Tout le monde trouve l’idée bonne. Certes quelques voix discordantes s’élèvent mais faiblement. C’est vrai, cela ne se discute pas, nous ne pouvons continuer ainsi, tout un monde est à reconstruire à commencer par celui de l’éducation. Alors, chacun dépose dans l’escarcelle ses idées, ses rêves aussi et l’enthousiasme dévore la morosité. Chacun se sent concerné, impliqué. Après tout l’école, l’éducation est l’affaire de tous, celle d’un avenir commun pour nos enfants. Chacun construit son école idéale et patatras au moment de regarder le contenu de l’escarcelle, les différences surgissent comme le nez rouge d’un clown dans une foule d’hommes d’affaires.
Et bien ouvrons le débat, mettons nous autour de la table ronde, ovale, rectangulaire, carrée, et discutons. Là l’affaire se corse, les participants arrivent avec leur légitime point de vue, leur légitime regard sur ce qu’il y aura à perdre et à gagner, leur soif aussi d’être reconnu à leur juste mesure. L’idée de reconstruire le monde se transforme en équation irrésoluble dont les composants s’opposent, s’annulent, se superposent, s’embrouillent dans un flou étonnant. Au moment de passer à la construction, les manches restent fixées au poignet de crainte que seuls quelques uns n’aient à les retrousser.
L’idée est belle et partagée. La réalisation demande à chacun de sortir de son rôle habituel, de donner de soi, de perdre aussi quelque chose sans trop savoir ce qu’il aura à y gagner. Alors, on rogne sur les plans, on choisit des matériaux connus, on diminue le jardin prévu et on refixe les tableaux noirs. Le bien fondé des arguments n’est pas en jeu. Qui paye quoi ? Si je travaille plus, serai je payé plus ? Quelles qualifications pour encadrer les enfants ? Quelle formation ? Justifiées ou non, les questions dressent des frontières d’incompréhension entre des intérêts qui bien que légitimes gomment d’un coup l’ambition de reconstruire tous ensemble.
Un affrontement des intérêts particuliers contre l’intérêt général ? Pas si simple car il faudrait avant tout définir ce qu’est l’intérêt général, comment il se traduit, comment chacun retrouve son idéal. Alors si nous regardons tous ensemble la même lune, sans doute aurons nous à cœur de nous retrousser les manches. Reconstruire l’école s’insère dans un projet de société et c’est sans nul doute cet idéal partagé que nous devrions avant tout dessiner.
Monique Royer