Par Monique Royer
Jolie clôture de la semaine de la presse, le festival des JT scolaires vivait sa deuxième édition à Salies de Béarn. Pendant ces deux jours, ce festival pas comme les autres, sans tapis rouge et sans stars mais pétri de talents et de convivialité, a offert une illustration précieuse d’une éducation aux médias constructive.
Le festival des Journaux Télévisés scolaire a été créé par deux enseignantes, Annie Girard et Marie Soulié, pour rassembler durant deux jours des classes novices ou expérimentées en production audiovisuelle. Le JT des bonnes nouvelles réalisé par Annie à l’école primaire d’Orthevielle a fait des petits, Marie fait partie des enseignants séduits par l’idée au point de mettre en œuvre à son tour la production de JT avec ses classes de collège. Le festival est le fruit de cette amitié, entrainant dans son sillage leurs conjoints, Patrice Girard à la technique, Jean-François Liaudois à l’intendance. Alors, l’ambiance de la compétition est à l’heure de la convivialité plutôt qu’à celle de la concurrence.
Douze équipes étaient présentes, provenant de sept établissements différents et trois écoles, trop éloignées ont envoyé leur réalisation. Ecole élémentaire, collège, lycée, enseignement spécialisé, tous les degrés étaient représentés. Les classes se sont inscrites à l’avance. Les équipes présentes, composées de quatre à cinq élèves, ont choisis un thème parmi la liste proposée, tous en lien avec la ville de Salies de Béarn. Le samedi matin était consacré au tournage, l’après midi au montage des journaux télévisés qui étaient projetés dimanche matin au cinéma de la ville, sous l’œil d’un jury chargé de distinguer les productions les plus réussies.
Le journal télévisé est composé d’un générique, d’une séquence de présentation et d’un reportage d’une durée d’une minute trente. Les équipes sont soumises aux mêmes règles que les pros, avec conférence de rédaction, choix d’un angle d’attaque et scénarisation. Pour réaliser leur reportage, elles doivent mettre en œuvre à la fois des compétences techniques et relationnelles. Anglais résidant à Salies, directeur du golf, maire de la commune, usagers de la déchetterie, responsable du musée, passants ou encore handicapé confronté aux embuches du trottoir, les équipes interrogent et filment pour donner à leur collecte audiovisuelle toutes les chances de devenir un bon sujet. Ensuite, il faut donner à ce sujet la forme d’un reportage : définir l’angle de traitement, choisir les images, réaliser le montage en prenant le soin de synchroniser le son, ajouter une musique. Enseignants et parents les encadrent, des conseils techniques peuvent être prodigués, un coup de main sollicité, les adultes sont là pour faciliter le travail, accompagner, encourager. Les maîtres d’œuvre sont les élèves petits ou grands, le JT est le leur avant tout.
Parmi eux, cinq élèves d’une ELIS (Unité Locale d’Inclusion Scolaire) accompagnés de leur enseignante Christèle Jaouen ont choisi comme thème de leur reportage « La Venise du Béarn ». Mêlant effets spéciaux pour figurer les gondoles et interviews sérieuses, leur sujet est efficacement scénarisé et réalisé. Rien d’étonnant nous dit Christèle, ils ont déjà fait un film qui a remporté un franc succès et surtout fait bouger les représentations sur leur classe au sein du collège. Le film, réalisé entre octobre et février, a offert à ces élèves en grande difficulté cognitive un moyen de libérer leur rapport à l’image, de renforcer leur estime de soi en se mettant en scène dans une histoire issue de leur imaginaire. Leur salle de classe, la salle 14 est devenue pour les autres élèves un lieu de visite convoité, un lieu de parole et d’échange là où auparavant on ne voyait que la salle de classe des handicapés.
