Synthèse de Les livrets de compétences : nouveaux outils pour l’évaluation des acquis (rapport IG juin 2007)
L’inspection générale tente de comprendre le sens polymorphe du terme, mais aussi de chercher, à la lueur de l’histoire récente, comment opérer ce « profond changement » dans les pratiques pédagogiques. Mais pour l’instant, entre une évaluation au CE1, le baccalauréat ou les résultats de PISA, que regarde-t-on de ce que savent les élèves ?
L’évaluation est partie prenante du processus d’apprentissage. Mais derrière l’affirmation, l’observation montre qu’en France, l’évaluation-bilan est la pratique majoritaire. L’irruption des « compétences» viserait à dépasser le modèle transmissif dominant (remis en cause par les sciences cognitives et la recherche), mais aussi à mieux adapter le futur citoyen à un monde « incertain, mouvant, flexible, compétitif » (pour parler comme l’Union Européenne…). Les compétences sont lors vues comme des «habiletés globales » à agir dans ce monde.
Mais définir une « compétence » reste un exercice risqué, même pour les inspecteurs généraux : « savoir-agir complexe », « réponse adaptée pour résoudre un problème », la définition dépend des convictions théoriques de son auteur. Mais la plupart s’accordent sur l’idée que le sujet « compétent » arrive à mobiliser une diversité de ressources, en lui et dans son environnement social, dans une situation donnée, pour agir. La compétence ne peut qu’être située. La compétence est dynamique.
On ne peut donc la confondre ni avec la connaissance (ce qu’on sait restituer). Mais les ambiguïtés restent fortes, quand il faut descendre dans le concret de l’univers scolaire : faire une exercice, résoudre un problème… Comment évaluer le degré de maîtrise d’une compétence ? Les évaluations internationales comme PISA les évaluent « en contexte », c’est à dire en situation de « vie en société», dans des tâches complexes, où les individus doivent être réflexifs. Dans le même ordre d’idée, la « stratégie de Lisbonne » signée par les Européens en 2000, voulant s’inscrire dans «l’économie de la connaissance », précède le « socle commun » français (connaissances, compétences, règles de comportement). Mais celui-ci ramène la « compétence » au « savoir–faire » et réintroduit de nouveaux termes : « capacités », « attitudes ». En ce sens, écrit prudemment l’IG, il s’agit de « glissement conceptuel » : les « sept compétences » du Socle s’éloignent largement du sens défini précédemment…
Et ailleurs ?
Faisant d’abord un détour par d’autres pays francophones, travaillent la question, le rapport insiste sur les bilans qu’on peut déjà tirer :
– au Canada, incompréhensions des familles, malaise des enseignants incitent à travailler à la lisibilité et à la simplicité des outils. Gageure ?
– en Belgique francophone, les préconisations sont très directives, mais la communication aux parents est laissée à l’appréciation locale.
– La Suisse a vu une forte réaction de certaines parties de la population, qui l’amène à revenir en arrière sur le système d’évaluation comme sur les démarches d’enseignement.
En France, la situation est contrastée, selon le rapport :
– en primaire, les équipes ont généralement réorganisé leur livret d’évaluation, oscillant entre des modèles simples, favorisant la communication aux familles au détriment de la logique de compétences, et modèles plus complexes plus « professionnels », au risque de dérouter les parents. L’Inspection Générale suggère donc de différencier « évaluation formative » et « évaluation bilan », mais indique que la définition même des compétences reste problématique, et que la progressivité au sein du cycle est parfois hasardeuse, faute de prescription ou de travail d’équipe suffisant.
– Dans le second degré, la situation est différente selon les disciplines. Si le « contrôle » reste dominant, généralement accompagné d’un barême, c’est parce que les enseignants considèrent que la note est « juste », en opposition avec les travaux en docimologie. Mais l’EPS, les STI, la SVT, la physique-chimie prennent en compte davantage les compétences, les intègrent dans les programmes. La même compétence est évaluée plusieurs fois, en contexte différent, dans une perspective de contrôle continu. Mais l’exemple du récent B2i montre que la pratique d’une évaluation « en situation » pose problème, soit par les types d’activité qu’elle réclame, soit par le besoin de concertation qu’elle appelle. Les langues ou les mathématiques, si elles isncrivent les compétences dans leur programmes, ont pour l’instant de réelles difficultés à les faire vivre dans la classe. Le français semble avoir des compétences qui s’entremêlent, et sont difficiles à évaluer séparément, par exemple la production d’écrit ou la compréhension.
Si on veut, écrit le rapport, utiliser plus largement un livret d’évaluation par compétence, il faut clarifier l’attente institutionnelle : les textes cumulent les demandes, rendant confuse la prescription. Il faut clarifier les fonctions de l’évaluation : évaluer pour valider, évaluer pour enseigner, évaluer pour favoriser la réussite de ceux qui sont le plus en difficulté. Bref, attribuer les bonnes fonctions aux bons livrets, un seul outil étant condamné à ne rien faire bien. Pas sûr que les derniers mois en donnent le signe…
Comment avancer ? L’inspection générale se veut sage : « La continuité et la constance des prescriptions officielles, la ténacité et la permanence de leur accompagnement par les personnels d’encadrement et d’inspection, la prise en compte des expérimentations réalisées sur le terrain, garantiront plus efficacement cette mise en oeuvre qu’une volonté affichée de changement radical et généralisé qui se heurterait aux impossibilités et aux résistances du terrain. »…
Comme d’habitude.
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