« Un pays moderne doit avoir des enfants qui maitrisent plusieurs langues et d’abord leur langue ». Un peu échaudé par le débat inepte sur l’enseignement de l’arabe, JM Blanquer a communiqué avec précaution, le 12 septembre, à l’occasion de la remise du rapport rédigé par Alex Taylor, un journaliste britannique et Chantal Manès, inspectrice générale sur « une meilleure maitrise des langues vivantes ». Le rapport souhaite rendre l’anglais obligatoire et relever le niveau des élèves en langues mais sans moyens supplémentaires. C’est au primaire qu’il envisage de porter l’effort en changeant les attendus et surtout les rythmes des apprentissages. Des propositions que le ministre partage.
Anglais obligatoire
« Il faut que les Français arrêtent de dire qu’ils sont mauvais en langues ». Loin de critiquer l’enseignement des langues en France, Alex Taylor explique qu’il a vu de bons cours. Mais il relève la façon dont on sanctionne les erreurs en France.
Il revient à l’inspectrice générale Chantal Manès de présenter les recommandations du rapport. La première concerne la place de l’anglais. C Manès veut le rendre obligatoire en LV1 ou LV2. A vrai dire, au collège et en lycée 5 367 696 élèves étudient l’anglais en LV1 soit 95% des élèves. Et 715 220 l’ont choisi en LV2. Autant dire que l’anglais est déjà obligatoire de fait. Selon elle seuls 0.7% des élèves lui échappent. Pour le ministre « l’objectif qui sera poursuivi c’est que dans l’immense majorité des cas les élèves aient pu consolider l’anglais dans un continuum cohérent ». Mais il souligne le cas de l’allemand « car il va y avoir une politique spécifique de l’allemand dans les territoires qui veulent cette politique ».
Comment certifier le niveau ?
Le rapport souhaite relever le niveau des exigences en anglais et particulièrement à l’oral, ce qui se situe là encore dans les priorités actuelles de l’école. Au cycle 3 on demanderait le niveau A2 au cycle 4 dans deux compétences écrites et B1 dans les 3 activités orales. En Lv2 on demanderait le niveau A2.
Il reprend aussi une idée émise en février 2018 par le président de la République, celle d’une certification au bac , en plus de l’épreuve ordinaire. Cette certification pour E Macron c’était celle de Cambridge ou l’IELTS. Ni le rapport ni le ministre ne sont aussi précis . L’idée d’une certification est validée. Mais si c’était Cambridge ce serai privatiser une partie du bac ce qui poserait un vrai problème…
Quel effort au primaire ?
Le rapport met l’accent sur l’apprentissage précoce. Les explications données renvoient à la facilité avec laquelle on apprend des langues avant 11 ans. L’idée est retenue par le ministre. « Si nous avons des grands sauts à accomplir c’est d’abord à l’école primaire », dit-il, car c’est avant 11 ans qu’on est en situation d’apprendre le mieux une langue ». Certains en ont tiré de vraies conséquences comme le Québec , un pays francophone, qui met l’essentiel des horaires de langues au primaire.
Ni le rapport ni le ministre ne vont jusque là. Le premier préconise de faire un peu d’anglais chaque jour (pendant 20 minutes) plutôt que des séances d’une heure. Au collège les enseignants devraient aussi multiplier les séquences en les réduisant à 45 minutes. On ne sait pas ce que le ministre en pense mais il n’a pas évoqué d’augmenter les horaires de langues.
Autre proposition , retenue par le ministre, l’enseignement d’autres disciplines en langue étrangère dès l’école comme cela se pratique dans le 2d degré. Dernière idée qui plait beaucoup au ministre c’est l’appel à des locuteurs natifs. Il y voit une façon de répondre au problème de formation des enseignants…
Et puis il y a l’amélioration du niveau des enseignants. On sait que l’anglais est entré tardivement dans la formation normale des PE. Le rapport souhaite une épreuve au concours de PE et une option valant certification au Capes. Le ministre a rappelé qu’il va réformer cette formation début 2019.
Mais comment font les professeurs ?
Aucune des mesures annoncées n’a d’impact budgétaire. Certaines ne font que reprendre l’existant.
Le rapport n’est pas publié en situation de crise. Depuis 10 ans les enquêtes Cedre (Depp) montrent des progrès ces dix dernières années au primaire en langues vivantes étrangères et de vrais progressions aussi en collège depuis 2010.
Les enseignants ont du mérite car les classes de langues sont chargées sauf dans des langues rares. En anglais on compte 24 élèves en moyenne au collège et en lycée, 23 en espagnol et 19 et 20 en allemand. Comment avec de tels groupes réussir à faire progresser les élèves notamment à l’oral ? Le ministre répond intelligence artificielle et logiciel. Les enseignants ont déjà imaginé des situations pédagogiques où les élèves s’enregistrent ou s’adressent à des camarades.
François Jarraud