« En 2011, le coût théorique du parcours d’un élève entre le début de sa scolarité obligatoire et la fin de ses études secondaires en France est dans la moyenne de l’OCDE », annonce la Direction des études du ministère de l’éducation nationale (DEPP). Basée sur les données publiées par l’OCDE, cette Note d’information relativise les écarts entre primaire et secondaire mais montre les particularités françaises dans le financement de la dépense d’éducation. Mais la vision de la Depp est pourtant loin d’épuiser les apports de sa source d’information…
Une note qui relativise les écarts
« En 2011, la dépense annuelle pour un élève ou un étudiant en France s’élève à 10 450 $PPA, au-dessus de la moyenne de l’OCDE (9 490 $PPA). Les disparités entre pays sont importantes : la dépense annuelle par élève ou par étudiant aux États-Unis (15 350 $PPA) est ainsi presque deux fois plus élevée qu’en Corée du Sud (8 380 $PPA)’, affirme la note de la Depp. « La France se positionne différemment selon le niveau d’enseignement. Elle est en dessous de la moyenne pour l’enseignement primaire (avec une dépense annuelle moyenne de 6 920 $PPA contre 8 300 $PPA pour l’OCDE) mais au-dessus pour le secondaire (11 110 $PPA contre 9 280 $PPA) et l’enseignement supérieur (15 380 $PPA contre 13 960 $PPA). »
« Ce coût théorique est inégalement réparti entre le primaire et le secondaire », poursuit la Depp. « Il dépend, d’une part, du coût annuel par élève dans chaque cycle et, d’autre part, de la durée théorique de scolarité dans le primaire et le secondaire. En France, le coût annuel d’un élève du primaire est inférieur à la moyenne de l’OCDE, alors qu’il est supérieur pour un élève du secondaire. La scolarité primaire y est plus courte que dans la plupart des pays (5 ans au lieu de 6) tandis que la scolarité secondaire est plus longue (7 ans au lieu de 6). La France dépense donc moins que la moyenne de l’OCDE pour le parcours d’un élève dans le primaire, et plus pour un élève pendant la durée des études secondaires ». Basée sur « Regards sur l’éducation » 2014, une publication de l’OCDE, la note relativise les écarts entre primaire et secondaire. Ainsi elle souligne que si la scolarité dans le secondaire est si chère en France « cela s’explique en grande partie par le fait que dans ces pays, les études secondaires durent au moins deux ans de plus que les études primaires » ce qui n’explique pas l’écart annuel. L’OCDE avait autrement mis l’accent sur les inégalités entre primaire et secondaire, inégalités qui tiennent déjà aux écarts salariaux entre primaire et secondaire.
Pourtant les écarts sont bien là…
La Depp apporte peu d’explications sur les écarts entre pays. « Un parcours du primaire au secondaire coûte 110 300 $PPA pour la moyenne des pays de l’OCDE », note la Depp. « La Norvège se détache nettement des autres pays par son niveau élevé de dépense cumulée (170 030 $PPA), suivie des États-Unis (142 190 $PPA) et du Danemark (133 210 $PPA) La France (112 470 $PPA) se situe dans une zone proche de la moyenne de l’OCDE ». Le faible coût de la Corée du sud ou de l’Espagne ne prend pas en compte ce qu’on appelle la « shadow education » , c’est à dire le recours systématique à des petits cours privés pour se substituer à l’enseignement officiel. C’est le cas en Espagne par exemple pour les langues vivantes. En Corée du sud les élèves prolongent leur journée de classe dans des cours particuliers. Pourtant il y aurait bien des choses à dire sur les écarts de coût dans le système éducatif français. Les travaux du Cnesco sur le redoublement ont évalué à 2 milliards soit à peu près 2% de la dépense éducative le coût du redoublement en France.
Surtout la Depp omet les écarts de coût entre niveaux et filières. Là les inégalités sont importantes et mériteraient d’être signalées. En 2012, le coût moyen d’un collégien se situe à 8 410 euros, celui d’un lycéen à 11 310 euros. Dans le supérieur, le coût d’un étudiant est de 10 940 euros contre 15 020 pour un élève de classe préparatoire. Au moment où se fabrique la réforme du collège, il faut souligner l’écart entre collège et lycée et aussi le fait que la République accorde deux fois plus de moyens pour façonner ses futures élites venues généralement de milieu privilégié qu’à éduquer les enfants du collège unique. Ce qui explique le coût du lycée est bien connu. Il y a d’abord le nombre des enseignements et le volume d’heures de cours nettement plus important dans le système éducatif français. Dans la plupart des pays européens les lycéens se spécialisent à partir de la première et ne gardent que 5 ou 6 disciplines. En France, on a renoncé à spécialiser réellement les filières du lycée. La majorité des élèves conserve la quasi-totalité des disciplines jusqu’en terminale. Enfin, les établissements ont utilisé les enseignements optionnels dans leur stratégie de différenciation. Il en résulte une multiplication des ces enseignements en réponse souvent aux vœux des familles.
Faut-il relâcher l’effort éducatif ?
