Pour faire face à l’épidémie de coronavirus, les académies font feu de tout bois et la DANE de Paris est exemplaire en ce sens en ayant mis en place un guide en ligne. L’ensemble des propositions faites rejoignent d’abord l’existant : ENT, Espace partagé académique, CNED et autres ressources du ministère (DNE). A cela s’ajoute ici un site « semi-privé » Edumalin une start’up de la Ed Tech.. Les soutiens dont cette société se réclame sont principalement publics (région, ministère). L’académie est donc dans une dynamique plus générale de mise en place d’un confinement à l’italienne (pas d’école pendant trois semaines actuellement). On peut le comprendre, mais est-ce que cela est suffisant ?
Le retour en grâce des ENT.
Initié au début des années 2000, les ENT sont quasiment généralisés dans l’ensemble de l’enseignement secondaire (à quelques exceptions qui ont mis en place d’autres stratégies) et se déploie dans le primaire (comme par exemple dans la Somme depuis plusieurs années). Cet engouement pour les ENT va au-delà d’un simple retour en grâce, il s’agit d’une légitimation d’une stratégie qui aurait pu amener à des transformations profondes du système scolaire en particulier dans des démarches d’hybridation des enseignements et d’autonomisation des élèves. Mais la lourdeur de certains ENT, la difficulté des académies à les implanter dans les pratiques pédagogiques, la réticence des enseignants souvent peu formés à cette dimension, ont amené à une critique latente de ces produits alors qu’ils continuent malgré tout de se généraliser. Voilà enfin une occasion de montrer leur pertinence dans des situations qui viennent bousculer la forme scolaire.
L’arrivée d’acteurs privés
Cela était inévitable, tant le marché est tentant. Ces acteurs privés du soutien et de l’accompagnement scolaire s’adressent d’abord aux familles. Or dans le cas présent difficile de les solliciter, en particulier financièrement, car elles vont être elles aussi en difficulté (chômage partiel etc.). Il faut alors se tourner vers les financeurs publics qui sont très perméables à leurs offres du fait de la situation. Ainsi en est-il de la start’up évoquée dans le cas de l’Ile de France. On comprend que le contrôle sur ces offres va devoir se faire conjointement entre les collectivités et l’académie si l’on veut assurer une cohérence de l’offre.
La réhabilitation du CNED
Il est très mis en avant en ce moment. Son directeur avait rencontré le ministre il y a plusieurs semaines, avant l’éclatement de la crise sanitaire et il est probable qu’il était dans une situation positive pour proposer des solutions, permettant au ministre de montrer qu’il avait anticipé. Dans le site de l’académie de Paris, il est judicieusement indiqué que le soutien apporté par le CNED est à associer au suivi par les enseignants que l’on incite à s’identifier sur la plateforme proposée pour connaître les propositions faites aux élèves et ainsi assurer au mieux l’accompagnement.
Repartir de l’enseignant
La continuité pédagogique, nous l’avons déjà écrit, repose d’abord sur la proximité. C’est pourquoi il est nécessaire de repartir de l’enseignant et de ses élèves pour la penser. Si certains pensent qu’il suffit de mettre à disposition des ressources de quelque nature que ce soit, ils oublient les débuts de la FOAD où certains pensaient qu’en mettant en ligne des PDF (et maintenant des cours en vidéo) cela suffirait… En réalité il n’en est rien. La relation pédagogique est une forme de contrat qui est constamment interrogé dans le quotidien de la classe et qu’il faudra interroger aussi dans la situation actuelle : comment redéfinir le contrat pédagogique entre les enseignants, les élèves et les familles. Si l’on ne regarde pas cela de près, alors ce seront simplement de nouvelles « grandes vacances »… voir la vacance des initiatives publiques. Il semble que l’UNESCO sollicite les pays pour mettre du lien et proposer des solutions partagées… Mais suffit-il de solutions (même gratuites et libre) techniques, il faut aussi du lien humain.
Bruno Devauchelle