A l’approche des élections de parents d’élèves des 7 et 8 octobre, la FCPE, première fédération de parents du public, a organisé des caravanes sillonnant la France pour recueillir la parole des familles. Avec son minibus aux couleurs de la fédération, Brigitte Compain, la responsable d’Ille-et-Vilaine, est allée trois jours durant à leur rencontre, à Rennes et à Brest. Elle raconte sa surprise de voir à quel point les parents restent à l’écart de l’école.
Les caravanes FCPE ont traversé une trentaine de villes entre le 24 septembre et le 4 octobre. Partie de Paris, la caravane nord est allée de Quimper à Nemours en passant aussi par Dieppe, Angers, Tours, etc. Partie de Tarbes, la caravane sud est remontée jusqu’à Troyes, s’arrêtant à Montpellier, Clermont-Ferrand, Nevers, etc. A chaque étape, des militants locaux ont participé à des réunions dans les écoles ou se sont installés sur des marchés, au pied des immeubles, devant les centre sociaux…
A Brest (Finistère), toute une journée, et à Rennes (Ille-et-Vilaine), encore deux autres jours, Brigitte Compain et des militants FCPE ont distribué des tracts, interpelé des passants, discuté avec des parents dans les établissements… » Nous avons privilégié les endroits où l’on pouvait rencontrer des familles populaires, les moins bien informées, les plus éloignées de l’école « , souligne-t-elle.
On n’ose pas
Militante FCPE depuis plusieurs années, Brigitte Compain avoue avoir été surprise par ce qu’elle a entendu : » Je n’imaginais pas à quel point les parents sont ignorants de leurs droits. Ils déposent leurs enfants. Mais ils ne sont pas du tout associés à la vie de l’école. » A quoi ça servirait ? « , répondent-ils lorsqu’on les interroge, » On n’ose pas y aller « , » On ne nous écoute pas « . Les parents se tiennent éloignés, comme s’ils n’y croyaient pas. «
» C’est particulièrement vrai chez les parents les plus démunis, poursuit-elle. Ils nous ont dit : » On veut pas avoir d’histoire « , » On a peur que ça retombe sur la tête de nos enfants « … Il y a chez eux un fatalisme qui me révolte. Tant de parents restent persuadés de ne pas avoir leur place à l’école ! «
La directrice choisit
A trois jours des élections, la petite équipe de la caravane FCPE a interrogé les passants à Rennes, lors d’une halte. » Moins de la moitié était au courant, déplore Brigitte Compain, encore moins que ce que je pensais. Dans les écoles où les grandes fédérations sont présentes, ça va un peu mieux. Dans celles où elles sont absentes, c’est pire. «
» La plupart des personnes que nous avons rencontrées ignorent ce qu’est un parent élu, ajoute la militante. Une dame nous a même assuré que dans son école, c’était la directrice qui choisissait les représentants des parents, qu’on ne leur demandait pas leur avis. «
» Il faut dire qu’il n’ y a aucune communication autour de ces élections. Elles ne sont pas annoncées sur les sites des établissements. Elle ne le sont que sur celui du Rectorat. »
» C’est triste quand on sait les bénéfices qu’il y a lorsque les parents sont associés à l’école (1). C’est un fait largement reconnu aujourd’hui, tous les rapports le pointent. »
Café des parents
Comment en est-on arrivé là ? Pourquoi rien ou presque ne semble avoir changé alors que la loi de Refondation de l’école (2), adoptée en juillet 2013 durant le ministère de Vincent Peillon, prône la coéducation et la participation accrue des parents ?
Dans cet esprit, l’un des premiers gestes de Najat Vallaud-Belkacem, nommée à l’Education le 26 août 2014, fut d’organiser un » café des parents » (3) au ministère le 15 septembre 2014. Onze parents invités devisèrent ainsi plus d’une heure avec la ministre autour de jus de fruits et de petits macarons.
La ministre promettait alors de faire du rapprochement école-parents l’une de ses priorités et de multiplier ces rencontres. Mais l’initiative, jugée trop « com », fut vertement critiquée. Et les cafés des parents disparurent dans les limbes des » annonces « .
Brigitte Compain estime qu’il y a bien eu » une impulsion » pour donner plus de place aux parents, au ministère et dans les Rectorats. » Mais ça n’a pas suivi sur le terrain. Et plus on descend, plus c’est difficile pour les parents de se faire entendre. «
Espace parents
Pour la militante FCPE, cela dépend beaucoup des chefs d’établissement: » Nous avons rencontré une représentante de parents à qui la directrice avait refusé d’allouer une salle de réunion, de communiquer les adresses des parents et d’entrer dans la cantine pour voir les conditions de repas. A l’opposé, d’autres donnent des » espaces parents » dans leur établissement. «
» Très souvent, regrette Brigitte Compain, lors des réunions de début d’année, loin d’inviter les parent à venir, on leur explique ce qu’ils n’ont pas le droit de faire. Par exemple, on les avertit qu’une fois l’heure passée, le portail est fermé et ils ne peuvent plus entrer – les impératifs de sécurité ont renforcé cela. «
» On entend souvent : les parents d’élèves ne s’investissent pas. Mais on ne les invite pas. Cela arrange aussi beaucoup de monde que les parents ne se mêlent pas de ce qui se passe à l’école. «
Porte-à-porte
Que faire alors pour davantage associer les parents, notamment ceux de milieux populaires à qui l’école paraît souvent si loin, un autre monde ?
» Il y a un nécessité de formation, explique Brigitte Compain, les enseignants et les chefs d’établissement doivent comprendre à quel point l’implication des parents favorise la réussite des enfants, en particulier des plus défavorisés. Pourquoi pas imaginer une session commune enseignants-parents ? »
Cette caravane fut pour la militante » un moment formidable de rencontres et d’échanges sur le terrain « . L’occasion aussi d’apprendre : » On croit parfois que tout le monde connaît la FCPE (qui compte 310 000 adhérents) … En réalité, il faudrait aller encore plus sur le terrain, expliquer nos combats, le besoin de se mobiliser pour l’école, il faudrait presque faire du porte-à-porte. »
Véronique Soulé
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