En ce mois de novembre, nous continuons notre étude du socle législatif de la fonction publique et des droits et obligations générales des fonctionnaires (et, pour partie, des agents publics) tels qu’ils sont définis par la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 qui porte statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales.
Article 12 Le grade est distinct de l’emploi.
Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l’un des emplois qui lui correspondent.
Toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n’intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d’exercer les fonctions correspondantes est nulle. Toutefois, le présent alinéa ne fait pas obstacle à la promotion interne d’agents qui, placés dans la position statutaire prévue à cette fin, consacrent la totalité de leur service à l’exercice d’un mandat syndical.
En cas de suppression d’emploi, le fonctionnaire est affecté dans un nouvel emploi dans les conditions prévues par les dispositions statutaires régissant la fonction publique à laquelle il appartient.
Le grade, qui est la propriété du fonctionnaire et qui ne peut donc lui être retiré que par mesure disciplinaire, résulte de la titularisation dans un corps de la fonction publique. La classe (normale ou hors classe) s’apparente au grade et donne vocation à occuper certains emplois ou certaines fonctions bien précises sans pour autant que cette règle soit absolue.
Au contraire, l’emploi n’est en aucun cas la propriété du fonctionnaire puisqu’il se définit comme l’ensemble des tâches et des missions qu’un fonctionnaire doit accomplir dans son service. Dès lors, sa création, sa définition ou sa suppression résultent de la seule appréciation de l’intérêt du service.
En conséquence de quoi, la contestation de la suppression d’un poste aura très peu de chance d’aboutir si elle est contestée sur le fond devant le Juge administratif.
En application de cet article de loi, un fonctionnaire doit donc recevoir une affectation dans un emploi et cet emploi doit correspondre à un travail effectif, toute autre mesure étant illégale. Mais, la contrepartie est qu’un fonctionnaire inapte à remplir les taches et missions afférentes à un emploi doit être reclassé ou licencié pour insuffisance professionnelle.
Enfin, toute privation d’emploi ou toute cessation de fonction doit être précédée de la communication du dossier administratif puisqu’elle est une mesure personnelle et extraordinaire.
Article 13 Les corps et cadres d’emplois de fonctionnaires sont régis par les statuts particuliers à caractère national. Leur recrutement et leur gestion peuvent être, selon le cas, déconcentrés ou décentralisés.
Les grades de chaque corps ou cadre d’emplois sont accessibles par voie de concours, de promotion interne ou d’avancement, dans les conditions fixées par les statuts particuliers.
Ainsi donc, nul ne peut être fonctionnaire sans faire parti d’un corps ou d’un cadre d’emploi défini par un statut particulier qui précise les missions et les règles applicables aux fonctionnaires de ce corps et qui de ce fait doit être le livre de chevet du fonctionnaire.
Article 13 bis Tous les corps et cadres d’emplois sont accessibles aux fonctionnaires civils régis par le présent titre par la voie du détachement suivi, le cas échéant, d’une intégration, ou par la voie de l’intégration directe, nonobstant l’absence de disposition ou toute disposition contraire prévue par leurs statuts particuliers.
Le détachement ou l’intégration directe s’effectue entre corps et cadres d’emplois appartenant à la même catégorie et de niveau comparable, apprécié au regard des conditions de recrutement ou de la nature des missions. Lorsque le corps d’origine ou le corps d’accueil ne relève pas d’une catégorie, le détachement ou l’intégration directe s’effectue entre corps et cadres d’emplois de niveau comparable.
Lorsque l’exercice de fonctions du corps ou cadre d’emplois d’accueil est soumis à la détention d’un titre ou d’un diplôme spécifique, l’accès à ces fonctions est subordonné à la détention de ce titre ou de ce diplôme.
Le fonctionnaire détaché dans un corps ou cadre d’emplois qui est admis à poursuivre son détachement au-delà d’une période de cinq ans se voit proposer une intégration dans ce corps ou cadre d’emplois.
Je vous rappelle que la procédure du détachement a été étudiée en profondeur dans la rubrique juridique du numéro 115.
Attention : c’est le statut du corps d’accueil qu’il vous faudra consulter pour y envisager un détachement et non le vôtre.
Article 14 L’accès des fonctionnaires de l’Etat, des fonctionnaires territoriaux et des fonctionnaires hospitaliers aux deux autres fonctions publiques, ainsi que leur mobilité au sein de chacune de ces trois fonctions publiques, constituent des garanties fondamentales de leur carrière.
A cet effet, l’accès des fonctionnaires de l’Etat, des fonctionnaires territoriaux et des fonctionnaires hospitaliers aux deux autres fonctions publiques s’effectue par la voie du détachement suivi, le cas échéant, d’une intégration, ou par la voie de l’intégration directe. Les statuts particuliers peuvent également prévoir cet accès par voie de concours interne et, le cas échéant, de tour extérieur.
