Par Monique Royer
En ce samedi matin, les rues de Fouras, bourgade de Charente-Maritime, sont baignées de soleil. Devant le marché couvert sont tendus les fils de la Grande Lessive, déjà colorés de dessins, de collages. Autour d’une table, des enfants et des adultes découpent, colorient. Laurence Saint-Martin, à l’origine de l’évènement, encourage les apprentis artistes. Une dame n’ose pas accrocher son collage, elle souhaite le laisser sur la table pour que d’autres le complètent. Laurence l’accompagne vers le fil, lui tend une épingle en bois. Dans le sourire de la dame et sur le collage dédié au petit Prince qu’elle a concocté on lit la part d’enfance qu’elle a su conserver. L’important pour Laurence c’est que les gens « montrent ce qu’ils font ou ce qu’ils ont envie de faire, selon leur envie». C’est cela la magie de la Grande Lessive, poser sur un fil ce qu’on n’ose pas d’ordinaire, parce que l’œuvre est collective et éphémère. Dimanche, en fin d’après midi, chacun viendra décrocher sa contribution.
La magie est aussi dans les rencontres que l’évènement provoque. Une vielle dame malicieuse s’arrête interrogative. Elle peint à ses heures de loisirs, à Rochefort, nous dit-elle. Elle n’accrochera rien mais salue l’initiative « au moins la Grande Lessive nous aura permis de nous parler, de nous connaître ». Les enfants sont les plus prompts à agrémenter les fils. Certains dessinent tandis que leurs parents garnissent leurs paniers au marché. Un élu de la commune apporte un dessin. L’animateur de « lire en fête », évènement qui bat son plein tout près à la médiathèque, passe voir la progression de l’installation. Il n’amène rien mais ses enfants ont participé avec le centre de loisirs de la commune. Entre Lire en Fête et la grande Lessive, un grand fil amical est tendu. Une soirée autour des mangas est organisée par un membre du collectif de La grande Lessive. Dimanche matin, les fils s’égaieront à coup sûr de dessins japonais.
Françoise, membre du collectif d’organisateurs, me raconte comment elle est allée voir ses voisins pour leur présenter l’initiative. Toute la rue ou presque a souhaité participer. Elle a poursuivi jusqu’au centre social où s’est improvisé un atelier de dessins. Sur des petits carrés, adultes et enfants ont dessiné et ont ensuite assemblé leurs carrés sur une feuille A4, le format requis pour accrocher. On se rend compte ici que la Grande Lessive à Fouras est une histoire collective, « un fil tendu » selon Laurence, entre toutes les bonnes volontés de la ville.
Depuis le début de la Grande Lessive, Laurence Saint-Martin a adhéré à l’idée et l’a mise en œuvre dans son établissement, le lycée Joshua Valin à La Rochelle où elle enseigne les arts plastiques. Pour la quatrième fois, élèves et personnels du lycée ont accroché leurs contributions. C’est presque devenu un rituel. Cette année, des élèves de l’option arts plastiques ont réfléchi en travaillant à ce qui pouvait symboliser la lessive. Le résultat s’est vu sur les fils avec des chemises, des maillots de bain ou encore des pantalons représentés mais aussi des interprétations du thème du vrai et du faux. Laurence apprécie qu’avec cette initiative « on se rend compte que les uns et les autres sont très créatifs ». C’est une autre façon de voir ses collègues profs et administratifs, « on découvre des talents ».
L’idée d’organiser un évènement semblable dans sa ville à Fouras lui trottait dans la tête. Depuis deux ans, elle en parle à ses amis du club photo, de la médiathèque, de la librairie, tous ceux qui s’intéressent aux pratiques artistiques. Le responsable des affaires culturelles de la mairie est séduit par l’idée et en parle lors d’une réunion aux associations de la ville. Très vite, les contacts sont pris, les partenaires potentiels sont repérés, la mise en réseau s’opère. L’office de tourisme ouvre son carnet d’adresses pour diffuser l’information auprès des médias locaux. La commission « sécurité » de la mairie s’assure que les lieux et les installations sont en règle. La commune apporte son aide logistique. La réussite de l’opération récompense ainsi un travail collectif.
Laurence constate que « La Grande Lessive dans une ville et dans un établissement scolaire, c’est complètement différent». Pour les élèves, l’évènement se passe dans leur environnement, créé une animation supplémentaire mais ne bouscule pas leur univers ; d’autant qu’au lycée Valin, de nombreuses animations artistiques sont organisées. Dans la ville, l’effet de surprise est là amenant une réflexion plus profonde, des contacts plus forts encore entre les gens.
La Grande Lessive n’est pas terminée que déjà l’envie de participer à la suivante pointe son nez ; pour qu’à nouveau se retendent simplement les fils entre les gens.