Par François Jarraud
« On est dans une phase d’impulsion des manuels numériques » nous a déclaré Sylvie Marcé qui présentait le 22 novembre une étude TNS Sofres commandée par Savoir Livre, un organisme professionnel regroupant des éditeurs de manuels scolaires.
Selon ce sondage, « près d’un enseignant sur cinq utilise un manuel numérique », soit 16%. Un usage qui serait significatif au collège (la moitié des licences classes), montant au lycée (7% des élèves de 2de) mais très rare au primaire (une classe sur 30 en cycle 3 selon l’étude). Des chiffres qu’il convient toutefois de relativiser. Selon Savoir Livre, 30 000 classes (tous niveaux) utilisent des manuels numériques, ce qui représente seulement 4% des 700 000 classes du primaire et du secondaire. Le manuel numérique, malgré 950 manuels différents, représente moins de 1% du chiffre d’affaire des éditeurs scolaires.
« Avec les manuels numériques les professeurs enseignent autrement », affirme également Savoir Livre. Le manuel numérique aide la pénétration des outils numériques dans la classe et les professeurs utilisateurs s’habituent rapidement à leur usage. Ils apparaissent comme un support d’évolution des pratiques pédagogiques, avec cependant de sérieuses limites : le principal usage du manuel numérique c’est sa projection devant une classe entière. Les enseignants estiment toutefois qu’il ravive l’attention des élèves.
Mais à quelques heures de l’annonce du lancement du second volet de son plan numérique par Luc Chatel, les éditeurs entendent bénéficier de ce mince ruisseau pour continuer à développer leurs éditions numériques. Lancé le 25 novembre 2010, le plan numérique devait être dans un premier temps de 50 millions, c’est à dire à peu près le montant du seul plan Ecole numérique rurale de X Darcos. Finalement il semble qu’il va culminer sur trois ans à 30 millions, dont une dizaine en 2012. L’essentiel de l’équipement informatique et de sa maintenance reste à la charge des collectivités territoriales. Ce sont elles aussi qui financent les manuels scolaires papier au primaire et au lycée. Aujourd’hui les éditeurs réalisent à perte leurs manuels numériques, tant le marché est faible. Ils ont pourtant presque tous mis sur le marché des éditions « enrichies » c’est à dire accompagnées de vidéos , de son, d’animations et même parfois d’outils collaboratifs. Ils ont fait mieux encore. Dépassant leurs farouches oppositions ancestrales, ils ont réalisé une plate forme commune, WizWiz, qui permet d’acquérir les manuels numériques de près de 60 éditeurs. Un outil de promotion qui semblait inimaginable pour des maisons concurrentes.
Aussi les éditeurs sont dans une situation qui peut sembler paradoxale. Ils demandent un effort public pour la promotion des manuels numériques. Mais à condition qu’il ne sape pas les ventes de s manuels papiers qui restent la principale source de revenus. L’enquête TNS Sofres montre que 91% des enseignants demandent le maintien du manuel papier et 85% sont satisfaits de la complémentarité manuel papier et numérique. Le tout numérique n’est pas pour demain…
Communiqué Savoir Livre
http://www.savoirlivre.com/pops-communiques/22-11-2011.html
WizWiz pour trouver votre manuel numérique
Manuels 1ers retours 2010
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/05/28051[…]
Les manuels de Français 4eme
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lenseignant/lettres/[…]
Manuels numériques : Baisse des utilisations signale Eduscol
« On observe une baisse significative de fréquentation des manuels numériques par rapport à la première année » note ce rapport d’Eduscol sur la seconde année d’expérimentation des manuels numériques via l’ENT en collèges. « Cette baisse s’explique par les dysfonctionnements techniques observés et le peu d’évolutions observées au niveau des manuels numériques. Elle traduit une certaine démotivation de la part des enseignants ». L’étude signale aussi que les collégiens préfèrent le smanuels papier.
L’étude
http://eduscol.education.fr/cid58598/evaluation-seconde-[…]
Les manuels numériques (nov. 2011)
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/11/231[…]
Qu’est-ce qu’un manuel numérique ?
