Les professeurs du public sont-ils mieux payés que ceux du privé ? Premier round : la question est lancée en octobre 2016 par l’IFRAP, un thinktank ultra conservateur, qui en a profité pour promouvoir la privatisation de l’éducation nationale. Second round : dans le dernier numéro d’Education & formations, la Depp, le service des études du ministère, lui répond. Bilan du match : la redécouverte de faits bien connus et le maintien dans l’ombre de quelques inégalités cachées… » Des outils informatiques inadaptés, des recteurs gagnes petits sur le dos de précaires », voilà ce que cache cette question selon la Fep Cfdt, premier syndicat des enseignants du privé…
Un écart de 14%
Les enseignants du public sont-ils mieux payés ? Sans ambiguïté la réponse est oui. L’écart en salaire net est en moyenne de 14% : 2415 € net en moyenne pour les enseignants du public contre 2074€ pour ceux du privé selon la Depp.
Ce n’est une découverte ni de l’Ifrap, ni de la Depp. L’essentiel de la différence tient au régime social différent des enseignants du public et du privé. Les professeurs du public bénéficient d’une pension de l’Etat et leurs prélèvements sont plus faibles que ceux du privé qui, bien qu’agents publics, sont au régime général.
Mais cela n’explique pas tout. La Depp met en avant des différences de composition des corps enseignants. Le privé compte moins d’enseignants appartenant aux corps les mieux rémunérés. Ainsi il y a 7% d’agrégés dans le public contre 2.6% dans le privé. On compte par contre 15% d’auxiliaires dans le privé contre 3% dans le public. Il y a de la même façon 3 fois plus de Pegc dans le privé que dans le public.
Les oeuvres basses de l’Education nationale
Mais voilà. Une fois que l’on a pris en compte tout cela ; il reste encore 25% d’écart à élucider. Et là on rentre dans des inégalités qui finalement renvoient aux oeuvres basses de l’Education nationale toute entière.
La Depp s’interroge sur l’effet des inégalités de genre. Les femmes sont plus nombreuses dans le privé et on sait que leur salaire est plus faible que celui des hommes dans l’Education nationale. Ne serait ce que parce que les mères de famille dont moins d’heures supplémentaires que leur conjoint…
Une autre question reste sas réponse : qu’en est il des promotions ? Avant l’application des accords PPCR elles étaient liées aux possibilités des inspecteurs. Les visites sont-elles moins fréquentes ou moins positives dans le privé que dans le public ? La question reste posée car, si les promotions du public sont présentées chaque année dans le bilan social du ministère, celles du privé curieusement y échappent.
Comme dit la Depp, « une part de l’écart public-privé reste non élucidée. Le système d’information Siasp ne permet pas de répondre à certaines interrogations. On aurait souhaité créer une indicatrice de carrière tenant compte de l’ancienneté et de la vitesse d’avancement afin de contrôler les éventuels écarts de salaire dus à l’évolution des carrières selon le secteur. En outre, on aurait aimé pouvoir distinguer plus finement les primes et indemnités. En effet, une plus grande précision des fonctions enseignantes dans le public et le privé sous contrat au travers de la distinction des primes et indemnités perçues aurait sans doute pu apporter des réponses complémentaires sur les écarts de salaire brut ».
Ignorance et gagnes petits
Interrogé par le Café pédagogique, Bruno Lamour, secrétaire général de la Fep Cfdt , premier syndicat enseignant du privé, dénonce » la piètre connaissance de la situation des enseignants du privé par leur employeur qu’est l’Etat ! »
Pour lui, « parmi les 25 % de facteurs restants pour expliquer les différences salariales figurent des variables « non renseignées » dans la base de données Siap comme l’ancienneté de service (sic) ou l’avancement moyen dans le corps dont « on aurait aimé s’assurer que les opportunités … au choix ou au grand choix sont équivalentes dans le public et dans le prive sous contrat». Il semblerait que les données soient rectorales mais non cumulables au niveau national … Donnée observée, le secteur privé est plus féminisé que le secteur public (74 % de femmes contre 68 %) : mais les informations sur les temps incomplets manquent (Siasp ne permet pas de distinguer le temps partiel du temps incomplet (qui n’existe que pour le privé où l’administration n’est pas tenue d’assurer un service complet à l’enseignant recruté sur concours) et les interruptions de carrière suite à la naissance d’un enfant ont, dans le privé, un impact négatif sur le salaire perçu au retour de congé, mais non mesuré ».
La Fep Cfdt souligne aussi les petites économies réalisées sur les non titulaires, particulièrement nombreux dans le privé. « Le régime de rémunération des contractuels du public est plus avantageux que celui du privé sous contrat. En effet, les échelles de rémunération de maitres auxiliaires et d’instituteurs suppléants sont toujours appliquées dans le privé sous contrat alors qu’elles ont disparu dans le public, laissant place à une grille indiciaire de référence pour les professeurs contractuels plus avantageuse. Les recteurs ont la possibilité depuis la rentrée 2015 de mieux rémunérer des non-titulaires remplissant des conditions particulières : s’ils le font pour le public, il semble qu’ils le fassent très peu pour le privé (deux académies concernées seulement d’après notre enquête FEP de novembre dernier). Des outils informatiques inadaptés, des recteurs gagnes petits sur le dos de précaires, des cotisations sociales plus élevées : oui, les enseignants du public sont mieux payés que ceux du privé ! »
François Jarraud