En outre, la mobilité des fonctionnaires entre les trois fonctions publiques peut s’exercer par la voie de la mise à disposition.
Voilà deux articles (13 bis et 14) qui devraient permettre plus de mobilité dans la fonction publique. Ce sont donc ceux auxquels vous vous référerez au besoin.
La procédure est assez simple. Ayant été détaché dans un corps d’une des trois fonctions publiques, il est possible d’y être intégré après une période probatoire et à la condition de satisfaire aux conditions de recrutement de ce corps.
Article 15 Les compétences acquises dans l’exercice d’un mandat syndical sont prises en compte au titre des acquis de l’expérience professionnelle.
Mais, encore faut il avoir acquis des compétences ce qui, croyez moi, n’est pas évident pour tout le monde…
Article 16 Les fonctionnaires sont recrutés par concours sauf dérogation prévue par la loi.
Le concours, c’est-à-dire l’attribution après sélection de places de fonctionnaires en nombre limité, est donc la voie d’accès à un corps de la fonction publique. Il présente plusieurs avantages :
· Il garantit à l’Etat de recruter les meilleurs candidats.
· Il permet à ces candidats d’intégrer en toute transparence et en toute égalité aux divers corps des trois fonctions publiques.
· Il est (en principe) la garantie de l’indépendance du fonctionnaire par rapport au Chef de service qui ne peut le licencier que pour insuffisance professionnelle ou le révoquer pour faute grave.
Cela étant, les modalités de participation au concours ainsi que les modalités d’admission relevant des décret statutaires propres à chaque corps, c’est à ces derniers qu’il faut se référer.
Article 17 Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées.
Les statuts particuliers peuvent ne pas prévoir de système de notation.
Par note, on entend note chiffrée, par appréciation, rapport écrit. Le rapport pédagogique est donc une appréciation au sens de cet article de loi, tout comme l’est l’appréciation administrative du Chef d’établissement.
Mais ces notes et appréciations du Chef d’établissement ne sont que des propositions puisque seul le Chef de service, en l’occurrence, l’Inspecteur d’académie pour les Professeurs des écoles, le Recteur pour les Certifiés et les P.L.P. et le Ministre pour les Agrégés, a compétence pour noter.
C’est pourquoi, tout professeur reçoit annuellement un arrêté de son Chef de service qui lui indique sa notation globale et qui reprend, implicitement, les appréciations que les supérieurs hiérarchiques ont portées.
Attention : seul cet arrêté annuel de notation peut être porté devant le Juge administratif pour annulation.
De plus amples développements ont déjà été fait dans plusieurs rubriques juridiques.
Article 18 Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l’intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité.
Il ne peut être fait état dans le dossier d’un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé.
Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi.
Dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le dossier du fonctionnaire peut être géré sur support électronique s’il présente les garanties prévues par les alinéas précédents.
La loi prévoit donc un dossier administratif, et un seul. Mais, en pratique, les professeurs en ont souvent deux, un dans l’établissement et un au rectorat, ce dernier étant le seul légal, et parfois, ces dossiers ne sont pas semblables. Si c’est le cas, faire classer et numéroter sans discontinuer, et à l’encre, les pièces du dossier au rectorat afin de fixer définitivement le contenu de ce dossier administratif, voire de démontrer que dans les faits il y en a deux.
Ce dossier contient quelques informations personnelles telles que vos diplômes et les documents propres à votre situation familiale, les documents relatifs à votre recrutement, ceux relatifs à vos affectations ou vos positions de services successives, vos notations et appréciations administratives et pédagogiques, vos avancements d’échelons ou de grade, les modalités de cessation de fonctions.
Tout ce qui touche au service peut figurer dans votre dossier administratif. Il en est ainsi des rapports, courriers et lettres de supérieurs hiérarchiques mais aussi de collègues, parents d’élèves, d’élèves majeurs ou mineurs (avec autorisation des parents), etc. En revanche, vos opinions religieuses, politiques, syndicales et votre orientation sexuelle ne peuvent figurer sous quelque forme que ce soit dans ce dossier, pas plus que des indications sur votre état de santé ou les affections dont vous souffrez.
En application de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978, vous pouvez consulter ce dossier à tout moment en vous faisant accompagner par la personne de votre choix. Il vous suffit pour cela d’en faire la demande par écrit et par la voie hiérarchique à votre Chef de service. Vous pourrez aussi faire cette même demande à votre Chef d’établissement.
Sachez enfin que vous ne pouvez, en principe, faire retirer un document de votre dossier administratif. Mais, si un écrit présente un caractère injurieux ou diffamatoire ou relève de la dénonciation calomnieuse ou de l’outrage, vous pouvez fort bien traduire son auteur devant les tribunaux civils ou pénaux.
