Les premiers cours en ligne ouverts à tous, les MOOCS (Massive Open Online Course) d’initiative française commencent le 16 janvier avec 88 000 inscrits. Genevève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a présenté le 14 janvier le bilan de la première plateforme numérique française de MOOCS, France Université Numérique (FUN), lancée le 2 octobre dernier et les nouvelles actions de soutien au développement des MOOCS dans le monde francophone. La présence de plusieurs représentants de la communauté universitaire, acteurs en la matière, a permis d’ouvrir le débat sur quelques enjeux essentiels : quels sont les engagements et investissements de la part de l’Etat ? Quelles sont les formes de partenariat public/privé mis en œuvre ? Quels sont les publics concernés ? Quelles articulations entre l’enseignement « présentiel » et ces formes inédites d’accès distant à la connaissance ? Quelle place pour la France alors que 3% de ses universités proposent des cours en ligne contre 80% aux Etats-Unis ?
La ministre ne cache pas sa satisfaction devant la « vraie appétence » en France déclenchée selon elle par la première offre de formation de la plateforme France Université Numérique à travers les 25 MOOCS qui ont séduit les 88 000 premiers inscrits depuis octobre dernier. Elle souligne également la forte adhésion des partenaires en particulier les 168 représentants des 129 universités écoles et regroupements mobilisés pour accompagner les concepteurs de MOOCS et l’inscription de cette plateforme dans « l’écosystème » d’innovation français : base sur Daily motion pour l’hébergement des vidéos, accords en cours avec des sociétés françaises pour le sous titrage et la traduction multilingue, développement des coopérations et expérimentations avec les acteurs privés du secteur numérique…
Management, philosophie, mondialisation au « Hit Parade » des premiers MOOCS
Etudiants, lycéens, chômeurs, juniors et seniors…inscrits vont donc suivre « gratuitement et à leur rythme » dés le 16 janvier les 8 premiers MOOOCS. Parmi eux, Grand vainqueur : « Du manager au leader», MOOC du CNAM (14 000 inscrits), « Philosophie et mode de vie », de l’Université Paris-Ouest Nanterre La Défense (6 000 inscrits), « Espace mondial », de Sciences Po Paris (5 000 inscrits) et aussi : « Introduction aux technologies des médias interactifs numériques », du CNAM . D’ici 3 semaines 17 autres auront commencé).
De nouveaux établissements (HEC, ENS Cachan, ENS Lyon, Ecole des Mines d’Alès, groupe INSA, Grenoble INP, Université Fourier de Grenoble, Université Toulouse 2 Le Mirail, Université de Lorraine, université de Strasbourg, Paris 1 Panthéon Sorbonne, Université Paris Sud ont rejoint l’entreprise et une trentaine de nouveaux MOOCS ont été identifiés.
De nouveaux outils de formation pour les enseignants ?
A ce titre, la ministre a souligné le rôle moteur que joueront les MOOCS, à ses yeux, dans la formation des (futurs) enseignants dans les ESPE, pour une pédagogie du numérique à l’heure. Seront proposés un MOOC destiné aux étudiants des ESPE sur l’enseignement et la formation avec le numérique (porté par les ENS de Cachan et de Lyon), un autre sur l’apprentissage de la conception de cours en ligne (ENS Cachan) et une collection de MOOCs autour de « compétences numériques et C2i » (collectif d’enseignants-chercheurs de plusieurs universités.
Les MOOCS et la carte universitaire francophone
Parmi les premiers adeptes des MOOCS, 86% des inscrits sont en France, 7% en Afrique et 5% issus du continent américain. Sans négliger la nécessité de toucher le pays (Etats-Unis) le plus en pointe dans le domaine, la ministre insiste sur la nécessité de la diffusion en Français de cours en ligne dans le cadre d’une politique en faveur de la francophonie : des accords bilatéraux sont en cours avec le Mali, la Tunisie, le Québec, Haïti et un partenariat a été signé avec l’Agence universitaire de la francophonie. Certains pays africains dotés de grands territoires ont intérêt à travailler en réseaux. Au Québec dés 2014, plusieurs MOOCs sont prévus, les uns portant sur les mathématiques et la biologie (professeurs africains et français de l’Académie des sciences), l’autre sur le paludisme (universités de Bamako et de Marseille).
