Le premier manuel scolaire auquel participe Le Café pédagogique est destiné au lycée professionnel. Et ce n’est pas un hasard.
Douze professeurs d’histoire-géographie, membres du Café pédagogique, principalement des PLP, participent à la rédaction du manuel de 2de pro « Passeurs de mondes » co-édité par Le Robert et Le Café pédagogique.
Sous la direction de Jean-Pierre Meyniac, ils ont réalisé 36 activités TICE pour appuyer chaque chapitre de l’ouvrage. Les activités s’appuient sur des supports variés : sites web, vidéos en ligne, logiciels simples et courants. Elles se répartissent en 5 catégories afin de varier les approches pédagogiques : histoire des arts, travailler les capacités, approfondir, utiliser des outils TICE, s’évaluer.
Guillaume Jacq, co-auteur d’un manuel scolaire « Café pédagogique »
Comment devient-on auteur de manuel scolaire ? Dans quel sens écrit-on un manuel ? Professeur en lycée professionnel à Pont de Beauvoisin (Isère), Guillaume Jacq a participé au manuel d’histoire de seconde professionnelle que publient les éditions Le Robert en partenariat avec Le Café pédagogique. Douze auteurs sélectionnés par Le Café pédagogique ont rédigé des fiches pédagogiques sur des usages du numérique qui viennent enrichir le manuel. 36 activités TICE s’appuyant sur des supports variés sont accessibles aux élèves sur le site du manuel.
Avec quelle optique avez-vous travaillé ?
Le projet consiste à rédiger 36 fiches (une pour chaque situation décrite dans les programmes, soit 12 en histoire, 12 en géographie et 12 en ECJS) permettant de compléter le manuel-papier par une activité mettant en œuvre les Tice. Personnellement j’ai rédigé 3 activités en ECJS.
L’idée est de proposer des situations dans lesquelles les Tice ne sont qu’un moyen et non pas une fin : ça n’est pas les Tice pour les Tice ! C’est pour cela que nous prenons soin de nous appuyer sur les programmes et leurs contenus disciplinaires. C’est d’autant plus important en Lp que nous enseignons également le français : il faut rendre ces 2 disciplines complémentaires mais leur laisser leur spécificité.
On peut résumer les objectifs de mon travail en 3 maîtres-mots : l’autonomie, l’approfondissement et la remédiation. En effet ces fiches sont conçues pour mettre les élèves en situation autonome face à une situation décrite dans le programme ; elles permettent d’approfondir un sujet de cours ; elles permettent également de remédier (d’essayer de remédier) à certaines lacunes.
Pouvez-vous nous donner un exemple ?
En ECJS j’ai proposé une activité de découverte des partis politiques que j’avais testée l’an dernier au moment de la campagne présidentielle de 2012. Après une phase de découverte des principaux partis au travers de leur site Web les élèves doivent extraire des éléments de leur programme politique et les confronter sur des thématiques qu’ils choisissent. L’autonomie se situe dans la recherche et le choix libre des thématiques ; l’approfondissement se retrouve dans l’idée de confrontation ; enfin la remédiation se fait par l’obligation de retranscrire en langage clair un discours politique !
Comment envisagez-vous la place des Tice dans l’enseignement de l’histoire-géographie en Lycée Professionnel ?
Je dirais d’abord qu’en lycée professionnel je pense que la clef de notre enseignement c’est le sens : il faut donner du sens à ce que l’on fait ! Ainsi les Tice sont un des moyens pour donner du sens… Je dirais même, pour donner du sens à ce qu’ils savent faire. En fait il est intéressant de s’appuyer sur la culture numérique des élèves, qui est réelle… mais le plus souvent éloignée des préoccupations de l’école. Par exemple les élèves maîtrisent largement Facebook… mais ils « se plantent » souvent lorsqu’il s’agit de rechercher efficacement (et de manière critique) sur le Web ou d’élaborer une carte en ligne.
Les Tice peuvent servir de porte d’entrée, d’accroche. Ainsi j’ai débuté le thème de géographie sur les risques en les faisant jouer à Halte aux catastrophe ; de même les vidéo en ligne de la Halde ont permis de débuter le cours sur les discriminations.
Je comprends cette idée de donner du sens, mais comment faire quand on a des sujets à traiter comme « Diderot à la cours de Russie » ou encore « Les voyages d’exploration de James Cook »… Pas facile non ?
Effectivement, cela peut paraître difficile ! Prenons Diderot : mon approche c’est de confronter l’idée actuelle du recul de la place de la France dans le monde avec une période où cette même France rayonnait largement en Europe et dans le monde. Si tu prends James Cook, tu as le Haka Néozélandais et les All-Blacks comme levier d’approche !
Revenons aux Tice. Peut-on bien travailler en lycée Pro avec les Tice ? Niveau des élèves ? Equipement ? etc.
Dans mon lycée je n’ai aucun souci d’équipement (salle informatique, tablettes numériques, TNI…) car la région Rhône-Alpes dote assez bien les établissements. Je sais qu’il subsiste de réelles disparités mais il me semble que la situation se soit largement améliorée.
Le niveau des élèves ? En 2010-2011 j’ai eu l’occasion de travailler en étroite collaboration avec un collègue du lycée général (1) sur le conflit d’acteurs dans l’aménagement du territoire et sur le croquis de la région Rhône-Alpes. Nous avions une classe de terminale bac Pro et une classe de première S. J’ai pu constater que mes élèves avaient, comparativement, de sérieuses difficultés en français et un réel manque d’autonomie… Mais, en terme d’usage des Tice, le fossé était beaucoup moins creusé (2).
Certes nos élèves en lycée Pro sont bien souvent en difficultés mais il ne faut pas s’en faire un tableau trop pessimiste. On peut bien travailler avec les Tice, surtout, comme je le disais avant, si on se donne comme but de donner du sens à ce que l’on fait, donner des repères à des jeunes qui en manquent parfois. Un moyen d’ailleurs d’y parvenir c’est, par les Tice, de valoriser le travail réalisé et de le rendre visible. L’an dernier, par exemple, j’ai tenu un blog avec les élèves.
Pour finir pourrais-tu me dire ce que ce travail sur les fiches Tice Nathan t’as apporté ?
Je dirais que cela m’a permis de prendre du recul sur ma pratique et que cela m’a fait réfléchir sur les finalités de mon enseignement. Cela m’a confirmé dans l’idée qu’il faut partir du vécu des élèves. Cela m’a, enfin, confirmer l’importance du travail en équipe.
Interview réalisée par Jean-Pierre Meyniac.
Notes
(1) Le Lp et le lycée général sont dans les mêmes locaux.
(2) Voir : http://www.ac-grenoble.fr/disciplines/hg/articles.php?lng=fr&pg=878