Article 19 Le pouvoir disciplinaire appartient à l’autorité investie du pouvoir de nomination.
Le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l’assistance de défenseurs de son choix. L’administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l’Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d’un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté.
L’avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés.
Voilà donc exposés les principes de base qui prévalent à l’exercice du pouvoir disciplinaire : communication du dossier administratif dans lequel doivent figurer tous les éléments à charge, consultation de l’organisme paritaire pour les sanctions des deuxième, troisièmes et quatrième groupes et motivation de la décision.
La procédure disciplinaire a été étudiée en profondeur dans la rubrique juridique du numéro 101.
Article 20 Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l’indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que de la performance collective des services. S’y ajoutent les prestations familiales obligatoires.
Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l’agent et de l’échelon auquel il est parvenu, ou de l’emploi auquel il a été nommé.
Les fonctionnaires sont affiliés à des régimes spéciaux de retraite et de sécurité sociale.
Le droit au supplément familial de traitement est ouvert en fonction du nombre d’enfants à charge au sens du titre Ier du livre V du code de la sécurité sociale, à raison d’un seul droit par enfant. En cas de pluralité de fonctionnaires assumant la charge du ou des mêmes enfants, le fonctionnaire du chef duquel il est alloué est désigné d’un commun accord entre les intéressés. Le supplément familial de traitement n’est pas cumulable avec un avantage de même nature accordé pour un même enfant par un employeur mentionné aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 86-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que par un établissement public à caractère industriel et commercial, une entreprise publique ou un organisme dont le budget de fonctionnement est alimenté en permanence et pour plus de 50 % de son montant soit par des taxes parafiscales, soit par des cotisations rendues obligatoires en vertu d’un texte légal ou réglementaire, soit par des subventions allouées par un des employeurs, établissements, entreprises ou organismes précités.
Cet article mérite que l’on s’arrête sur les mots suivants : « (…), après service fait, (…) ».
Ces trois mots, perdus dans un texte somme toute conséquent, sont en fait fondamentaux puisqu’ils posent le principe du service fait et, bien sûr, constaté.
Attention : Lorsqu’un professeur n’a pas sa durée statutaire d’heures de cours hebdomadaire, il faut qu’il en informe immédiatement son Chef de service par lettre recommandée avec accusé de réception pour demander à ce dernier de bien vouloir lui donner un service complet.
C’est, en effet, la seule action qui permettra à ce fonctionnaire de dégager sa responsabilité et de toucher son traitement en intégralité…
Article 21 Les fonctionnaires ont droit à :
– des congés annuels ;
– des congés de maladie ;
– des congés de maternité et des congés liés aux charges parentales ;
– des congés de formation professionnelle ;
– des congés pour validation des acquis de l’expérience ;
– des congés pour bilan de compétences ;
– des congés pour formation syndicale.
Pour ce qui est des congés annuels, ils sont fixés par l’article premier du décret no 84-972 du 26 octobre 1984 qui est ainsi rédigé :
Tout fonctionnaire de l’État en activité a droit, dans les conditions et sous les réserves précisées aux articles ci-après, pour une année de service accompli du 1er janvier au 31 décembre, à un congé annuel d’une durée égale à cinq fois ses obligations hebdomadaires de service. Cette durée est appréciée en nombre de jours effectivement ouvrés.
Un jour de congé supplémentaire est attribué à l’agent dont le nombre de jours de congé pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre est de cinq, six ou sept jours ; il est attribué un deuxième jour de congé supplémentaire lorsque ce nombre est au moins égal à huit jours.
Les congés prévus à l’article 34 et à l’article 53, troisième alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée sont considérés, pour l’application de ces dispositions, comme service accompli.
Puisque les professeurs sont des fonctionnaires, ils ont donc cinq semaines de congés payés… comme tout le monde. Cela étant, leur régime de congés étant particulier, les autres dispositions de ce décret ne leurs sont pas applicables.
En effet, au contraire de la plupart des autres fonctionnaires et des salariés du privé, les professeurs ne travaillent effectivement que durant les trente six semaines que compte l’année scolaire. L’année civile comptant 52 semaines, dont cinq semaines de congés payés, les professeurs sont donc professionnellement inactifs durant 11 semaines de l’année (52-5-36).
Il serait alors facile d’en déduire qu’ils sont donc payés à ne rien faire durant ces 11 semaines.
Or, rien n’est moins vrai puisque dans les faits, ces 11 semaines d’inactivité sont tout simplement non rémunérées.
En effet, si le traitement annuel des professeurs est versé mensuellement, il est en réalité calculé sur 41 semaines (36+5), et non sur 52 comme la plupart des autres employés.
C’est pourquoi, il est erroné de dire que les professeurs bénéficient de 16 semaines de congés payés alors que, ainsi que le prévoit le décret précité, ils ont cinq semaines comme tout un chacun.
Laurent Piau
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
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