Alors que l’OCDE publie une intéressante sur les réformes en éducation, des voix s’élèvent pour exiger une réforme de l’Ecole pour résoudre la crise sociale du pays. L’Ecole peut-elle à elle seule résoudre ce problème ? Quelles réformes faire dans l’Ecole ? L’éducation civique suffira-t-elle à régler la crise sociale ? Eric Charbonnier, expert éducation à l’OCDE, répond à nos questions.
L’OCDE publie deux études sur les systèmes éducatifs qui concernent l’Ecole française. Aujourd’hui on tend à la rendre seule responsable de la crise que traverse le pays. Qu’en pensez-vous ?
Il ne faut pas faire porter à l’éducation le chapeau de tout ce qui s’est passé. On n’est pas face à un échec du système éducatif mais à celui d’une politique sociale. Mais l’éducation a son rôle à jouer pour s’attaquer aux inégalités en France. La scolarisation à 2 ans, par exemple, peut aider à améliorer la situation.
Plus d’éducation civique ne suffira pas à résoudre la crise ?
On peut réfléchir aux contenus. Mais il faut surtout revenir aux bases du système. La grande difficulté c’est la manque de maîtrise des fondamentaux, savoir lire, écrire, compter, par certains élèves. Il faut une véritable politique de lutte contre l’échec scolaire. Augmenter les horaires d’éducation civique ne changera pas cela. Pour réduire l’échec scolaire, il faut lutter contre le décrochage, ouvrir des écoles de la seconde chance, réfléchir aux modalités de formation et d’affectation des enseignants dans l’éducation prioritaire.
Il faut mettre davantage de moyens en éducation prioritaire ?
Il faut plus de moyens humains et surtout réfléchir à la formation de ceux qui iront y travailler. Aujourd’hui la formation des enseignants est encore trop académique. Il faut aussi réfléchir aux incitations financières que l’on va donner aux enseignants qui iront en zone prioritaire. On peut aussi réduire le nombre d’élèves par classe : c’est utile dans ces classes là. En fait c’est tout un ensemble de réformes qui sont déjà en train d’être mise en place mais qu’il faut relier entre elles.
L’OCDE publie pour la première fois une étude sur les réformes éducatives. Elle met au centre de la réforme les enseignants et leurs syndicats. C’est nouveau ?
L’étude montre aussi que les pays qui s’en sortent sont ceux qui développent l’équité sociale et la formation professionnelle. Les enseignants et les syndicats sont des acteurs premiers. Les réformes sont plus facilement mises en place quand elles sont soutenues par les syndicats. Cette idée de compromis on l’a bien vue par exemple en Norvège. On a revu les critères d’évaluation des enseignants en cherchant un compromis entre employeurs et syndicats. En France on n’arrive pas à réformer parce qu’on n’arrive pas à créer du consensus.
L’étude montre aussi d’autres particularités françaises comme la faiblesse de la direction pédagogique ou le mauvais climat scolaire. Ca freine le changement ?
On peut aussi évoquer la centralisation extrême qui laisse peu d’autonomie aux établissements. En fait de nombreuses réformes sont engagées. Par exemple celle de la formation des enseignants qui est probablement la plus importante. On devrait communiquer davantage sur elle et globalement sur les objectifs de ces réformes. Car toutes visent à réduire la fracture sociale et scolaire. Il faut vraiment déclarer cet objectif. Peut-être que les événements que traverse le pays peuvent aider à trouver le consensus sur l’école. L’éducation devrait être un sujet d’unité nationale.
Propos recueillis par François Jarraud