Faire travailler en commun un professeur de technologie avec une enseignante d’anglais ce n’est déjà pas commun. Ca l’est encore moins dans un projet qui repose sur une véritable réflexion sur la formation au numérique et la didactique de l’anglais. C’est cela le projet de Nathalie Ingrassia, professeure au collège Paul Langevin de Ville-la-Grand (74).
L’anglais marqueur social
Frontalière de Genève, on pourrait penser que Ville-la-Grand est une commune riche et prospère. Nathalie Ingrassia, professeure d’anglais, assure que la population scolaire y est mixte et que la maitrise de l’anglais fait partie des marqueurs sociaux entre collégiens favorisés et défavorisés. D’où son projet original, mené avec son collègue de technologie , Frédéric Le Goff.
« Les élèves de milieu favorisé participent davantage au cours d’anglais car ils sont plus en confiance quant à leur prononciation », relève Nathalie Ingrassia. « L’anglais est un marqueur social ». C’est la première motivation de son projet. Il y en a une seconde qui concerne les apprentissages numériques. « Les élèves sont familiarisés avec les tablettes et leur smartphone. Ils ignorent les ordinateurs, considérés comme des outils pour les vieux. J’aimerais leur donner un niveau suffisant en informatique traditionnelle pour qu’ils maitrisent ce qui se passe sous le capot du numérique et qu’ils ne soient pas dépourvus devant Windows. Pour cela il faut qu’ils voient ce qu’on peut créer de magique avec cet outil jugé pas attractif ».
Ces deux préoccupations se marient dans le projet original de N Ingrassia. Avec l’aide de F Le Goff, en utilisant un site du MIT, elle fait développer par les élèves une application Android d’anglais.
Une appli en répétiteur personnel
L’application permet deux choses. D’abord, en utilisant une fonction Text2speech présente dans Android, les élèves créent un outil d’apprentissage de la prononciation . Ils peuvent entrer un texte et en cliquant sur un bouton sur leur smartphone faire prononcer le texte en anglais.
« L’application ne résout pas tous les problèmes », estime N Ingrassia. « Mais elle débloque le problème clé de la prononciation. Les élèves qui n’ont personne à la maison qui parle bien l’anglais peuvent s’entrainer chez eux. Ils ont un répétiteur à domicile. Ca leur donne confiance en eux pour intervenir en cours ». L’application fait boule de neige pour changer la situation en faveur des élève défavorisés.
Le dictionnaire contre la traduction en ligne
L’autre bouton va plus loin dans la didactique de l’anglais et la rapport au numérique. U autre bouton donne accès à un dictionnaire d’anglais en ligne. « Un dictionnaire pas une traduction automatique », insiste N Ingrassia. « La traduction automatique désapprend l’anglais. Les élèves disent qu’ils n’ont pas besoin de cours d’anglais avec la traduction automatique. Je ne suis pas d’accord ». Le passage par le dictionnaire montre la complexité de la langue. « Le traducteur automatique n’est utile que pour des personnes qui maitrisent déjà la langue et ses subtilités ». Ce second bouton renvoie aussi à la découverte de l’informatique traditionnelle.
L’application est développée sur l’horaire d’anglais avec l’aide de F Le Goff. « Il m’a fait découvrir des outils numériques. Surtout il sait comment conduire un projet avec les élèves », explique Ingrassia.
Au bout de ces efforts, chaque élève a sur son smartphone une application personnalisée qui leur a fait découvrir l’ordinateur traditionnel et qui les pousse à un usage plus réfléchi du numérique. Ils ont aussi une arme pour lutter contre les déterminismes sociaux. Chapeau !
François Jarraud