Par François Jarraud
« On pourrait s’étonner de la partialité des recherches présentées ici, qui montrent toutes les effets délétères des notes, sans présenter en contrepartie les recherches qui montrent des effets positifs. En réalité, si on reste dans le domaine des apprentissages et de la motivation, on ne trouve pas de recherches qui montrent des effets positifs ». Ce passage extrêmement dur donne une bonne idée de l’ouvrage dirigé par Fabrizio Butera (Université de Lausanne), Céline Buchs (Genève) et Céline Darnon (Clermont-Ferrand). Durant 186 pages on assiste à un démontage terrible et ravageur de l’évaluation sommative. Si vous préférez, des notes.
Jamais sans doute aura-t-on dit autant de mal des notes. Les nombreux auteurs réunis pour ce nouvel ouvrage de la collection Apprendre des PUF, n’attaquent pas la question des notes sous l’angle de la docimologie. Certes l’ouvrage rappelle l’effet Pygmalion, l’effet de halo ou de contexte. Mais il s’acharne sur ces malheureuses notes pour démontrer que non seulement elles ont des retombées négatives sur les élèves mais qu’elles préparent des lendemains qui déchantent.
Retombées négatives sur les élèves ? Plusieurs articles évoquent les dégâts psychologiques qu’elles opèrent chez les élèves. L’injustice, l’humiliation qu’elles créent. En effet mieux vaut être une fille, belle, de bonne famille et non redoublante qu’un garçon redoublant d’un milieu populaire disgracié en ce qui concerne sa notation. La notation attaque le sentiment de compétence et bloque les acquisitions. C’est pour cela que pour F Butera « l’incitation à la compétition amène à apprendre moins qu’on ne le pourrait et à développer des comportements antisociaux… Les notes motivent les élèves mais pas dans le sens attendu ».
Et si la notation avait été inventée pour justifier « le racisme de l’intelligence » c’est à dire la domination sociale ? La question est posée. Pour les auteurs l’idéologie de la compétition qui sous-tend la notation fabrique une société injuste où se développent la triche et les comportements antisociaux. D’autres formes d’évaluation pourraient contribuer à construire une autre forme de société. « Tant que les notes seront utilisées dans la grande majorité des cas pour rendre visibles les différences entre élèves, les comparer et in fine faciliter le processus de sélection, elles ne produiront que de la menace et des réactions de « survie » scolaire ».
Cet ouvrage est publié alors que le débat sur la notation est déjà bien engagé. Jusque là il avait surtout porté sur les injustices de la notation ou ses effets de démotivation plutôt que sur une condamnation aussi totale rendant les notes responsables des maux de notre société. La condamnation pourrait paraitre exagérée. Mais l’ouvrage, de qualité scientifique, s’appuie sur de nombreux travaux. On a là un véritable appel à repenser l’Ecole et peut-être plus.
F Butera, C Buchs, C Darnon, L’évaluation une menace ?, Puf, 2011, 188 p.
Sur le site du Café
|