« L’évolution du contrat d’association est-elle souhaitable ? » Venant après l’annonce, dans La Croix, d’une volonté d’une partie de l’enseignement catholique de renégocier les accords le liant avec l’Etat, la tribune de la Fep Cfdt, premier syndicat enseignant du privé, ne peut qu’interroger. L’enseignement catholique, institution et personnel, est il mobilisé pour remettre en question l’équilibre dessiné dans les années 1980 ? Bruno Lamour fait le point sur « l’actualisation du contrat d’association » et aussi sur la fuite des élèves vers le privé du fait des réformes.
« Toucher au contrat d’association ne serait pas sans risque politique mais 57 ans après sa création, son actualisation nous semble pourtant nécessaire ». Dans la revue de la Fep Cfdt (n°213 de février), Bruno Lamour estime que le contrat d’association, qui lie l’Etat et chaque établissement privé, « est trop daté et qu’il a besoin d’être actualisé ». Une formule qui renvoie à l’annonce dans La Croix que l’enseignement catholique serait décidé de remettre en question la règle 80/20 qui matérialise le partage entre public et privé. Le syndicat est il prêt à participer à cet objectif ?
Dans votre tribune vous dites que cette évolution est nécessaire car « le contexte a changé ». Que voulez vous dire ?
Le contexte n’a pas changé récemment mais depuis des années. On préfère d’ailleurs parler, malgré le titre de l’article, « d’actualisation » du contrat plutôt que d’évolution. Une évolution pourrait laisser entendre que nous sommes favorables à briser les grands équilibres qui sont en place. Pour le moment, malgré ce que La Croix a publié, je ne sais pas si l’enseignement catholique a décidé de remettre en cause la loi Debré. Nous, nous souhaitons une meilleure articulation entre Etat et privé en posant la question de la place des collectivités territoriales. Clairement on n’attend pas davantage d’autonomie pour les établissements privés. On souhaite un renforcement de l’association avec le service public.
Laisser entendre que partout sur le territoire les établissements privés n’arrivent pas à accueillir toutes les demandes (ce qui est dit dans l’article de La Croix NDLR) est faux. Ici ou là des établissements refusent des inscriptions. Mais beaucoup d’autres ont des effectifs pas pléthoriques. Tout ce qu’on peut dire sur l’évolution des effectifs c’est qu’il y a une hausse au primaire qui résulte de la réforme des rythmes scolaires et un peu au collège aussi.
Pour vous les réformes gouvernementales poussent des parents vers le privé ?
Il n’y a pas que ce facteur. Les restructurations que le privé a entreprises attirent aussi des parents. Jusque là l’enseignement catholique, à travers son secrétaire général, a été très réservé sur ces évolutions. Mais des rapports internes montrent des déplacements du public vers le privé avec des parents qui disent que la réforme des rythmes scolaires est un élément de leur décision parmi d’autres.
Dans le secondaire c’est plus difficile de savoir car la hausse existe depuis des années. Il y a peut être un effet de la réforme du collège. On sait que quelques établissements, par exemple en Ile de France, refusent la réforme et ouvrent des classes bilangues, des sections internationales, des sections latin grec. C’est peut-être 10% ou 30% des établissements.
Qu’attendez vous d’une clarification du rôle des collectivités locales ?
Cela pourrait avoir un effet par exemple sur les filières de formation professionnelle pour casser la concurrence entre établissements.
Une actualisation du contrat aurait quel impact pour les enseignants du privé ?
On en attend des précisions sur les zones d’ombre des accords actuels. Par exemple une précision du rôle du chef d’établissement en tant qu’agent ayant une délégation implicite du recteur dans sa mission de service public. Un autre exemple :les CHSCT. Les Chsct du privé sont regardés de façon prudente par les rectorats qui renvoient vers l’établissement. L’Etat ne veut pas jouer son rôle d’employeur sur ce point par exemple quand il s’agit de faire remonter des dossiers de souffrance au travail. On en attend aussi des précisions sur le respect de la liberté de conscience dans les établissements.
Dans le contexte actuel demander une telle actualisation n’est ce pas prendre un risque ?
On en est conscient. On est dans une période de tous les dangers. Mais au delà de cet article, on publiera en mars une lettre aux candidats qui précisera nos revendications.
Plusieurs ouvrages polémiques ont fait de l’enseignement privé un modèle à suivre pour le public. Qu’en pensez vous ?
On ne croit plus dans les modèles. On croit dans les établissements qui ont des pratiques innovantes. Ils existent aussi bien dans le public que le privé. Le fait pour un établissement d’avoir davantage d’autonomie n’en fait pas un établissement vertueux ou ne lui donne pas des projets pédagogiques fabuleux. C’est une question d’équipe et de la façon dont le chef d’établissement fait vivre l’établissement avec le personnel et les familles. Le privé comme modèle on n’y croit pas plus d’ailleurs que le public.
Propos recueillis par François Jarraud