Par François Jarraud
Invité par le Conseil d’analyse stratégique le 30 mai 2011, Bruno Racine, président du HCE mais aussi de la Bibliothèque nationale (BNF), présentait la nouvelle édition de son livre « Google et le nouveau monde ». Au delà de Google, c’est l’avenir du livre et des bibliothèques dans un univers révolutionné par la numérisation et la mondialisation qui ont fait l’objet des échanges entre l’expert qu’est B Racine et la salle.
« La diffusion de l’écrit sous une forme numérique est inéluctable« , affirme d’emblée B Racine, qui évoque une révolution numérique comparable à celle introduite par Gutenberg. « Son impact est multiple : nouveaux métiers, impact politique, effet sur les droits d’auteur ». La BNF y est engagée avec des projets de numérisation des ouvrages du domaine public, grâce à une subvention du CNL et la numérisation de collections particulières dans le cadre de partenariat. Enfin il y a l’accord de partenariat entre la BNF et Google qui a fait couler beaucoup d’encre.
L’enjeu est double. La numérisation permet la sauvegarde du fond patrimonial que conserve la BNF. Elle archive dans deux endroits et deux formats différents ce qu’elle numérise avec l’objectif de suivre l’évolution des formats pour continuer à rendre ces ressources disponibles malgré l’évolution de l’informatique. L’autre enjeu c’est l’accès de tous à la culture. Alors que la BNF est réservée aux chercheurs, la numérisation permet de donner accès à tous et à tout moments aux collections et aux ouvrages. « La numérisation permet de mettre à disposition de tous des ouvrages réservés aux élites dans des conditions de gratuité », explique B Racine.
Pour lui un des premiers domaines où la numérisation aura le plus de conséquences c’est justement les manuels scolaires. Il invite à observer ce qui se passe à Singapour ou en Corée du Sud où ces manuels sont très répandus.
Vers l’uniformisation culturelle. Pour lui, Google est devenu incontournable pour tous ceux qui veulent se lancer dans la numérisation d’un fonds. « Cela ne sert à rien de chercher une alternative à Google » , dit-il. « Le caractère exhaustif de Google est important ». L’entreprise américaine a signé des accords avec les grandes bibliothèques américaines, des bibliothèques universitaires espagnoles, allemandes, avec les bibliothèques nationales italienne ou néerlandaise. « Aucun autre acteur n’est assez fort pour refaire ce travail. C’est un fait acquis ».
Une philosophie. « A partir du moment où le partenaire respecte le droit d’auteur et le libre accès aux documents, signer un accord avec Google permet de multiplier par deux les numérisations », ajoute-il. Mais les effets de la numérisation restent encore à évaluer. « Les autorités qu’on consultait et qui disaient ce qu’il faut lire seront toujours là. Mais on peut maintenant passer à côté. Pour nous la question de l’ordre dans lequel Google allait classer les réponses aux recherches dans son moteur est moins importante que le fait que l’on puisse s’approprier les oeuvres pour construire sa propre bibliothèque. Ce qui est important c’est que ce qui est numérisé soit réutilisable à volonté ».
Quel avenir pour les bibliothèque ? Pour B Racine la numérisation va changer le métier de bibliothécaire. Il deviendra un archiviste, capable de choisir ce qui doit rester et ce qui doit disparaître des rayons. Quant aux bibliothèques, leur raison d’être de la conservation va rester. Mais les usages seront redéfinis. « On va vers des bibliothèques hybrides avec beaucoup de consultation en ligne mais aussi le développement d’espaces de rencontre où les communautés virtuelles pourront se rencontrer ».