La dimension temporelle est aussi absente de la Note de la Depp. Alors que les pays de l’OCDE ont augmenté leurs dépenses d’éducation sur la décennie 2000-2010, la France fait partie du petit groupe de pays (avec l’Italie et la Hongrie) où elles ont baissé. Tous les autres pays de l’OCDE ont une croissance positive, parfois très forte. Les États-Unis sont passés de 6,2 % du PNB à 7,1 %, le Royaume-Uni de 4,9 à 6,5 %, le Danemark de 6,6 à 7,1 % par exemple. En France on est passé de 7,3% du PIB en 2000 à 6,9% en 2012. Ramené par tête d’élève, comme le précisait une note de la Depp de 2012, « entre 2000 et 2009, les dépenses par élève des établissements d’enseignement des niveaux primaire, secondaire et post-secondaire non tertiaire ont augmenté en moyenne de 36 %, et de 16 % au moins dans 24 des 29 pays dont les données sont disponibles. L’augmentation est inférieure à 10 % seulement en France, en Israël et en Italie ».
François Jarraud
Note d’information
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2015/72/2/DEPP_NI_2015_06_de[…]
OCDE Écarts primaire et secondaire
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/09/10092014Article635[…]
RERS 2014
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2014/04/7/DEPP_RERS_2014_344047.pdf
« On en a assez de l’escroquerie de la réforme de l’éducation prioritaire ». Alors que la ministre a lancé en novembre 2014 « 9 mesures pour les écoles de Seine Saint-Denis », les professeurs de la ville de Saint-Denis (93) manifestent leur ras le bol le 12 mars. Pour eux, les promesses ministérielles se fracassent sur la réalité des dotations horaires et les ouvertures de postes de la prochaine rentrée.
Pas de professeur de français depuis 3 mois
« Ma fille n’a pas de professeur de français depuis 3 mois », témoigne Marisa Soumaré, professeure documentaliste dans un collège de Saint-Denis (93). « Elle a eu deux remplaçants pas formés qui n’ont pas tenu et sont rapidement partis ». La Seine Saint-Denis est le département qui fait le plus appel aux contractuels avec un taux moyen de 12% des enseignants dans le 2d degré qui peut monter à beaucoup plus dans les établissements difficiles. La pénurie de professeurs s’accompagne d’un fort sentiment de dégradation. « On a pu constater les effets de la suppression des Rased sur nos élèves. Dans le collège les dédoublements disparaissent après la 6ème ce qui fait que les élèves ne peuvent plus faire d’expériences en physique par exemple ».
De l’exaspération, les enseignants de Saint-Denis en ont à revendre, coincés qu’ils sont entre des annonces ministérielles sensationnelles et des parents qui ne supportent plus l’absence des enseignants et l’échec scolaire. « On nous demande d’être loyal à l’institution », explique Eric Bernier, directeur de l’école de Franc Moisin à Saint-Denis. « Cela casse notre rapport avec les parents ». Malgré la colère des enseignants présents, certains sujets restent tabous. On n’en saura pas plus sur le recrutement de contractuels incapables d’enseigner ou sur les démissions d’enseignants qui ne semblent pas rares.
Des besoins en poste impossibles à satisfaire ?
Par contre les enseignants ont chiffré les besoins en postes. Pour Catherine Da Silva, représentante du Snuipp, la seule ville de Saint-Denis a besoin de 193 postes à la prochaine rentrée. « 56 plus de maitres que de classes, 33 pour faire face à la croissance démographique, 20 pour les remplacements Rep+, 22 rased, 20 remplaçants, 29 en scolarisation des moins de 3 ans », détaille-t-elle. Or le rectorat a prévu 240 nouveaux postes à la rentrée… pour tout le département. À cette échelle, selon Wilfrid Dulouart, de Sud, il faudrait 1683 nouveaux postes. Le concours spécial pour Créteil, la mesure phare du ministère, va apporter des personnes dans l’enseignement mais pas 500 postes, souligne le Snuipp.
Dans le second degré, Jean-Charles Houdak souligne aussi la disparition des moyens dans les prochaines dotations horaires des établissements. Ce sont les « heures 93 », un avantage local qui disparaissent avec d’autres moyens propres au département. Les enseignants présents se plaignent de la montée des violences dans les collèges et de l’insuffisance du nombre de surveillants. Là aussi ils ont le sentiment de flouer les élèves. « La réforme de l’éducation prioritaire va se traduire par une heure 30 de cours en moins pour les enseignants et une prime supplémentaire. Mais les élèves ont quoi ? », interroge un enseignant. Selon lui, pour pouvoir appliquer les premières mesures des Rep+, le rectorat a dû piocher dans les moyens pédagogiques.
Au rectorat on souligne la montée des moyens. « Dans les collèges pour une croissance du nombre d’élèves de 1,2% on met 2,45% de moyens en plus. Au primaire c’est 0,9% et 2,42% », nous dit l’entourage de la rectrice. Et on souligne que les vrais enjeux dans le département sont pédagogiques plus que quantitatifs. Rien de bien rassurant pour un département qui a accumulé un retard important dans les créations de postes et où l’édifice scolaire est en train de craquer.
François Jarraud
9 mesures pour la Seine Saint-Denis
http://www.education.gouv.fr/cid83947/9-mesures-pour-les-ecoles-de-seine[…]
Un concours spécial pour la Seine Saint Denis
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/11/20112014Article63[…]
Accepterait-on cela à Paris ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2014/11/10112014Article63[…]
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