Par François Jarraud
Membre du Réseau des villes éducatrices, la ville de Grenoble attend depuis plusieurs années de nouveaux rythmes scolaires. C’est donc en 2013 que les écoles grenobloises passeront à 9 demi journées nous assure Paul Bron, adjoint au maire de Grenoble chargé de l’éducation et de l’université. Mais le nouvel emploi du temps du périscolaire reste à décider. C’est que chaque formule a ses avantages et ses inconvénients. Et que le poids financier reste à définir.
Quelle décision avez vous prise pour la réforme des rythmes scolaires ?
Nous avons choisi à Grenoble d’engager la réforme des rythmes scolaires pour septembre 2013. En ayant bien conscience de la complexité de l’enjeu, mais avec la conviction que le mouvement est en marche, que l’occasion nous est offerte de nous mobiliser ensemble pour agir.
Nous profiterons de cette période propice au changement, pour promouvoir deux enjeux à l’horizon 2013 – 2015, en cohérence avec le Projet Educatif Grenoblois :
– L’amélioration de la politique péri scolaire municipale : La Ville entend requestionner l’ensemble de son projet périscolaire. L’organisation de la journée ne doit pas se mesurer à l’aune de ces quelques trois quart d’heure périscolaires supplémentaires par jour. C’est, nous le croyons, l’ensemble de l’offre qu’il faut requalifier : le contenu des activités avec une spécificité accrue pour les enfants en difficulté, le taux d’encadrement et la formation des animateurs. Il y a la aussi un formidable terreau pour l’éducation populaire. Trouvons ensemble la meilleure formule pour situer dans la journée les 3h périscolaires supplémentaires. Sans rigidité et dans le respect de tous les acteurs et des enfants, c’est possible.
Concrètement nous programmons 3 types d’activités periscolaires : l’accompagnement à la scolarité ( études dirigées, « coup de pouce »…), des ateliers culturels sportifs écologiques et citoyens, et une « récréactive » (espaces de calme/repos, espaces de jeux intérieurs et extérieurs). Nous généraliserons progressivement les PEL activités socio culturelles portées par les associations sur toutes les écoles ( 60 écoles). Enfin et surtout, nous développerons des programmes spécialisés pour les enfants les plus en difficulté, en particulier les enfants des quartiers prioritaires (Parler, Prodas, …).
– L’articulation entre tous les temps de l’enfant : scolaire, périscolaire et familiaux. L’école ne se transformera pas toute seule, l’occasion nous est donner d’engager un partenariat de travail et de projet avec les enseignants, les parents et les associations, pour partager ce temps libéré d’école mais aussi pour construire ensemble le projet éducatif territorial ( PedT) préconisé dans la future loi d’orientation.
Il ne s’agit pas du tout d’une quelconque « tutelle » des élus sur les enseignants comme le craignent certains, mais la mise en oeuvre d’un nouveau partenariat autour de la journée de l’enfant pour favoriser sa réussite éducative. Le cadre national, laïque et républicain des 24h d’école hebdomadaire scolaire est consolidé, le statut des fonctionnaires respecté.
Quelle organisation de la semaine allez-vous privilégier ?
Trois scénarios sont travaillés par la ville quant à l’organisation de la journée .
Scénario 1 : allongement de la pause méridienne à 2h 45mn. Il y a des avantages : meilleur respect du rythme de l’enfant, possibilité de sieste pour les petits, animateurs de la ville déjà sur place, coordination avec les APC. Mais aussi des inconvénients : manque de locaux. Il est très délicat d’envisager d’utiliser les salles de classes entre midi et 14h, les parents nous renvoient la difficulté pour la ville d’assurer une qualité de l’encadrement.
Scénario 2 : le péri scolaire à 16h. Placer 1/4h pour donner un peu d’espace à une pause méridienne parfois surchargée et arrêter l’école à 16h. Puis 16h-17H périscolaire supplémentaire et APC et 17h-17h30 ou 18h périscolaire actuel. Avantages : des temps plus stabilisés où il est possible de construire un vrai partenariat et avec presque tous les enfants. Inconvénients : capacité de trouver des animateurs disponibles à 16h, trouver des locaux et …c’est le coût le plus cher pour la ville.
