Par Lucie GILLET
Il est très surpris d’être là et de déplacer autant de monde. Accusé d’avoir cassé un doigt à un policier dans une manifestation, Sami Benmeziane, professeur des écoles à Indre, est poursuivi en justice pour violence à agent. Jeudi 26 juin, près de 200 personnes sont venues à Nantes lui manifester leur soutien.
Le lancement du comité de soutien
Ce 26 juin à Nantes,150 personnes se sont réunies dans le but de constituer un comité de soutien à Sami Benmeziane. L’initiative en revient à la FSU 44 et au SNUIPP 44, mais le comité se veut le plus large possible afin de « tenir sur la longueur », en effet Sami ne passera en procès que le 23 février 2009.
Une association se constitue, à l’occasion de cette assemblée générale une trame de statuts se dessine. L’objet du comité de soutien est de mener une campagne locale et nationale pour la défense et la relaxe de Sami Benmeziane. Il s’agira également de récolter des fonds pour le paiement des frais en justice (honoraires d’avocats, mais aussi frais liés à la peine encourue si Sami n’est pas relaxé).
Les soutiens qui se sont manifestés sont déjà nombreux : plus de 600 personnes ont signé sur papier la pétition, elle est à présent également disponible sur internet.
L’appel est lancé aux personnes physiques (parent, enseignant-e, citoyen-ne lambda) et morales : structures syndicales, associatives, partis politiques afin de soutenir Sami et de s’ériger contre la criminalisation des mouvements sociaux. D’ores et déjà dans la salle l’UNSA, le SGEN-CFDT, la Municipalité d’Indre (ville où enseigne Sami) et les associations de parents d’élèves, l’association départementale des Pupilles de l’Enseignement Publique (ad-pep 44), Lutte Ouvrière, le mouvement Freinet représenté par le président du groupe IDEM 44, la FSU 44, les Alternatifs, la LCR, la CGT, la Ligue des Droits de l’Homme, l’Union Départementale Solidaires 44 se déclarent adhérents au comité de soutien. Dans les discours, la volonté est affichée d’être « solidaire et présent », il s’agit également pour certaines structures de parler au nom de leur fédération nationale, ce qui est par exemple une première pour les PEP qui ont estimé dans leur Assemblé générale de Clermont-Ferrand que « la situation est très grave » et nécessite donc un engagement entier de la fédération PEP aux côtés de Sami Benmeziane.
Sami Benmeziane
La tenue de cette assemblée générale c’est aussi l’occasion pour Sami de prendre la parole publiquement : ses premiers mots, émus, sont de nouveaux remerciements à ses collègues, aux parents de son école, à la municipalité, et évidemment à toutes les personnes présentes. Il évoque, pudiquement, le plaisir et l’émotion qu’il a eus à retrouver les premiers, jeudi quand il est revenu en classe après une semaine d’arrêt.
Cependant, même si c’est bien de lui qu’il s’agit avec ce comité qui va porter son nom, il constate que ce soir la mobilisation est forte parce que « ça aurait pu arriver à n’importe qui d’autre ce jour là » . Chaque personne mobilisée estime qu’elle aurait pu se retrouver à la place de Sami, c’est donc la raison de chacune pour soutenir.
L’avocat fait le point sur la situation : il met en garde sur la nécessité de « tenir sur la distance». Selon lui la date du procès de Sami ne relève pas du hasard, c’est un fait exprès, le 23/02, c’est dans… 8 mois, d’ici là, la mobilisation (anti-Darcos) très forte en Loire-Atlantique a le temps de s’essouffler, on a le temps d’oublier l’événement. Il s’agira avant tout pour le comité de soutien d’informer, de ne pas laisser sombrer dans l’oubli le cas de Sami.
D’autre part, en vue de préparer la défense, le comité de soutien appelle également toutes les personnes malmenées par les forces de l’ordre à relater les faits par écrit en accompagnant leur témoignage de leur pièce d’identité afin que ces documents puissent être présentés au Parquet. Certaines personnes envisageant de porter plainte, il leur est conseillé de ne pas passer par la case commissariat ou gendarmerie pour déposer leur plainte mais d’adresser celle-ci directement au Procureur. D’autre part on appelle tout témoin du « climat », de l’ambiance de crise de panique à apporter son ressenti (par écrit) des événements.
Afin d’aider les témoins, un modèle de lettre respectant les usages de ce type de procédure sera en ligne sur le site du SNUIPP 44 prochainement
« L’affaire » de Florimond Guimard est également évoquée, une prise de contact avec lui a eu lieu, il semble aux participants que de telles histoires se répètent de plus en plus, comme pour museler toute velléité de contestation. Il apparaît nécessaire de communiquer régulièrement, d’éditer un bulletin d’information et de montrer régulièrement que la mobilisation continue. Dans ce but la chaîne humaine qui prévoit de rallier l’Inspection académique au Rectorat mercredi 2 juillet, pour dénoncer les mesures Darcos, aura également pour but de revendiquer le soutien de tous les maillons de la chaîne à Sami.