Le reportage réalisé par Roméo, Alvin, Julie, Valentin et Nathan a remporté le clap de bronze. Le jury s’est interrogé pour être certain que ce prix n’était pas décerné au nom de la différence, une charité de mauvais aloi dans un festival où l’ouverture est de rigueur. Mais non, le prix était amplement mérité par une maitrise du sujet, une créativité et un humour convaincants. Cette maitrise, Christèle, alias Pénélope au générique du film, l’explique par un prénom : Marie. Marie Soulié est arrivée au collège Argote en septembre avec un léger déficit horaire. La principale a proposé que Marie intervienne auprès de la classe ELIS, Christèle en a été enchantée et a vite compris le parti qu’elle pourrait tirer d’une collaboration avec une collègue férue d’audiovisuel et de pédagogie. En octobre, l’aventure du film commençait.
Sonia Rey, enseignante d’histoire géographie dans le même collège, ne donne pas d’autre argument à son entrée dans le monde foisonnant des JT scolaires. Sonia apprécie l’écriture journalistique et a mené plusieurs expériences de journaux scolaires. Marie l’a rapidement convaincue de passer à la forme audiovisuelle. Tous les vendredis de 17 heures à 19 heures, elle anime un atelier hors temps scolaire qui produit régulièrement des JT avec des sujets commandés par les enseignants. Une certaine émancipation éditoriale commence à émerger puisque les élèves préfèrent de plus en plus choisir eux –mêmes leur sujet. Sonia déplore le manque de moyen, dans sa classe elle aimerait avoir un tni qu’elle désespère de voir arriver, dans son atelier elle utilise le matériel personnel de Marie.
Annie comme Marie, comme d’autres d’enseignants innovants comptent ni le temps ni les moyens qu’elles dépensent et qu’elles mettent à disposition pour que leur idée voit le jour, grandisse, essaime. L’éducation aux médias est une affaire trop sérieuse pour qu’on la cantonne aux minces heures de cours qu’on lui attribue. Lors de la table ronde organisée samedi en fin d’après midi autour du thème « qui fait l’information », l’importance de l’éducation aux médias a émergé des échanges entre parents, enfants et professionnels présents. Les joutes oratoires amicales entre Jean-Pierre Spirlet, du journal Sud-Ouest et Christèle Membrey-Bézier, enseignante en lettres et observatrice des usages du net, ont convergé vers la vigilance qu’il nous faut avoir pour utiliser avec raison le formidable foisonnement d’informations qui bruisse d’Internet. Oui mais voila a dit un élève, ça on l’apprend avec les JT scolaires mais les JT scolaires sont faits en dehors des cours et avec le matériel des profs.
La qualité des échanges lors du débat où la parole qu’elle provienne des enfants, des parents ou des professionnels avait le même poids, la même valeur est une des facettes du festival. Moments partagés autour d’un repas, fous rire communicatifs qu’un petit plaisantin a généré, discussions sérieuses sur la nécessaire innovation et son peu d’écho dans l’institution, on retrouve tout cela dans le festival en toute simplicité. La magie se poursuit à l’heure de la projection, lorsque la salle comble de parents, d’habitants de Salies, d’élus, applaudissent les productions. On s’étonne qu’en deux jours les équipes aient pu réaliser ce travail de qualité, mais on ne s’étonne pas très longtemps car nous avons vu les équipes à l’œuvre, attentives à réussir leur pari. Cinq prix ont été décernés dont un par le public pour les enfants de l’école d’Orthevielle.
Lors de la cérémonie de remise des prix, Annie a annoncé qu’elle arrêtait le journal des bonnes nouvelles par lassitude sans doute, avec la certitude que le relais est pris certainement. La qualité des films montrés a éloigné la tristesse. Nous nous sommes consolés en étant persuadés qu’Annie se reposerait un peu et trouverait dans quelques mois une autre idée à partager. Les enseignants innovants sont des chercheurs infatigables de trouvailles pédagogiques, modestes ou géniales mais qui donnent à l’école un visage réjouissant, celui qui donne envie d’apprendre.
Monique Royer
Les films primés au festival des JT scolaires
http://www.salies-de-bearn.fr/fr-l_actualite_des_a[…]
Le site du festival
http://web.me.com/ecole_orthevielle/Festival_des_J[…]
Sur le site du Café
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