Par Isabelle Lardon
Vanessa LALO, psychologue clinicienne, spécialisée dans les addictions et les médias numériques va dresser un panorama complet de toutes les sortes de jeux video existant en ligne et dont les enfants se sont emparés. Elle va un peu malmener la vision que les éducateurs en ont, en posant la question du numérique dans ses usages sociétaux, scolaires et thérapeutiques.
« Un jeu video, c’est quoi ? Avant tout c’est un jeu, tout court, avec des règles, des contraintes, des éléments perturbateurs, des gratifications. »
Quand le jeune passe beaucoup de temps à jouer à des MMORPG, jeux de rôles en ligne massivement multi joueurs, on pense qu’il est addict à ce type de jeu. En réalité, il est addict à ses copains parce que derrière son écran, il est avec ses copains, il communique avec eux. Le jeu continue, même quand il n’est plus en ligne, et il peut arriver des choses à son avatar (son double virtuel)
Il y a des jeux de plateformes et de réflexion, qu’on utilise pour passer le temps, faire le plus de points possible ; les jeux de simulation, de sport, de la vie, où on expérimente une autre vie, où on se bat avec soi-même, les autres ou l’ordinateur.
D’après elle, le phénomène d’adddiction est une vraie lubie médiatique. Il vaut mieux parler de pratiques excessives. Même l’académie de médecine va dans ce sens, avec le bénéfice du doute. Sur le milliard de joueurs qui jouent aux jeux video, sur téléphone, ordinateur ou console, rares sont ceux qui sont véritablement dépendants. La plupart du temps, on se réfugie dans ces jeux dans des moments de vie difficiles : dépression, phobie sociale, échec scolaire, à l’adolescence, parce que le jeune vit une période de bouleversement, de changement dans son corps. Souvent l’entourage qui stigmatise ces jeux fait que cela devient un symptôme.
Voir les choses autrement avec le numérique
Le développement du numérique entraine une vraie capacité d’utiliser différents outils en même temps (télévision, ordinateur et téléphone par exemple). Il crée de nouvelles amitiés. C’est un changement du lien, la relation est très complice car on se cache derrière son écran. Les réseaux sociaux assurent des continuités.
Le numérique instaure une nouvelle temporalité, un nouveau rapport à l’espace. On a plus de mal à s’ennuyer, quand il n’y a plus de stimuli, on a un sentiment de vide. Internet est un terrain de jeu et de créativité. On peut communiquer à l’autre bout du monde, s’ouvrir à d’autres cultures, sortir de l’enfermement corporel, psychologique et géographique. Le rapport aux autres a complètement changé depuis le début du XXème siècle, on vit l’accélération d’un processus déjà en cours. Le jeu video est un formidable outil pour communiquer avec les autres.
Encore des avantages du numérique selon elle : immersion, interactivité, régression ludique et plaisir, engagement de la personne…. La virtualité est basée sur les mêmes fonctionnements que dans le réel. Il faut s’approprier le numérique. Evidemment, c’est un peu déstabilisant. Il faut le connaitre pour être en capacité d’accompagner les jeunes, guider, poser les limites. Le jeu video n’est qu’un outil, tout dépend de l’usage qu’on en fait et du discours qui l’accompagne.
Dans les apprentissages, le numérique ouvre de nombreux possibles. On a créé tout un panel de jeux sérieux pour obtenir un effet pédagogique ou thérapeutique, transmettre des connaissances, entrer en relation, être utile en médiation. En collège par exemple, on va mettre en oeuvre des projets transdisciplinaires qui font des liens entre les matières. En arts plastiques, on crée le jeu, en français on écrit la règle, en maths, etc…
Evelyne VINCENT, militante de l’OCCE, préconise d’utiliser en classe des jeux coopératifs dans lesques sont travaillés respect de l’autre, entraide, écoute, esprit d’équipe, socialisation, compétences langagières. Les élèves vont apprendre à jouer ensemble, à faire gagner l’équipe, à se donner des cartes pour que l’équipe gagne.
Se fondant sur l’idée que les jeux du commerce sont intéressants mais qu’ils ont des limites vis à vis de la classe : coût quand on veut en acheter plusieurs, fragilité des pièces, elle a créé elle-même des jeux coopératifs. Les objectifs poursuivis sont doubles, par exemple créer un jeu mathématique sur le thème du développement durable. « On fait du calcul sans s’en apercevoir », dit-elle. Est-ce bien si sûr ?…
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