Comment les professeurs de langues maintiennent-ils la continuité pédagogique ? Tous deux professeurs en collège, Cyril Dussuchaud et Howard Bennett s’adaptent à la nouvelle situation née de la fermeture générale des établissements scolaires. Au cœur de leurs préoccupations, la confiance et le risque de décrochage.
Tout va dépendre de la durée de la fermeture
Professeur d’anglais au collège de Nexon (87), Cyril Dussuchaud s’appuie surtout sur son site pour proposer des activités pédagogiques. « Beaucoup de collègues s’interrogent sur la façon de faire face aux bugs sur les sites les plus connus. De mon coté je donne du travail aux élèves selon le rythme habituel en réadaptant mes cours et en utilisant Pronotes comme cahier de textes ».
« Je propose des choses adaptées : je poste un document pdf sur le site avec un texte à compléter et des questions sur la compréhension écrite. Le corrigé est sur le site et je fais confiance aux élèves pour qu’ils ne regardent pas la solution avant le travail. Ils ont des fiches à compléter en utilisant les applications présentes sur mon site. La compréhension orale passe aussi par un exercice sur papier. Les élèves renvoient des documents et le contactent via son site ou Pronotes.
C Dussuchaud ne cherche pas à avancer beaucoup dans le programme mais plutôt à « entretenir le cerveau du mieux que je peux ». Il souligne les échanges avec les collègues, notamment sur Facebook.
Sa principale inquiétude c’est de perdre des élèves. 5 élèves n’’ont pas accès à Internet et il leur est demandé de venir au collège chercher les documents sur papier. « Tout va dépendre de la durée de la fermeture, nous dit-il. « Avec le temps le risque de décrochage va devenir bien réel. A nous d’accompagner les élèves et d’être vigilant ».
Un pacte de confiance avec les élèves
Howard Bennett est professeur d’anglais au collège Lubet Barbon de Saint-Pierre du Mont dans les Landes, un département qui a été pionnier dans le prêt d’ordinateurs aux collégiens et les pratiques numériques en classe. Tous les élèves de 4ème et de 3ème sont équipés, leurs professeurs aussi. « La grande majorité de mes cours sont déjà numérisés », nous dit Howard Bennet, « cette étape n’est pas à faire ».
Là aussi Pronotes sert pour le cahier de textes et la messagerie avec les élèves et les parents. »Je mets en ligne un document sur Pronotes dans lequel il y a une production écrite à faire et l’indication d’une production orale à faire dans une application qu’ils ont tous sur leur smartphone : Quizlet. Ce document est aussi envoyé par mail aux parents », nous dit Howard Bennett. Les élèves ont aussi un challenge en ligne sur Kahoot avec une date limite pour ce travail. Il couvre ainsi les 5 domaines exigés en langues. Cette multiplication des outils est possible car les élèves sont familiarisés avec eux. Et ces plateformes permettent de savoir qui fait le travail. Pour le moment le travail a été fait par 25% des élèves.
Pour le moment il s’agit de rebondir sur des explications faites en classe. « A partir du moment où il y aura de nouveaux éléments de grammaire ou de nouvelles références culturelles, je vais utiliser un logiciel pour enregistrer mon écran », dit-il. « Je ferai un diaporama amélioré, une sorte de petit film ».
La grande inquiétude c’est le décrochage. « Ce qui manque aux élèves c’est l’interaction humaine », explique H Bennett. « On entre dans un pacte de confiance avec les élèves. J’envoie du travail d’entrainement et je leur demande de le faire. C’est compliqué car il faut beaucoup de discipline. Cette discipline individuelle sera-t-elle la même pour tous les élèves ? »
« Je me pose la question de la prolongation. On doit déjà s’inquiéter pour certains élèves. La situation augmente aussi les inégalités ». Pour le moment H. Bennett entretient la flamme en donnant un rendez vous en vidéo pour un échange en anglais.
La continuité pédagogique montre ses limites. Faute d’avoir été anticipée, les enseignants se débrouillent comme ils peuvent pour maintenir le contact , entretenir le niveau des élèves et inventer de nouvelles démarches. Si la situation encourage la construction d’un pacte de confiance avec les élèves elle ne manquera pas, semaine après semaine, de creuser les inégalités.
Propos recueillis par François Jarraud