« Lorsque l’on devient enseignant, on a beau vouloir exercer cette profession avec les meilleures intentions du monde, cela reste un saut dans le vide..Ce que l’on n’apprend pas c’est comment se construit la relation pédagogique. Or c’est le fondement de notre travail ». Professeure de lettres , Florence Lhomme transmet dans son livre (La relation pédagogique, Chronique sociale) sa vision de la relation pédagogique, nourrie d’années d’exercice en collège, lycée et en microlycée. Mais l’ouvrage va au delà et donne une vision de l’Ecole telle qu’elle devrait être. Quelques mots clés : évaluation, autonomie, espace scolaire, collaboration pédagogique, projet, analyse de pratiques. Un livre intelligent, appuyé sur des bases théoriques et sur la pratique. Florence Lhomme nous en dit plus.
Pourquoi publier ce livre en ce moment ?
J’en avais assez des discours sur l’école dans les médias par des gens qui critiquent les pédagogues en leur reprochant de faire de l’enseignement au rabais. On n’entend pas les pédagogues. Alors j’ai pris les devants avec ce livre sur la relation pédagogique.
Souvent on accuse les « pédagogistes » de démagogie. C’est pourquoi dans le livre je donne en exemple une séquence sur la Princesse de Clèves. Quand on travaille sur la cour de Henri II et que les élèves comprennent comment on y vit, ils voient que cela rejoint des comportements actuels sur les réseaux sociaux. Une élève fera même un lien avec Gossip Girl.
Cette année je voulais faire travailler les élèves sur Louise Labbé. J’ai commencé par la question de son existence. Comme elle livre une parole féminine, on l’a confronté aux écrits d’un rappeur qui interroge la masculinité. Cela permet de rapprocher les élèves de cette oeuvre et de ses questionnements.
Vous dites que l’on n’apprend pas la relation pédagogique quand on se prépare au métier d’enseignant. Mais alors on apprend quoi ?
La formation, quand je suis devenue enseignante, c’était des savoirs uniquement. On ne découvrait la classe qu’après la nomination. L’agrégation, que j’ai passée, repose sur des savoirs disciplinaires. Le Capes comporte une épreuve de construction d’une séquence pédagogique. Mais elle même reste très théorique. On peut se demander pourquoi dans la formation on n’aborde pas la psychologie de l’adolescent. Cela permettrait par exemple d’éviter de mettre les élèves dans des cases. L’analyse de pratiques devrait prendre davantage de place ne serait ce que pour s’interroger sur la relation à l’élève.
La relation pédagogique renvoie forcément à la question de l’autorité. L’autorité c’est un préalable ou c’est quelque chose qui se construit ?
Ca dépend de ce qu’on appelle l’autorité. Mais c’est plutot un préalable. Le professeur doit proposer aux élèves un cadre et des normes. Mais l’autorité doit aussi être explicitée et partagée.
L’autorité c’est la confiance ?
Oui c’est cela. Souvent, pour les élèves, un professeur qui a de l’autorité c’est quelqu’un dont on a peur. Or ce n’est pas cela. L’autorité c’est être en confiance les uns avec les autres. On peut sanctionner mais en passant par le dialogue. L’autorité c’est aussi une affaire d’équipe. Quand un professeur a une pratique trop différente de celle de ses collègues c’est difficile pour lui. Finalement rien n’est jamais établi et l’enseignant en revient à ce qui peut favoriser la confiance. Quand on fait confiance aux élèves en général ils nous le rendent bien.
Dans la relation pédagogique, quelle place pour l’évaluation ?
L’évaluation renvoie les élèves à leur image de soi. Les élèves ont l’impression d’être la note qu’on leur donne. D’où l’intéret d’évaluer par compétences ou encore de faire refaire les travaux. Cela leur permet de s’améliorer et ca dédramatise la situation. Enfin ça redonne du sens à l’évaluation.
Le confinement nous a fit progresser sur ce terrain. Les élèves ont du se détacher de la note puisqu’elles ne comptaient plus pour être vraiment dans l’évaluation. Le confinement a sorti la relation pédagogique de la perversion par les notes. Si on enlève la note, l’enseignant soit expliciter son point de vue sur le travail de l’élève et donner les clés pour s’améliorer. On peut alors travailler sur les erreurs. En temps ordinaire, la note permet surtout à l’enseignant de ne pas évaluer !
Propos recueillis par François Jarraud
Florence Lhomme, La Relation pédagogique. Des clés pour se construire. Edition Chronique Sociale. SBN : 978-2-36717-675-8. 15.90€