« Longtemps je me suis trompée en cherchant à me fondre dans le moule., à être presque sans histoire personnelle. Maintenant je sais : si la diversité fait silence…, comment y croire encore ? ». Si l’ouvrage de N Vallaud-Belkacem se veut autobiographique c’est une chronique politique. Le vrai sujet c’est la France et l’action politique. A quelques mois des élections législatives, où elle se présentera à Villeurbanne, la ministre de l’éducation nationale raconte « sa » France plus que sa personne..
Parler de la France
« L’idée de ce livre … c’est de parler de la France. De ma France, De la notre ». C’est de la France plurielle qu’il est question, une France où on peut parler kabyle et français et où le droit du sol doit non seulement rester mais dominer.
Pour en parler N. Vallaud-Belkacem déroule son histoire personnelle. Née dans un village kabyle du Maroc, elle arrive en France à 5 ans, elle s’installe avec ses parents dans un quartier populaire d’Amiens. Elle quittera la ville pour faire des études à Sciences Po Paris. Ensuite ce sera une carrière politique qui la mènera de Lyon aux ministères des droits des femmes puis de l’éducation nationale. Mais l’essentiel du livre est ailleurs, dans un récit sur l’école, les inégalités sociales et le racisme.
L’Ecole
Plusieurs pages sont consacrées aux « procès en sorcellerie permanents » faits à l’Ecole : en fait plutôt des procès faits à la ministre par une opposition qui invente un bobard toutes les semaines. Un exemple est plus développé : l’enseignement de l’histoire tel que la droite veut le faire à grand coup de roman national. « Que de temps perdu dans ces débats sans intérêt », écrit la ministre, « quand les choses sont simples : l’histoire est une affaire de vérité qu’il appartient aux seuls historiens d’écrire ». Il est finalement assez peu question des réformes qui sont juste survolées. « Le courage il en faut pour lancer des réformes complexes dont on ne verra la justesse et l’efficacité que dans 5 ou 10 ans », écrit-elle.
Les obstacles qu’elle rencontre sur ce terrain elle les attribue largement au conservatisme social. « Le fait de toucher à certaines options suscite une fronde qu’on ne retrouve jamais quand il s’agit de s’indigner des inégalités de destin scolaire ». Elle explique la nécessité d’investir et de créer des postes. Mais ça ne suffit pas. »C’est aux dysfonctionnements structurels du système qu’il fallait s’attaquer, alors nous l’avons fait », dit-elle. Elle évoque très rapidement les nouveaux programmes, l’éducation prioritaire, la revalorisation des enseignants.
Inégalités
Plus touchantes sont les pages sur sa politique sociale. « Ne vous excusez jamais d’être là où vous êtes arrivée ». N Vallaud-Belkacem reprend un discours qu’elle a souvent tenu comme ministre : il faut libérer les ambitions des plus modestes. « L’ambition est la richesse des pauvres », écrit-elle. Et elle rappelle qu’elle a donné accès aux meilleurs élèves de chaque lycée aux filières sélectives et créé les « parcours d’excellence ». Ca fait un peu maigre…
Le troisième grand thème c’est la racisme et l’islam. La ministre explique pourquoi il faut défendre le droit du sol et s’insurge contre la formule des « français de papier ». Elle montre aussi pourquoi l’injonction faite aux musulmans de se désolidariser des terroristes est « scandaleuse ». Elle dénonce la tentation du régime autoritaire et celle de la radicalité.
Rien sur la rue de Grenelle
Arrivé à la fin du livre on pense évidemment à tout ce qui manque dans ce livre. Bien des aspects de la politique éducative de la ministre ne sont pas mentionnés. L’ouvrage parle du bureau de Jean Zay et des portraits qui ornent l’escalier du ministère. Mais il ne peut prétendre retracer une action ministérielle qui n’est qu’effleurée.
On n’y trouvera pas les détails de l’action ministérielle. Rien sur les rapports avec Matignon et l’Elysée, des endroits où se fabrique la politique éducative. D’ailleurs le nom de M Valls n’apparait même pas. Rien sur les débats budgétaires. Rien sur les rapports forcément variés avec une administration centrale qui voit passer les ministres et mène ses propres politiques. Rien sur les échecs et les limites de l’action politique. Rien même sur les « visiteurs du soir » qui se succèdent pour conseiller la ministre. On a aussi connu la ministre plus pugnace pour défendre sa conception de la laïcité, qui s’écartait de celle de V Peillon, sans parler de M Valls.
Un livre pas assez personnel ?
Mais puisque ce livre parle de « notre France » , puisqu’en introduction est citée la fameuse lettre d’Albert Camus à son instituteur, on aurait aimé en savoir plus sur le parcours de la jeune N. Belkacem. Parce que voilà un bel exemple d’intégration et d’ascension sociale. Comment passe-t-on d’un village kabyle à Sciences Po, du HLM aux ors de la République ? Quels leviers ? Quels soutiens ? On ne le sait pas vraiment alors que cette question là est une vraie question pour l’Ecole et semble-t-il une préoccupation de son action ministérielle.
On ne retrouve pas plus dans ce livre l’inquiétude et la fougue de la ministre. Ceux qui l’ont entendu en tribune moucher l’opposition ne retrouveront pas dans ce livre la parole d’une ministre qui a été harcelée jusqu’au dernier jour par l’opposition.
Il y a évidemment des pages touchantes. Quand elle raconte son village natal. Ses premiers pas de jeune fille entre marché d’Aligre et Faubourg Saint-Antoine. La rencontre avec son mari. Mais finalement N. Vallaud-Belkacem se livre peu dans cet ouvrage. On attend encore le livre où elle sortira du moule.
François Jarrraud
Najat Vallaud-Belkacem, Lavie a plus d’imagination que toi, Grasset, ISBN978-2-246-86387-7 En librairie mercredi 1er mars.