Les 1er et 2 décembre, se sont tenues à Paris, les journées « Maths à venir 2009 ». A l’initiative de la SMF, de la SMAI et de la SFdS (trois « sociétés savantes » de mathématiques), elles font suite à des journées analogues qui eurent lieu en 1987. Ce colloque avait alors permis aux Mathématiques une reconnaissance qui s’était traduite par un comblement du retard qu’affichait la communauté mathématique française en termes d’effectifs et de financements. Or, depuis 20 ans, les choses ont bien changé, et, si le monde de l’industrie ne manque pas les occasions de pointer la nécessité de disposer de mathématiciens, les flux d’étudiants à l’Université se sont taris, et les écoles d’ingénieurs ont beaucoup de difficultés à convaincre leurs étudiants de s’engager en mathématiques.
Ce colloque a donc réuni tous les acteurs de la Mathématique française, universitaires, enseignants de grandes écoles, industriels. Il était d’ailleurs sponsorisé par 9 très grandes entreprises.
Nous avons assisté à la deuxième journée du colloque. Un sentiment mitigé nous en reste…En effet, les deux conférences de ce jour là allaient, nous a-t-il semblé, du point de vue des représentations sociales sous-jacentes, à l’opposé l’une de l’autre…
Wendelin Werner a présenté un exposé de travaux sur le bruit blanc, mathématiquement très clair comme à l’accoutumé avec cet orateur ; mais il nous a semblé bien peu à l’aise pour qualifier les évolutions sociales de la discipline depuis 20 ans. Ces hésitations nous ont intrigué, sachant la qualité d’analyse dont W. Werner avait fait preuve en février 2009 : il avait, à l’époque, publié une lettre ouverte au Président de la République à propos de la réforme de l’Université dont la tonalité pondérée mais exigeante lui avait valu des louanges quasi unanimes de la communauté.
A contrario, Pierre-Louis Lions a présenté une conférence sur la modélisation où n’apparaissaient guère de doutes. Au moins au voisinage de ma place, les représentations des problématiques de l’enseignement qui transparaissaient dans son discours n’ont pas eu un franc succès, évoquant plutôt celles d’un membre éphémère du HCE.
Plus rassurante a été la table ronde qui réunissait des enseignants-chercheurs et des enseignants en grandes écoles (M. Artigue, Icme ; C. Schwartz, Université J. Fourier ; M. Niss, Danemark ; M. Bercovié, Jerusalem ; Y. Gnanou, Polytechnique ; B. Goffinet, INRA ; E. de Rocquigny, Centrale), sur le thème « Comment faire évoluer l’enseignement des mathématiques ? Quels nouveaux métiers pour les diplômés en mathématiques ? »
Michèle Artigue a pointé le contraste entre la qualité de l’école mathématique française et la faible attirance de cette discipline dans l’enseignement. Elle a plaidé pour un équilibre entre « maths culturelles » et « maths techniques », pour un usage amplifié des moyens technologiques, une formation des maîtres améliorée, et des régulations du système par des évaluations via la recherche.
Claudine Schwartz, elle, a insisté sur le fait que l’on pouvait faire pratiquer des mathématiques formatrices en utilisant des théorèmes dont on ignore la preuve. Elle a plaidé pour un travail sur la notion de « preuve statistique », à distinguer des « preuves mathématiques », pour l’usage d’outils d’algorithmique, et la création d’outils didactiques dédiés (en citant la vidéo « Dimensions »).
Morgen Niss a évoqué la passionnante réforme en cours au Danemark. Son avis nous a beaucoup dérouté, car il venait en clivage complet avec l’image qui en avait été donnée par Carl Winslow (au Colloque « Avenir de l’enseignement des Mathématiques » en novembre 2008) : à l’en croire, cette réforme a suscité, en Mathématiques, émiettage et baisse de niveau…
Y. Gnanou a indiqué la difficulté réelle qu’il avait à convaincre ses « X » d’étudier les mathématiques, après leurs années de classes préparatoires… Bruno Goffinet a plaidé, lui, pour la formation de « matheux ouverts », susceptibles de suivre des évolutions, en modélisation, sans en avoir de théorie complète. Michel Bérard, intervenant pendant les questions, a proposé que l’apprentissage soit davantage destiné à apprendre à poser des problèmes : d’après lui, actuellement, ce n’est qu’en Thèse (et encore), que l’on apprend cela…
Pour conclure, le sentiment dominant que m’a laissé ce colloque est celui, finalement, d’une certaine confusion. La discipline Mathématique fédère des institutions et des métiers bien divers dans les faits : les problèmes posés sont donc très éloignés, et leurs solutions souvent difficiles à élaborer. Faire dialoguer des personnes si diverses est tout à fait louable, et peut permettre à chacun d’évoluer dans ses opinions, mais cela prendra du temps…
Reportage : Didier Missenard
Le site du Colloque
http://www.maths-a-venir.org/2009/
La lettre de W. Werner au Président