L’Ecole publique est-elle en train de virer privée ? C’est une des questions que pose Le Café pédagogique mensuel de mars qui s’interroge aussi sur le combat interne à la droite à propos des jeunes des quartiers.
Dans un ouvrage qu’il vient de publier, Yves Dutercq montre que, construite en réaction à l’école catholique, l’école publique française est gagnée par la privatisation. Le système éducatif public est gagné par des modes de gestion et de fonctionnement empruntés au secteur privé. Ce sont les injonctions à la personnalisation, à l’autonomie, les contrats d’objectifs, peut-être bientôt un budget par établissement qui inclura la masse salariale comme l’envisage une commission du Sénat. Ailleurs on voit la frontière entre public et privé s’effacer. Ainsi en Angleterre, se construisent de nouvelles écoles, les « academies » qui sont privées mais sur capitaux partiellement ou totalement publics.
Mais l’école publique elle-même a-t-elle jamais rompu avec l’école privée ? Dans un remarquable entre tien accordé au Café, Claude Lelièvre met en évidence l’héritage catholique dans notre école publique. Non seulement dans son administration et la création d’un « corps » enseignant, un véritable ordre, mais aussi dans ses pratiques pédagogiques héritée des méthodes de la Contre Réforme. Quant à l’école catholique, les contrats passés avec l’Etat l’ont considérablement sécularisée. Les soeurs ennemies se rapprochent.
Est-ce la peur du religieux ? La droite paraît singulièrement divisée sur l’avenir des jeunes des quartiers. Alors que le président de a République agite la peur de l’Islam, Luc Chatel annonce une circulaire anti-foulard qui mettra les mères musulmanes à la porte des écoles de la République. Une position qui augmenterait le sentiment de discrimination déjà à l’oeuvre dans les quartiers et la réalité de la discrimination dans le système éducatif. Inversement la sénatrice UMP Fabienne Keller vient de rendre un rapport qui demande qu’on reconnaisse le fait religieux et la biculture pour préparer un autre avenir aux collégiens des quartiers. Il n’y a pas que le débat sur le socle commun qui traverse la majorité, décidément bien embarrassée par les questions scolaires.
Avec ce numéro de mars nous entrons dans la 10ème année du Café pédagogique. Le 22 mars 2001 nous fondions cette nouvelle revue pédagogique avec le projet d’en faire un lieu d’information libre et de réflexion sur l’Ecole, ouvert à ses différents acteurs. En dix ans le Café est devenu un objet médiatique unique : un véritable média sur l’éducation, avec des éditions quotidienne et mensuelles, réalisé par des enseignants. Son avenir se construit au quotidien avec son équipe d’une quarantaine de professeurs et avec vous, lecteurs et contributeurs de tous horizons mais passionnés comme nous par l’alchimie de la transmission scolaire. A 10 ans on peut encore laisser dire que c’est le bel âge.
François Jarraud
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