Par Monique Royer
Petit à petit, les verdicts sont rendus. La sentence des 14000 postes en moins dans l’Education Nationale se traduit sur le plan local par des fermetures de classes mais pas seulement. Au tableau d’honneur des victimes de l’extrême rigueur, les Rased ont le douloureux privilège d’avoir une place de choix. D’année en année, maitres E, maitres G et psychologues disparaissent du paysage éducatif. 1200 postes déjà comptabilisés dans la colonne suppression pour la prochaine rentrée.
Reconnaissance tardive, attachement certain ? Cette mort annoncée d’un système d’aide pour les plus désemparés des élèves, est dénoncée dans les manifestations locales de parents, d’élus et d’enseignants. Dans les écoles, les Rased, occupent (occupaient ?) une place discrète et à part, celle du soutien qui vient quand dans la classe l’élève visiblement n’a pas en main toutes les clés pour apprendre.
Maitre E pour les aides à dominante pédagogique, maître G pour les aides à dominante rééducative et psychologue scolaire, une équipe en forme de comptine dont l’école primaire connaissait le recours lorsque les instits ne savaient comment faire face aux difficultés de l’enfant. Une comptine d’un autre âge hélas. L’accompagnement éducatif, les stages de remise à niveau sont censés répondre aux problèmes d’apprentissage. Là où les Rased se penchent sur les difficultés profondes, mobilisant des techniques, des savoir-faire spécifiques, l’accompagnement revient sur des notions non acquises dans le cadre de la classe. Comme si, les difficultés d’apprentissage ne se résolvaient que dans la répétition, dans un retour à l’erreur commise, sans détour vers la cause profonde.
Car le rôle des Rased ne se résume pas à une intervention aux côtés de l’équipe pédagogique auprès d’enfants pour qui l’apprentissage se heurte à des obstacles dont le professeur ne détient pas la clé. Il est aussi de trouver un relais auprès de professionnels de santé, de dialoguer avec les parents, de favoriser l’émergence d’une réponse qui prend en compte l’enfant dans sa personne entière à l’abri d’un cloisonnement de tous les compartiments de sa vie.
L’extinction progressive des Rased va dans le sens d’une certaine idée de l’époque, une idée qui détermine l’avenir des élèves en difficultés dans une voie secondaire où les apprentissages de base se résument en une employabilité à des métiers que l’on suppose sans créativité, sans mobilisation de savoirs complexes. L’extinction progressive des Rased va dans une lecture comptable de l’avenir où les colonnes débitrices ne peuvent s’accroitre des faiblesses de ceux qui ne rejoignent pas le lot commun. Alors, dans le flot discret des manifestations contre une école qui exclut avant de songer à intégrer, il n’est rien d’étonnant de voir sur les pancartes inscrits en gros caractères les initiales RASED. C’est une vision de l’école que l’on cherche à défendre, celle où les différences ne sont pas une perte de temps ou d’argent, où chacun trouve son chemin pour rejoindre la voie destinée à tous, celle de l’éducation.
Monique Royer
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