Les auditions de la commission Mathiot, en charge de la réforme du bac et du lycée, ont du bon. Petit à petit elles dévoilent le projet envisagé au ministère, même s’il reviendra au ministre de trancher en dernier recours. Le profil du nouveau lycée modulaire se dégage : réorganisé en 9 voies il sera fortement dégraissé. Environ un cinquième des heures d’enseignement en lycée pourraient disparaitre au profit d’une réforme qui devrait augmenter les inégalités entre filières, établissements et élèves. Elle pourrait introduire aussi des réformes de fonds attendues au ministère depuis longtemps comme l’annualisation.
Neuf filières
Ce qui semble acquis c’est le principe du lycée modulaire, les élèves bénéficiant d’un tronc commun français – philosophie – maths – histoire-géo – LV1 et EPS et des spécialités, leur horaire se renforçant en terminale aux dépens du tronc commun.
Pour le gouvernement il s’agit de favoriser une orientation choisie en permettant une spécialisation graduelle des enseignements en lien avec les pré requis exigés par l’enseignement supérieur.
Neuf filières devraient remplacer les 3 voies du lycée général : maths-informatique, maths-physique-chimie, maths-SVT, maths-SES, sciences de l’ingénieur-physique-chimie, lettres-langues, lettres-arts, SES-histoire-géo, lettres-philosophie. Quant au lycée technologique il devrait être construit sur le même modèle, autour de filières technologiques.
Des horaires nettement abaissés
Selon l’Apmep on passerait d’une seconde à peu près inchangée en 2018 à une spécialisation croissante dès la première dès 2019. Les horaires seraient de 15 h de tronc commun en première et 10 h de spécialisation. En terminale on passerait à 10 et 15 heures. En clair les horaires devraient diminuer sensiblement. Ils sont aujourd’hui d’au moins 27.5 h en première et peut-être 29 h en terminale. Mais ces horaires planchers sont le plus souvent nettement dépassés par les options.
Ce « dégraissage » des horaires aura évidemment un impact direct sur les emplois qui devraient connaitre une chute sévère au lycée. Il y a actuellement 142 000 professeurs en LGT. La baisse d’horaire représenterait environ 25 000 emplois en moins. Ce pourrait être la contribution de l’Education nationale a la baisse des effectifs de fonctionnaires.
Interdisciplinarité et annualisation
Certaines disciplines semblent très directement menacées. L’avenir de la seconde langue, celui des options, semble en suspens. Mais on peut aussi s’interroger sur le devenir des disciplines qui ne seront pas jugées nécessaires aux pré requis de l’entrée dans le supérieur. Car au final c’est bien cette réforme là qui va décider des choix des lycéens.
Mais la réforme va bousculer l’organisation du lycée plus profondément encore. Ainsi selon l’APBG l’enseignement des sciences devra devenir plus interdisciplinaire et l’association demande avec d’autres le décloisonnement des enseignements scientifiques.
L’organisation en semestre des enseignements pourrait introduire naturellement une réorganisation des enseignements. Par exemple , en seconde , le tronc commun devrait absorber tout l’horaire au premier semestre laissant place au second semestre aux enseignements choisi par les élèves. La généralisation de cette organisation semestrielle facilitera un autre objectif ministériel : l’annualisation des enseignements, un objectif poursuivi par la droite et par une partie de la technostructure ministérielle.
Des réactions défavorables
Aussi la réforme suscite déjà de nombreuses réactions aussi bien du coté syndical que dans le camp des associations professionnelles. L’APHG (professeurs d’histoire-géo) par exemple demande une filière lettres – histoire-géo et s’oppose à la grande épreuve orale prévue par le ministère au bénéfice d’une épreuve d’histoire-géo. L’APBG (SVT) demande un enseignement scientifique équilibré entre SVT et physique – chimie.
Le Snes a marqué nettement ses critiques. Pour le syndicat, « laisser les élèves « libres » de choisir leurs disciplines, c’est en grande partie laisser des déterminismes sociaux et scolaires jouer librement sur les choix individuels ». Le « libre choix » des élèves dépend de leur établissement d’origine : plus un établissement est socialement sélectif plus on y fait des maths. « Les élèves d’un bon niveau choisissent massivement des disciplines scientifiques, alors que les élèves faibles s’en détournent », note le snes. Evidemment ces choix sont connotés socialement. De la même façon, fait remarquer le snes, la liberté de choix sert les intérets des plus favorisés aussi parce qu’ils connaissent les bonnes filières. Les dés sont pipés.
Le Snes relève que la nouvelle organisation des horaires réduira les chances pour les petits établissements d’offrir les 9 combinaisons et donc une offre éducative égale sur le territoire. Une remarque que l’APMEP a aussi portée au ministère.
François Jarraud