« Je ne vais pas changer les programmes même si j’ai des réserves sur certaines choses », nous avait dit Jean-Michel Blanquer le jour de son arrivée au ministère, le 17 mai. Quatre mois plus tard, dans un entretien donné à L’Express, le ministre de l’éducation nationale annonce une réforme des programmes pour l’école comme pour le collège en maths et en français. Justifiée par l’appel aux sciences cognitives, cette réforme rétablit en fait les programmes de 1945. Un sacré saut en arrière qui interroge. Mais qu’est ce qui pousse Blanquer ?
Retour à avant 1970
« Il n’est pas question de modifier la loi et les textes des programmes brusquement. Mais cela ne veut pas dire que les programmes ne doivent pas évoluer ». En fait c’est bien des changements radicaux que JM Blanquer veut faire.
En français, le ministre veut installer un enseignement chronologique de la littérature, style Lagarde et Michard. « La façon dont on aborde notre patrimoine littéraire au collège, par grandes idées et non plus par courants et époques spécifiques doit être repensée… Nous devons revenir à une approche plus chronologique ». Le ministre ajoute que « la refonte radicale des programmes opérée il y a trois ans (a) donné lieu à des résultats mitigés ». Mais en fait les programmes sont entrés en vigueur en 2016 et n’ont qu’une année d’existence. Ils n’ont donc jamais été évalués. JM Blanquer veut aussi revoir la grammaire et supprimer le prédicat, une notion introduite en 2016 qui avait été très médiatiquement condamnée par la droite.
En maths, le ministre veut rétablir « la maitrise des quatre opérations au CP et au CE1 ». C’est u retour au programme de 1945 et à l’époque d’avant 1970.
Portable et laïcité
Le ministre a également annoncé la création d’une « cellule laïcité » au ministère « pour répondre à tous les cas qui se présentent via les rectorats ». Pour lui à la différence de l’équipe précédente, cette cellule permettra de se mettre « en situation de combattre » l’islamisme.
JM Blanquer a aussi annoncé l’interdiction des portables dans les établissements scolaires. Ceux ci sont déjà interdits d’usage en classe. Le ministre veut aller plus loin et organiser le ramassage des téléphones à l’entrée des établissements. Les élèves ne pourraient plus les utiliser dans la cour de récréation.
Des propos surprenants
Le ministre ne ménage pas ses efforts médiatiques et il nous a habitué à aller presque chaque semaine plus loin dans les réformes. Pour ne reprendre que les deux derniers épisodes significatifs, le 1er septembre le ministre annonçait des réformes de fond sur la gouvernance de l’éducation nationale. Non seulement il remettait en question le recrutement et l’évaluation des enseignants, posant le problème du maintien des accords du PPCR, mais aussi il lançait concrètement la réforme territoriale avec en perspective la suppression des anciennes académies. Une semaine plus tard, le 8 septembre, JM Blanquer nous déclarait ne plus être tenu et par l’objectif de 60% de diplômés du supérieur et par les créations de postes prévues en BTS. Deux points qui interrogent sur l’avenir des bacs professionnels au moment où se discute les conditions d’accès au post bac. Une semaine plus tard c’est le tour des programmes…
On ne relèvera pas la contradiction entre un ministre qui demande la confiance et qui change les programmes via un article de presse sans aucune autre consultation que son génie personnel.
N’empêche, la réforme annoncée est surprenante. D’abord parce qu’elle pose des problèmes réglementaires. On n’a pas le droit de confisquer des portables et il faudrait une loi pour l’autoriser. Les programmes relèvent du Conseil supérieur des programmes. On a bien compris que le ministre ne le voit pas d’un bon oeil. Mais la loi de 2013 impose sa consultation.
Ensuite le ministre sait très bien que sa réforme sera mal acceptée par les enseignants, déjà las du zig zag permanent et souvent hostiles aux bases mêmes de la réforme comme nous le montrons dans d’autres articles. Il prend donc le risque d’affronter les enseignants.
Gouverner par les sondages ?
Alors qu’est ce qui pousse JM Blanquer ? Il nous en souffle lui même la raison. Ce ne sont ni les neurosciences, ni le bon sens. JM Blanquer nous dit : « Tous ceux qui font un tableau caricatural des mesures que j’ai prises prennent le risque d’être incompris d’une partie de la population. Selon un récent sondage chacune des mesures de la rentrée recueille entre 65% et 85% d’opinions favorables ». JM BLanquer gouverne au sondage.
François Jarraud