8 millions d’euros en soutien à la création et à la formation
Pas question de faire des économies et de profiter des MOOCs et de leurs usages pour supprimer des postes d’enseignement ! Récusant à l’avance ce type de critiques, Geneviève Fioraso revendique la mise en œuvre des moyens (8 millions d’euros) pour 2014, en plus des 12 millions de financement au titre du Programme d’investissements d’avenir. 3 millions consacrés à un appel à projet « CréaMOOC » lancé prochainement pour financer l’équipement des campus en fabrique de MOOCS (studio de tournage équipé, soutien ministériel à la création d’emplois dans les futures COMUE –Communauté d’universités- au titre de 1 000 emplois créés par an). 5 millions d’euros pour la création d’un Fonds de financement de la co-production de MOOCs à destination de la formation professionnelle avec des universités et des partenaires privés. Avec l’idée d’expérimenter à travers ce fonds et de nouvelles coopérations un « modèle économique » permettant la reconstitution des fonds pour un investissement pérenne.
François Taddei, chercheur en biologie, directeur du Centre de recherches interdisciplinaires, évoque quelques enseignements du « MOOCAMP », une journée d’ateliers créatifs sur les MOOCs qui s’est tenue le 11 janvier à Paris. Avec la complicité des experts, les 100 participants, dont une association d’étudiants fans de numérique, des chercheurs, des membres de jeunes startups du numérique ont planché sur la conception de prototypes de MOOCs. Plusieurs d’entre eux ont été primés sur des thèmes très différents : « L’art de la négociation », « Le Français, langue étrangère », « Les problèmes d’orientation, de bac – 3 à bac + 3 », « L’autisme, l’enfant et ses proches » (Prix du public), « Comment apprendre aux enfants à coder pour créer des jeux –et former les parents à les accompagner » (Prix FUN), « Des cours pour les décrocheurs » (3ème Prix MOOC, conçu par un prof en association avec les décrocheurs eux-mêmes). François Taddéï insiste sur la nécessité impérieuse d’impliquer les plus jeunes dans ce mouvement très important, irréversible selon lui. Les MOOCs constituent à ses yeux un outil formidable dans l’aide à l’orientation car il permet à des jeunes, quelque soit leur milieu d’origine, de s’initier aux aventures de la connaissance, de découvrir des champs aux quels ils n’ont pas accès par ailleurs.
Philippe Dedieu, responsable du développement des MOOCs au CNAM, explique que ces cours en ligne sont totalement intégrés dans la démarche de formation professionnelle, inhérente à la vocation du CNAM. Les MOOCs sont d’un grand intérêt pour désinhiber des personnes qui travaillent, qui n’ont pas fait d’études universitaires ; la formation à distance est une offre complémentaire par rapport à ce que propose le CNAM. Suivre un MOOC peut donner envie d’apprendre et se dire qu’on est capable de reprendre des études avec l’attestation de réussite. L’exemple du succès du MOOC consacré au management le confirme. Pour l’heure, le CNAM a 4 MOOCs prêts et 4 programmés.
Jean-Claude Husinger, responsable du développement des MOOCs à Panthéon-Assas, confirme l’offre de 3 MOOCs dés maintenant et de 2 autres en préparation, en droit constitutionnel et histoire du droit français, notamment et il ajoute non sans malice : « tous nos studios d’enregistrement sont saturés ». Son université s’interroge sur la certification avec les cours en ligne, réclamée par certains étudiants, importante sur un CV, mais, si certains MOOCs sont diplômants, les examens en « présentiel » restent déterminants, pour l’instant.
Dominique Boulier, responsable de la pédagogie numérique à Sciences Po Paris, souligne que le développement en « open source », la diffusion de masse et à l’international (1 MOOC en Anglais, 1 MOOC en Français, 1 sur l’Espace mondial, 1 sur les Unités scientifiques) correspondent pour l’Institut à une phase d’expérimentation car il faut se donner des moyens d’évaluation, des procédures de test, afin de produire des contenus à la hauteur des exigences de qualité pédagogique. Dans la mesure où les MOOCs induisent des contributions des étudiants et leur collaboration, l’expérience pose la question de l’accompagnement et de l’encadrement pédagogique ; c’est une nouvelle façon d’enseigner : pour les professeurs, la « scénarisation des connaissances » induite par les MOOCs nécessite une qualification inédite ! Sciences po est favorable à l’initiation de tout collectif d’échanges d’expériences sur le sujet.
Samra Bonvoisin