’impression de faire en permanence de la gestion de classe car ils n’avaient jamais le temps de préparer sérieusement tous leurs cours ».
Un autre arrêté prévoit une prime d’attractivité pour ces stagiaires. Mais elle sera versée au pro rata de leur temps en classe sur la base de 1200€ annuel pour un temps complet.
Pourquoi cet arrêté ?
Comment expliquer le retour de cette faute historique du couple Chatel – Blanquer ? Pour les mêmes raisons qu’en 2010. Il y a une certaine conception du métier d’enseignant en lien avec l’autorité et les qualités « naturelles ». Il y a surtout la volonté d’économiser des postes.
Il est difficile de savoir exactement combien car le pourcentage de master MEEF varie selon les corps. En EPS c’est le cas de presque tous les stagiaires. Dans le premier degré de nombreux stagiaires entament une seconde stagiaires et il doit y avoir seulement un quart à un tiers de master MEEF. Rien que pour le premier degré cela ferait 1300 à 1500 postes économisés par ce simple arrêté…
François Jarraud