Scénario 3 : déplacer l’entrée à l’école à 9h avec garderie le matin, 15mn de plus à la pause méridienne et fin d’école à 16h30. Le scénario le moins ambitieux et le moins cher. Dans ce cas il faudra mettre des moyens pour améliorer la qualité de la pause méridienne et le péri scolaire du soir.
Quel coût pour la ville pour ces trois scénarios ?
C’est assez complexe à évaluer. Nous ne pouvons pas encore donner de chiffres. Mais cette réforme va couter cher aux communes. Nous avons mesuré ce cout à 150€ par enfant et par an. Le fonds d’amorce en déduira le tiers la première année. Il est indispensable que les dotations de la CAF prennent le relai. Cela constituera un soutien financier non négligeable, et permettra d’atténuer les inégalités territoriales. Elles permettront de même un saut qualitatif en terme d’encadrement et de qualification des animateurs. Des solutions existent, elles doivent être négociées et communiquées avant la fin du mois de Mars pour rassurer les communes.
Il va falloir trouver de nouveaux animateurs. Combien ? Où allez-vous les trouver ?
Dans la solution « pause méridienne » il faut un tiers d’animateurs en plus. Dans le scénario de périscolaire en fin d’après-midi, c’est plus difficile à évaluer car on ne connaît pas exactement le nombre d’enfants présents.
Vous allez réorganiser le travail des personnels municipaux existants, par exemple les atsem ou les animateurs ?
A Grenoble on avait conservé les atsem le mercredi matin donc les nouveaux rythmes ne changeront rien à ce niveau. Mais il y aura des ajustements à négocier sur les travaux demandés. Pour les animateurs, nous avons la chance d’avoir à Grenoble des « animateurs référents » qui encadrent les animateurs et entretiennent le contact avec les enseignants et les parents. On est en train de négocier la création d’une formation diplomante d’animateur périscolaire pour que les animateurs se qualifient. On s’appuiera aussi sur les associations.
Comment ferez-vous pour les locaux ?
C’est un problème important que j’essaie de résoudre. Ce sera beaucoup plus difficile dans le cas du scénario pause méridienne. Car les locaux scolaires sont utilisés par les classes.
Qu’en pensent les enseignants ? Ont-ils massivement fait grève le 23 janvier ? Les consulterez-vous ?
Le 23 janvier sur la soixantaine d’écoles grenobloises, seulement 6 étaient fermées. Il y a eu 25% de grévistes. La concertation est en cours. Nous avons rencontré en premier lieu, début janvier, tous les directeurs d’école, car ils seront avec leur équipe et les IEN, les garants essentiels de la réussite de la réforme. Ils demandent une journée banalisée pour discuter de la réforme et ça me semble une bonne idée. Puis dans la continuité, nous avons organisé des réunions avec les parents délégués et leurs fédérations, les DDEN et les associations.
Début Avril la DASEN devrait décider in fine, de l’organisation de la journée, après avis du maire et des conseils d’école. Une deuxième étape débutera alors, celle de la construction d’un projet éducatif commun de proximité, au plus près des écoles, afin de recenser toutes les ressources et les compétences du quartier. Une deuxième série de rencontre réunira alors les équipes d’école, les parents et les associations locales et de quartier.
Aurez-vous la même solution dans toute la ville ou des rythmes différents selon les écoles ?
Ce sera la même organisation dans toutes les écoles de la commune sauf s’il y a quelques expérimentations acceptées par la Dasen. Si l’urgence du retour aux quatre jours et demi d’école par semaine ne doit pas « occulter » d’autres questions : salaires, effectifs en classe, contenus et méthodes d’enseignement, c’est malgré tout, un passage nécessaire et obligé. Respectons le libre choix des communes puisqu’il est instauré sur deux ans, appuyons nous sur les conseils d’école et sur l’intelligence des acteurs éducatifs. Et tentons de fédérer les énergies, et de construire ensemble, peut être pas encore l’école de demain, mais les prémices d’une éducation partagée et solidaire.
Paul Bron
Adjoint au maire de Grenoble
Chargé de l’éducation et de l’université
Vice Président du Réseau Français des Villes Educatrices
Propos recueillis par François Jarraud
Sur le site du Café
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