Retour sur les évènements de l’occupation de l’IA
Marcel Le Bronze, co-secrétaire du SNUIPP évoque les événements :
Le 11 juin, vers 16h, enseignants et parents se retrouvent sur le parking du parvis de l’Inspection Académique. Il fait chaud, c’est mercredi, les enfants sont nombreux à courir sur ce terrain de jeux improvisé. Il s’agit de manifester une nouvelle fois contre les mesures Darcos et réclamer 200 postes d’enseignants supplémentaires en Loire-Atlantique, l’intersyndicale doit remettre à M. Prodhomme les « avenants » sur les 60 heures. Le but est de marquer clairement le refus d’entrer dans le dispositif.
Quand l’intersyndicale pénètre dans les locaux de l’Inspection comme prévu… les portes restent ouvertes (ça ce n’était pas prévu!) et un flot d’enseignants et de parents en profite alors pour investir les lieux. L’ambiance est pacifique, bon enfant, sur le parking les personnes qui ne sont pas entrées continuent de deviser tranquillement. A l’intérieur les bureaux et les couloirs sont occupés, dans la bonne humeur et sans heurts.
Rapidement cependant, M. Prodhomme fait savoir qu’il refuse l’audience dans ces conditions. Trois cars de police se positionnent alors sur le parking derrière l’IA, des gardes-mobiles entrent et tentent d’évacuer les lieux. Sans sommation, avec la méthode qui leur est propre, ils s’en prennent aux manifestants afin que ceux-ci quittent les locaux. Selon un communiqué de la préfecture ils n’ont pas revêtu de protections individuelles afin de ne pas trop intimider les enseignants. D’ailleurs ces derniers non plus, comme Sami Benmeziane, ils sont quasiment tous en sandales d’été, t-shirt et lunettes de soleil. La bousculade est vive, certains manifestants sont propulsés dans les escaliers, malmenés, mais les locaux sont exigus et à l’intérieur selon l’endroit où ils se trouvent tous ne voient pas forcément tout ce qu’il se passe. A l’extérieur, des échos par les fenêtres ou des quelques personnes qui réussissent à s’échapper commencent à révéler la panique.
Dans le bureau de M. Prodhomme, les collègues et parents présents, ainsi que les policiers des Renseignements Généraux, ne voient pas ce qu’il se passe dans les couloirs et escaliers. Une très longue négociation a lieu, M. Prodhomme acceptait de descendre s’exprimer devant les enseignants et les parents à la condition que les bâtiments soient évacués. L’intersyndicale ne flanche pas et inverse le protocole en demandant que les représentants des forces de l’ordre sortent les premiers, en affirmant qu’ensuite les personnels sortiraient calmement, et en demandant à M. Prodhomme qu’il sorte avec les personnels, revendication posée au départ, afin qu’on lui remette publiquement les avenants et lui expose les doléances des personnels publiquement.
Pour Marcel Le Bronze, il y a à ce moment-là, où lui-même sort annoncer aux collègues l’issue qui semble heureuse de l’occupation, où l’Inspecteur d’Académie approuve cette issue, une provocation manifeste des forces de l’ordre. En effet, c’est à ce moment précis qu’on apprend que Sami Benmeziane a été interpellé. Pour lui les Renseignements Généraux présents dans le bureau étaient évidemment au courant, et se sont joués de l’intersyndicale, il y a donc à ce moment rupture des négociations et mépris des engagements pris.
Sami Benmeziane nous rapporte ses propres impressions. Pris à partie dans la bousculade des couloirs, il est comme quelques autres projeté dans les escaliers, il ne comprend pas la démesure de la violence à leur encontre et le fait savoir : « Mais enfin, nous sommes des représentants du service public, des enseignants!… » On l’attrape et déchire son t-shirt, il est stupéfait. Au moment où on se saisit de lui il ne sait pas ce qu’on va lui reprocher, n’en a aucune conscience. En garde à vue, il comprend alors seulement qu’on s’est saisi de lui parce que dans la bousculade il aurait fracturé le doigt de l’un des policiers en résistant. Cependant aujourd’hui il dit être même bien incapable de reconnaître le visage de celui auquel il aurait cassé le doigt.
En garde à vue, on lui dit avoir un film de tout le déroulement des évènements, mais on ne lui montre qu’une photo, selon lui on y voit son bras « aux muscles tendus » lui fait remarquer la police, « saillants » ironise à présent Sami qui ne se fait pas d’illusions sur sa carrure qui est loin de celle d’un rugbyman. Sur le cliché qu’on lui a montré, dans son souvenir sa main n’est pas très distincte et il lui apparaît aujourd’hui sommaire de conclure quoi que ce soit sur ces fondements.
Pour l’heure l’avocat n’a toujours pas accès au dossier, et nul ne peut dire combien de temps cela va prendre aussi il est difficile de cerner sur quels preuves Sami peut être accablé.
Site du SNUIPP44 où l’on trouvera prochainement les coordonnées du comité de soutien
http://44.snuipp.fr/spip.php?page=sommaire
La pétition de soutien à Sami :
http://44.snuipp.fr/spip.php?article775