« Le bac actuel n’a plus de sens. Il n’est plus qu’un rituel ». Quelques jours après François Hollande, le 6 septembre, Frédéric Sève, secrétaire général du Sgen Cfdt, met le bac et lycée au coeur des problématiques de rentrée. Pour le Sgen, c’est en changeant le bac qu’on fera évoluer le lycée vers un outil modulaire, capable de s’adapter à chaque élève en cassant les filières. Une vision qui repose sur une réalité forte : le lycée ne pourra pas encaisser le choc démographique qui s’annonce sans changer. Et si c’était vrai ?
Quatrième organisation syndicale de l’éducation nationale, le Sgen Cfdt revendique 25 000 adhérents. C’est l’autre grand syndicat réformiste du monde enseignant. Et ça se voit quand on l’interroge sur la refondation. « Pour nous l’Education nationale a opéré un virage très conséquent , mais on est encore dans le virage » souligne Frédéric Sève. Le dérapage reste possible. « Tout n’est pas achevé ».
Un bac désérialisé
La surprise c’est que le Sgen met en avant la réforme du lycée au moment où François Hollande en fait son thème de campagne. Ou plutôt, F Hollande a « emprunté » ce thème au syndicat. « Le lycée doit être la prochaine étape des réformes, général et professionnel », a dit F Hollande le 1er septembre. « Il faut mieux assurer la transition entre lycée et supérieur… Dans 10 ans 60% d’une classe d’âge sera dans l’enseignement supérieur. Nous aurons aussi à faire en sorte de mieux assurer la transition entre le lycée et l’enseignement supérieur ». Le Sgen semble reprendre la balle au bond en axant ses réflexions de rentrée sur le lycée et la liaison avec le supérieur.
« Le bac -3 bac +3 est l’échelon immobile de l’éducation nationale », explique F Sève. « Or tout bouge autour. Et de taper sur le bac. « »Le bac actuel n’a plus de sens. Il n’est plus qu’un rituel.. Il faut une autre logique pour le bac pour qu’il soit un lieu de passage qui valide et reconnaisse le travail fait avec les élèves ».
Pour le Sgen Cfdt le bac doit être « désérialisé » au terme d’un cursus polyvalent, associant général, technologique et professionnel. Au lieu des trois voies, on aurait des unités de formation organisées en fonction des besoins des élèves. Les épreuves du bac seraient passées au controle continu intégral en fonction des choix des élèves.
Par contre le Sgen veut pour chaque élève un « compte personnel d’accompagnement » qui serait abondé en heures en fonction des besoins de chaque lycéen. « Un accompagnement digne de ce nom », précise F Sève et non « le sparadrap » actuel. C’est la modularité du bac qui amènerait la modularité du lycée.
De Hollande à Juppé, la question des moyens
Il se trouve que le bac et le lycée se retrouvent dans l’actualité pas seulement du fait de F Hollande et de F Sève. Alain Juppé a clairement évoqué, et en premier, une refonte du lycée dans « Mes chemins pour l’école ».
Dans cet ouvrage, A Juppé annonce vouloir augmenter de 10% le nombre de professeurs des écoles pour un coût se situant entre 1 à 1.5 milliard. Le financement de ces 30 à 35 000 emplois il pense le prendre dans le secondaire. « Nous devons rechercher des marges de manoeuvre dans le secondaire », écrit-il, « par exemple en simplifiant ou en allégeant le système des options… J’assumerai ces choix ». Ailleurs il dit simplement : « les nouveaux moyens nécessaires à cette fin seraient issus de la rationalisation du système dans son ensemble, notamment par un redéploiement des moyens du second degré ». Or ce n’est pas au collège que des moyens peuvent être récupérés. C’est au lycée qu’il y a pléthore d’options et des semaines très chargées pour les élèves.
Le choc démographique arrive
Interrogé par le Café sur cette question des moyens, F Sève précise sa pensée. « On va au devant d’un choc démographique au lycée », dit-il. « Des générations nombreuses arrivent. Le lycée ne peut pas tenir dans son organisation actuelle. On peut réduire le redoublement à la portion congrue comme on le fait maintenant mais on le fait de façon aveugle », dit-il.
Effectivement, après les générations de moins de 750 000 personnes (744 000 en1999) qui n’arrivaient pas toutes au lycée, succèdent des générations plus nombreuses et qui accèdent davantage au lycée. Cette année ce sont plus de 40 000 jeunes supplémentaires qui entrent au lycée avec la génération 2000 (775 000 naissances). Les générations suivantes sont encore plus nombreuses. Elles demanderont dans les structures actuelles des créations de postes ne masse que le système ne pourra pas créer selon le Sgen.
« L’enjeu c’est aussi de faire acquérir les compétences nécessaires pour la poursuite d’études vers le supérieur », remarque Catherine Nave-Bekhti, secrétaire nationale. « Il y a trop d’heures de cours » à cause du bac. « On est prêt à casser cette mécanique », conclue F Sève. Le débat de 2017 ne devrait pas pouvoir faire l’impasse sur le lycée. Le Sgen Cfdt s’y prépare.
François Jarraud