Suite à un stage intitulé « Ecrire en cycle 3 », j’ai apporté en classe le livre « Ma petite fabrique à histoires » de Bruno Gibert, éditions Autrement. Je l’ai posé sur la table des ouvrages : “ qu’on a lu” « qui plaisent », « en lien avec… » (cette table a plusieurs noms).
Pendant l’accueil du matin, quelques élèves l’ont feuilleté et m’ont demandé : « Pourquoi tu as apporté ce livre ? Il te plait ? Comment ça marche ? C’est bizarre comme il est découpé ! »
M. s’en empare un long moment et semble prendre plaisir à lire les différentes phrases proposées. Je lui demande si elle souhaite en présenter le fonctionnement tout à l’heure, au moment du « Quoi de neuf ? « Elle me répond qu’elle ne s’est pas inscrite. Hum c’est vrai, mais j’aimerai bien que ce soit un enfant qui parle du livre… Je le laisse trainer jusqu’au jour où le directeur vient nous chercher pour le rendez-vous avec le photographe.
Ce moment est toujours synonyme d’excitation et de joyeux bazar : il faut récupérer les petits frères et sœurs jusqu’en maternelle pour les photos individuelles et attendre encore, sans rien d’intéressant à faire, pour la photo de classe ! Je prends le livre sous le bras, immédiatement repérée par M. : « Tu vas le lire maîtresse ? », « Non, c’est vous qui allez le lire pendant qu’on fera la queue pour les photos, tu pourras expliquer à tes camarades comment ce livre fonctionne ? » Hochements de tête ravis de M.
Je ne m’attarde pas trop pour décrire la file indienne agitée de fous rires, pendant laquelle le livre circule de mains en mains et où chaque phrase cocasse est lue à haute voix par les enfants qui ont eux-mêmes posé la consigne : « On ne lit pas 2 fois le même mélange ! »
Le photographe est un peu perplexe ; il a peur que je pourrisse sa séance avec mes élèves qui laissent trainer leurs oreilles du côté de la file au lieu de l’écouter… Mais non, les enfants sourient pour de vrai ! Ce drôle de livre en forme de « cadavre exquis » les amuse.
De retour en classe, je demande innocemment si le livre leur a plu. Des enfants proposent aussitôt qu’on en fasse un Kamishibaï, la majorité pense surtout que ça serait plus amusant d’essayer d’en faire un presque pareil avec nos phrases à nous !
Ça discute sec dans les groupes : la phrase d’origine n’est pas vraiment rigolote, ce sont les mélanges de « bouts de phrases » qui sont marrants. On s’entraide pour que chacun réussisse à produire sa phrase. On coopère pour vérifier que l’ensemble fonctionne « Tu ne peux pas écrire “ les voitures” au pluriel, ça va pas avec les autres phrases, c’est du pluriel, tout le monde a mis du singulier, le verbe est au singulier… » « Ben je mets “ la voiture” alors ? » « On dit une voiture » « Oui mais ça change pas la terminaison » « Ben si ! » « Pas pour le verbe !» On fait de « l’étude de la langue » sans le dire, mais en en ayant pleinement conscience, parce qu’on en a vraiment besoin pour que le livre soit réussi.
Les enfants choisissent la couleur qui va le mieux avec leur phrase, la tapent sur l’ordinateur, recherchent le mélange de couleur qui correspond à la feuille de couleur choisie, colorient le texte imprimé, coupent, collent et confient, aux parents qui peuvent le faire, des exemplaires à photocopier en couleur au format A3 ! Un exemplaire par enfant, un pour les correspondants, un pour la BCD et l’original restera en classe.
Bon, j’ai vu sur internet que plein de classes avaient travaillé à partir de ce livre, il existe même une appli smartphone pour créer ses phrases ! N’empêche que j’ai aimé ce travail, cette appropriation enthousiaste par les enfants d’une proposition que je ne savais pas trop introduire sans l’imposer de but en blanc.
Jacqueline Bergeret
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