Querelle du genre, des OGM, de l’IVG : plus encore que l’histoire-géographie, les SVT sont en première ligne de la lutte contre les discriminations. Serge Lacassie, président de l’APBG, l’association qui réunit les enseignants de SVT, fait le point sur harcèlement dont sont victimes les enseignants et sur les combats perdus et gagnés par la discipline…
Lors du débat organisé par le thinktank République et diversité, les manuels de SVT ont été vivement critiqués. Partagez vous ces critiques ?
Réfléchir à ce que peuvent véhiculer les référentiels et les manuels est une bonne chose. Nous partageons l’objectif de lutter contre les stéréotypes. Mais il ne faut pas surévaluer l’importance des manuels. Ce sont des moyens d’enseignement et non la bible des enseignants et des élèves. On n’est plus dans els années 1950 ou 1960. Aujourd’hui il y a d’autres moyens d’enseignement comme Internet. Le manuel n’est plus qu’un document comme un autre. Mais qu’on essaie de faire passer dans l’enseignement des choses contre le sexisme par exemple c’est plutôt intelligent surtout en SVT où on a aussi à faire de l’éducation sur la sexualité et l’égalité entre les hommes et les femmes. Les enseignants de SVT sont aussi là pour faire connaître les lois par exemple sur l’IVG, la procréation assistée (PMA).
Le débat de République et diversité a montré par exemple que le clitoris reste absent de nombreux manuels. Comment expliquez vous cela ?
Cela tient sans doute au manque de temps lors de la confection des manuels et à la réutilisation de vieux documents.
Peut-être aussi au fait que c’est difficile à enseigner ?
Oui ce type d’enseignement n’est aps facile à faire passer surtout au collège. On se retrouve avec des adolescents qui ont des cultures différentes. Certains éditeurs vont avoir le souci d’éviter des problèmes avec des associations de parents. Les enseignants vont éviter d’entrer dans des détails.
Il y a eu des plaintes de parents ?
Pas sur ce sujet. Moi même quand j’enseignais dans le 93 je n’ai jamais eu de problèmes avec les parents. Au contraire, les filles étaient plutôt demandeuses d’information et on faisait un vrai travail d’éducation. On séparait les filles et les garçons pour aborder certains sujets. Mais à propos de l’IVG dans un sujet du bac L il y avait eu une vraie polémique. L’archevêque de Tours avait écrit au ministre. On est sur le front sur bien des points…
La SVT est une discipline particulièrement exposée ?
On se retrouve face à des réactions fortes de la société. Par exemple il y a quelques années l’APBG avait entrepris, avec les nouveaux programmes portant sur la génétique de faire connaitre des expérimentations permettant de réaliser des bactéries transgéniques non pathologiques. Pédagogiquement c’était très intéressant. Mais on a été très attaqués par des associations anti-OGM. On a été accusés d’être des partisans des OGM et on a du décider d’arrêter. Puis il y a eu la querelle du genre où on a été accusés d’être au service de l’intelligentsia homosexuelle…
Votre discipline doit faire face à une montée de l’obscurantisme ?
Ce qui est grave c’est l’absence de dialogue avec ces associations. Par exemple on produit de l’insuline humaine avec des techniques transgéniques sans que personne trouve à y redire. Mais nous nous retrouvons en première ligne. Face à ces pressions, nos gouvernants ont des responsabilités Les sciences ne sont pas importantes pour eux. La défiance envers la science s’insinue dans la société. Les scientifiques ne sont plus écoutés. C’est inquiétant. Au ministère de l’éducation nationale, j’ai le sentiment d’un faible intérêt pour les disciplines scientifiques.
Pour y remédier il faudrait commencer par augmenter la part des sciences dans l’enseignement primaire. On en discute beaucoup avec l’Académie des sciences qui ouvre ses Maisons des sciences. On est en désaccord sur l’enseignement intégré des sciences au collège (EIST). On constate qu’on ne peut pas vraiment tout enseigner au même niveau de la technologie à la biologie. Avec l’EIST on va avoir des problèmes de niveau. Là où l’EIST est en pratique, dans d’autres pays comme le Royaume-Uni, c’est ce qu’on constate. On peut faire des programmes plus interdisciplinaires mais ne pas fondre les enseignements.
Enfin je trouve dommage que les programmes très chargés nous empêchent de répondre aux demandes des adolescents. On est souvent obligés d’aller très vite sur des suejts où les jeuens sont en demande de réflexion. On aimerait pouvoir s’arrêter et prendre du temps sur les OGM, l’IVG, la PMA etc. La société y gagnerait.
Propos recueillis par François Jarraud