Par Blandine Raoul-Réa
A la faveur d’une déambulation hasardeuse sur la toile… Hum. Reprenons. Alors que j’effectuais une veille efficace pour le numéro de janvier du Café Pédagogique (numéro sur les 10 sites indispensables), je m’inquiétais du temps qui passait. Je devais dormir … lorsque j’ai été réveillée par le site de Fred Yvetot. Oui ! Quel ton ! Quelle présentation ! Quelle formidable énergie se dégage de cette présentation numérique ! Je décide de signaler le site. Mais une bonne veille demandant une validation de l’information, je suis coincée. Pas de nom de documentaliste, pas de signature autre que le nom de l’établissement. C’est un peu fort de café (ouh ouh ouh…) ! Déçue je remets à d’autres temps la prise de contact, accaparée par mes projets au lycée. Eh voilà que je croise une collègue qui a fait sa préparation capes avec elle qui relance l’histoire ! Voici…
Rencontre avec cette X
Café Pédagogique : Pourquoi avoir fait le « choix » de devenir documentaliste au sein de l’éducation nationale ?
Fred Yvetot : En premier lieu, je voulais un travail en lien avec le livre et la lecture. Mais ce qui me plaisait aussi était d’être responsable d’un lieu tout en étant en relation avec des personnes. J’aurai pu être bibliothécaire (d’ailleurs, ouf, j’ai raté le concours) mais je ne crois pas que ça m’aurait autant plu. Dans le métier de prof doc, j’aime bien l’idée d’avoir quelque chose à transmettre à plus petit que moi et d’être utile pour autre chose que la gestion d’un fonds documentaire. Bien sûr je ne me doutais pas de l’étendue du travail. Et j’ai honte mais je suis honnête, travailler pour l’éducation nationale me plaisait aussi… pour les vacances. Quand j’ai eu le capes, j’avais 33 ans et déjà deux enfants, je cherchais un boulot qui me laisse du temps pour eux. Alors le rythme de travail m’a un peu motivée. Finalement je n’ai pas tant moments libres que ça parce que je ramène beaucoup de travail chez moi. Mais je ne regrette rien, au contraire…
Café Pédagogique : Quel est votre parcours pour devenir documentaliste ?
Fred Yvetot : Certificat d’études primaires et DNB passés avec succès. Bac littéraire obtenu in-extremis. Puis la fac… pendant longtemps pour obtenir une licence de psychologie et quelques valeurs et modules de maîtrise de psycholinguistique. Et je me suis arrêtée là, le temps de faire des petits, de restaurer une maison et de réfléchir à ce que j’allais faire de ma vie. Et me voilà, à ma troisième année en poste, toujours dans le même établissement.
Café Pédagogique : Comment envisagez-vous la place de l’image dans la représentation du métier de documentaliste ?
Fred Yvetot : Importante comme pour n’importe quel boulot. Ne dit-on pas que les fonctionnaires… pire les enseignants sont fainéants, que les comptables sont radins ou que les cordonniers sont les plus mal chaussés ? Ce sont les « on dit ». Le problème est que notre image n’a pas bougé d’un poil alors que le métier a évolué. Combien de fois ai-je entendu » ha bon, les documentalistes sont des profs ? Et des profs de quoi ? » Qui n’a pas tremblé à l’idée d’avoir à expliquer une nouvelle fois en quoi on peut être utile voire indispensable à nos élèves ? On nous voit comme des gestionnaires de bibliothèque alors que nous sommes aussi et surtout devenus des profs. Donc l’image que les gens ont de notre métier peut être inexacte ou datée et pour qu’elle soit la plus proche possible de la réalité, il faut en parler, l’expliquer, le crier haut et fort.
Café Pédagogique : Que voulez-vous impulser par la création si personnalisée de votre travail pour les élèves à travers votre site ?
Fred Yvetot : Par ce site justement, je parle de mon travail et j’explique ce qu’est une documentaliste. Et comme j’ai fait le site en direction des élèves de mon collège, je leur aussi donne les principales clés pour utiliser le CDI (enfin j’espère). C’est comme une mise au point pour qu’ils sachent à qui ils ont affaire et où ils se trouvent. Pour la forme si personnalisée du site, je ne cherchais pas à impulser quoique ce soit. Le ton est humoristique parce que je suis comme ça et que je m’amuse en faisant ce site. Je ne pourrais pas être sérieuse, ce travail manquerait d’intérêt pour moi. Apparemment l’humour passe bien et le message aussi… donc je continue sur la même voie. Pour les illustrations, c’est aussi un de mes petits plaisirs, j’ai toujours dessiné, c’est une de mes façons de m’exprimer : c’était naturel de concevoir ce site avec ces dessins.
Café Pédagogique : Vous avez mis une image pour la documentaliste, pourriez-vous donner un MOT pour ce que vous pensez de votre métier ?
Fred Yvetot : C’est dur ça ! Je dirai « abracadabra« . Il faut sûrement être un peu magicien(ne) pour bien faire tout notre travail, connaître une ou deux formules magiques pour être partout à la fois et savoir concocter certaines potions pour continuer à être en forme.
Café Pédagogique : Comment impliquez-vous les élèves dans les actions que vous menez seule ou avec des professeurs disciplinaires ? Est-ce que le dessin est facilitateur dans vos échanges ? Si oui en quoi ?
