On était 13 à table et j’étais le 13ème. Mais tout c’est bien passé. L’école élémentaire Rep+ rue D’Oran a fait sa rentrée des maîtres en confiance. Confiance dans leur savoir faire des enseignants qui voient le niveau de leurs élèves progresser. Confiance aussi dans l’institution scolaire dont l’aide est vivement appréciée dans cette école populaire. Loin des débats politiciens, les enseignants de la rue d’Oran sont sereins et pleins de bonne volonté.
Une équipe stable
On est dans un quartier très populaire de Paris, la Goutte d’Or. L’école de la rue d’Oran est une petite école Rep+ de 8 classes. Autour de la table, les deux Flavie, Marie, Danielle, Germain, Delphine et Amélie découvrent leur classe. Il y a aussi Sophie, une maitresse surnuméraire que l’école a réussi à conserver. Dans cette école, dirigée par Véronique Bavière, tous sont là depuis des années : 11 ans pour une Flavie, 5 à 7 ans pour les autres.
L’école accueille un seul nouvel enseignant, Arthur, dont c’est la deuxième année d’enseignement. Lors d’une première visite, à la rentrée 2012, nous avions trouvé dans l’école plusieurs nouveaux enseignants. Six ans plus tard ils ont choisi de rester et cette fidélité en dit long sur l’école.
Règlements et projets
Pour cette pré rentrée, les enseignants revoient ensemble les règles et les habitudes de fonctionnement de l’école. Il est question du règlement intérieur mais pas des portables, qui ne posent pas problème dans l’école. A coté il y a d’autres réglements pour la cour de récréation et les espaces communs et aussi pour le foot. Les textes ont parfois été rédigés en conseil d’enfants et ils sont très explicites.
Les enseignants les relisent et tentent de les améliorer. C’est surtout l’occasion de se mettre d’accord sur ce qu’il faut faire dans les espaces communs. Et il n’y a pas que le petit nouveau à mettre au courant. Peut on arriver à avoir une position commune pour ce qui se passe en classe ? Les maitres en discutent mais arrivent à la conclusion qu’ils n’y arriveront pas. C’est qu’enseigner n’est pas un acte formel. Ca engage la personnalité de chacun et par suite les réactions seront toujours un peu différentes.
On discute ensuite de dispositifs particuliers à l’école. Quand met-on l’atelier AGD ? C’est un atelier où les enseignants partagent leurs difficultés pour trouver des solutions ensemble. Il y aussi les ARR, des « ateliers de réflexion et réparation », où sont invités les enfants dont le comportement laisse à désirer en dehors des heures de cours. Tout cela prend du temps mais les enseignants les glissent dans l’emploi du temps sans rechigner. Et puis il y a la sécurité et les projets propres à l’école : le ciné club et les Fêtes des livres, un projet mené avec ATD Quart Monde. Ces deux projets ont pour objectif de faire venir à l’école les parents qu’on ne voit jamais. Marie, professeure d’un Ce2-Cm1-Cm2, tient le registre des délibérations et note les dates retenues collectivement.
Parce que rue d’Oran on a aussi réussi à garder des dispositifs particuliers, comme ces classes à triple niveau. « Au début ça a bien tiqué au rectorat, mais on a expliqué notre projet et on a été entendu », explique V Bavière.
Les dédoublements et les progrès des élèves
L’école a des CP dédoublés à 12 élèves et des Ce1 à 14 élèves. « On a beaucoup parlé en équipe des dédoublements », explique une enseignante. « Au début on se jetait sur les 12 élèves avec toute l’énergie d’une classe de 24. On a appris à vivre mieux avec eux ». L’inquiétude s’est déplacée vers ce qui se passera après le CE1. « Comment les enfants vont ils réagir quand ils seront dans des classes plus chargées où ils seront moins étayés ? ». Les enseignants ont remarqué qu’ils étaient perdus dans les occasions où ils étaient dans des groupes importants.
Mais ce qui domine c’est la satisfaction devant les résultats. « Les enfants apprennent plus vite et mieux ». Est-ce du au dédoublement seul ? Pour les enseignants c’est aussi le résultat des formations.
Sur ce terrain les enseignants ne ménagent pas les éloges pour les formations suivies. Je découvre que durant l’été ils ont échangé sur les documents d’accompagnement qu’ils sont capables de citer sans peine. « C’est du concret. Ca nous aide vraiment en classe », disent-ils. Rue d’Oran les enseignants ont le sentiment d’être aidés vraiment par l’institution depuis la mise en place des Rep+.
Le respect de l’institution
Ils se sentent aussi respectés. Le Dasen est venu assister à des cours en classe et il a sollicité des enseignants pour qu’ils parlent de ce qu’ils font. L’école de la confiance est déjà installée depuis quelques années et incontestablement les effets en sont palpables.
D’ailleurs inutile de parler des « Recommandations » publiées par le ministre au printemps ou des « ajustements » publiés cet été. Les enseignants sont en train d’assimiler au mieux les documents d’accompagnement et ça les occupe déjà beaucoup.
Dans ce respect de l’institution il y aussi la présence de la maitresse surnuméraire. Elle intervient de façon programmée ou à la demande sur les difficultés pédagogiques repérées par les enseignants. On sent bien qu’elle est une cheville ouvrière de la vie pédagogique de l’équipe.
L’école de la confiance ?
Si l’école est en confiance c’est aussi que la directrice fait autorité sans être supérieure hiérarchique. Véronique Bavière laisse la discussion s’établir et les enseignants dégager leur conclusion. Elle attire leur attention sur des points souvent sous estimés, comme les toilettes. Mais c’est bien parce que autorité et grade ne sont pas confondus que les problèmes sont dits et trouvent leur solution.
Loin d’être un « territoire perdu de la République », cette petite école est un terrain regagné par elle. En plein quartier populaire le niveau monte. Les enseignants ont gagné en confiance en eux et entre eux. Ils ont aussi confiance en leur institution dont ils apprécient l’aide. Voilà de sacrées armes face aux difficultés du métier. Pourvu que ça dure.
François Jarraud