Il y a presque 10 ans, en janvier 2002, les premiers manuels scolaires numériques arrivaient dans les collèges des Landes. Dix ans plus tard, malgré l’informatisation complète des établissements, des enseignants, de notre société, malgré la fameuse génération Y, force est de constater que le manuel numérique peine à progresser et est très loin de s’imposer. Force est de constater aussi qu’il n’a pas répondu aux rêves des pionniers.
Généralement on met en avant les obstacles techniques. Savoir Livre ne manque pas à la règle. Son enquête montre que la moitié des enseignants se plaignent de l’équipement informatique de l’établissement pour les usages professoraux et 7 sur 10 pour les usages des élèves. On remarque aussi que 80% des accès professoraux ne passent pas par les ENT ou Internet. Disons tout de suite que ces problèmes sont tout sauf techniques. Ils sont avant tout institutionnels. La promesse de Luc Chatel d’arriver à un partage de compétences avec les collectivités territoriales sur la maintenance et l’équipement s’est échouée sur les rochers de la politique politicienne. L’obstination présidentielle à soumettre et asphyxier des collectivités qui sont autant de contre-pouvoirs a prévalu sur l’intérêt du système éducatif.
Mais on aurait tort de sous-estimer les obstacles pédagogiques. Ce que montre l’enquête de Savoir Livre, c’est que le manuel numérique n’a très généralement en rien remis en question les pratiques pédagogiques les plus traditionnelles. Il est très curieux de voir que les enseignants jugent que le manuel numérique n’est pas un bon outil pour travailler sur des textes ou même pour faire des exercices ou des expériences. Cela tient au fait que les deux tiers des manuels numériques sont de simples fichiers projetables (non « enrichis ») utilisés pour accompagner le discours professoral. On leur reconnait une capacité à réveiller l’attention de l’élève que la parole du maître a perdu depuis longtemps…
Evidemment un autre usage du manuel numérique serait possible. Le manuel enrichi permet de travailler l’image en petit groupe, de passer les textes dans des filtres lexicomètriques, d’accéder à des ressources sélectionnées ou pas, de communiquer, bref de libérer la créativité. L’outil le permet mais pas la forme scolaire. Et c’est elle qui prévaut appuyée sur ses espaces, ses rythmes, ses valeurs, sa relative efficacité par rapport à des examens traditionnels. Parce que l’enseignant est responsable il ne fait pas prendre de risques à ses élèves. Il va vers ce qui est efficace dans un système donné. Ajoutons que l’évolution de tous les programmes depuis 5 ans, l’incitation incessante à se conformer aux formes traditionnelles dans une machine de plus en plus bureaucratisée renforce cela.
Le manuel numérique souffre du même mal que le TBI : être un « manuel » (comme le TBI est un « tableau »). C’est-à-dire un outil du maître. Selon Savoir Livre, seulement 7% des élèves sont équipés d’un manuel numérique. Et c’est sans doute la plus forte différence avec le manuel papier. Paradoxalement, le manuel numérique est totalement absent de l’univers des jeunes, dont on sait bien qu’ils appartiennent à une génération fortement attirée par le numérique. « Ce sont des manuels à l’usage des enseignants », nous disait Pierre Hagnerelle, en charge d’une mission de réflexion sur ces manuels, l’été dernier. Avant d’ajouter : « Mais quid de manuels à l’ usage des élèves ? ».
Cette situation peut sembler renversante. Dans un rapport paru il y a environ un an, Alain Séré et Alain Marie Bassy réfléchissaient à ce que devrait être un manuel numérique. » Il ne s’agit plus seulement d’une mutation de support que le numérique rendrait adaptable, modulable, transportable, jusque « dans les nuages ». Mais en devenant « numérique », le manuel scolaire accède au statut de système informationnel ouvert, offrant, par sa logique applicative, de vastes possibilités de composition, de sélection, d’organisation de contenus et d’activités pour l’enseignement. Intégré à l’espace de travail du professeur, de l’élève, des parents, il décline, pour chaque profil d’utilisateur, des fonctions et des ressources adaptées ». Pour cette révolution éducative il faudra évidemment davantage qu’un plan numérique au rabais ou qu’une baisse de taux de TVA. Le chemin peut encore être très long.
Interview Hagnerelle
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/201[…]
Rapport sur l’avenir du manuel
http://cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pages/2010/119_2.aspx
Sur le site du Café
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