Fred Yvetot : J’implique les élèves comme tout le monde, je pense, j’essaie d’innover, de capter leur attention, de les faire agir… Je n’utilise pas le dessin au collège, ça prendrait trop de temps. Je ne suis pas dessinatrice, je n’ai jamais pris de cours et le moindre dessin me prend minimum 3 heures ! Par contre, l’humour, la bonne humeur, la joie de vivre, un brin de peps et beaucoup de dynamisme facilitent l’échange avec les élèves, tant que chacun (moi comprise) sait rester à sa place. Ce n’est pas parce que je suis prof que je dois être uniquement sérieuse. Je dois être à l’aise et naturelle… rigoureuse mais fidèle à moi-même. C’est comme ça que j’implique les élèves, ce n’est pas révolutionnaire. Dernièrement au collège, on a fait une enquête auprès des 6èmes sur leur vie de collégien : dans de nombreux cas, ce qui les a surpris ou ce qu’ils ont le plus aimé à leur arrivée est de découvrir que les profs étaient drôles. C’est plutôt positif, ça donne peut-être une autre idée de l’école.
Café Pédagogique : Quelles sont les remarques que vous avez eues à la mise en ligne ? Des remarques des parents ? Des élèves ? Des collègues ?
Fred Yvetot : Venant de mes collègues du collège, des élèves ou des parents, je n’ai que peu de retour, un peu comme si le site passait inaperçu. Les critiques sont bonnes mais beaucoup moins enthousiastes que celles que je reçois de collègues ou de futures collègues documentalistes. Visiblement ma manière de parler du métier a touché un point sensible (j’ai mis le doigt là où ça fait mal !) et mes dessins plaisent. C’est encourageant et ça me fait vraiment très plaisir : je ne suis pas la seule à aimer mon site. Et pourtant, j’en ai eu des périodes de doutes ! Le ton est-il trop osé ? Les dessins sont-ils trop enfantins, voire moches ? N’est-ce pas un site de plus parmi tant d’autres ? Finalement recevoir des mails de collègues documentalistes me remotive, c’est bien, je suis contente.
Café Pédagogique : exercez en collège : quel rapport entretenez-vous avec la littérature de jeunesse et les élèves ? Avez-vous déjà abordé l’illustration avec les élèves ?
Fred Yvetot : Une vie sans livre, ça n’est pas possible. Je ne peux pas faire mon travail sans penser à la lecture, je voudrais que les élèves aient envie de se plonger dans un bon roman. C’est tellement enrichissant, ça ouvre des horizons, libère l’esprit, il serait vraiment dommage qu’ils passent à côté de ça. La promotion de la lecture est une des missions que je ne pourrai pas abandonner. Donc, pour conseiller mes élèves, je lis de la littérature de jeunesse matin, midi et soir. Et j’aime ça en plus, il y a des livres qui méritent d’être connus de tous, jeunes ou pas jeunes. Ce ne sont pas des sous-livres, certains valent vraiment le coup d’être lus : l’écriture est remarquable, les sujets traités ne sont pas anodins et laissent des traces dans notre esprit ou l’histoire est tout simplement originale. C’est un vrai plaisir… bon bien sûr sauf quelques uns qui sont juste » bof « .
Pour ce qui est de l’illustration, je ne l’ai jamais abordée avec les élèves. Et pourtant j’aimerai bien… un bon projet BD bien ficelé ! Pour l’instant, je m’applique à développer un fonds BD digne de ce nom avec les grands classiques incontournables mais aussi des titres moins connus et pourtant d’excellente qualité. Je suis une grande fan de BD et je trouve qu’elle est sous estimée ou pas assez mise en avant. Elle est d’une telle richesse, si travaillée au niveau du scénario et du dessin et si diverse, on est loin de L’élève Ducobu et autres Blagues de Toto. Et puis elle a le mérite d’être lue par des élèves réfractaires à la lecture. Et pourtant c’est de la lecture… Ce qui me fait le plus plaisir est voir les élèves se précipiter sur le bac à BD pour attraper LA BD que tout le monde veut lire, où de voir une foule d’élèves réclamer la suite d’une BD qui vient à peine de sortir en librairie.
Café Pédagogique : Quelle est non pas la place de la documentaliste dans l’éducation nationale… mais comment voyez-vous la représentation des documentalistes dans la tête des élèves ?
Fred Yvetot : Peut être comme la représentation que j’en avais avant de m’intéresser au métier : une dame, toute poussiéreuse, derrière ses lunettes et son bureau, au milieu de livres jaunis et barbants. Les élèves se représentent les documentalistes en se référant à celles (ou ceux) qu’ils ont connues, un peu d’exagération dans tout ça (c’est normal) et ils ont un beau portrait de documentaliste. Combien de modèles possèdent-ils pour construire leur représentation ? Deux voire trois, ça ne fait pas beaucoup. Alors la représentation que les élèves ont des documentalistes dépend de moi, de mon attitude et de mon comportement. Pour l’instant, dans la tête de mes élèves, je dirai que la documentaliste est quelqu’un de sympathique mais qui ne se laisse absolument pas faire ! Mais on restera toujours la personne qui dit » chut « , celle qui ne supporte pas le bruit et qui range chaque livre qui dépasse parce que le CDI est comme ça, un lieu calme et bien rangé. A mon avis, il faut se rappeler que les élèves qui viennent au CDI sont souvent ceux qui ont permanence, c’est à dire un temps libre où ils peuvent se détendre et où ils n’ont pas de pression. C’est un moment pour souffler. Alors forcément leur décontraction pose problème, ça ne colle pas avec les règles du CDI. Je leur trouve une excuse mais vu de leur côté, cela semble légitime. Il faut trouver un juste milieu et être souple pour ne pas perdre son public tout en respectant la vocation du CDI.
Café Pédagogique : Trois (dix maxi si vous voulez) mots pour qualifier votre travail pour ce site…
Fred Yvetot : plaisir, création, enrichissement et engagement
Merci à Fred Yvetot.
Le site de la doc (c’est comme ça qu’il est présenté depuis le site du collège)
http://lachaussonniere.free.fr/CDI/index.html
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