Sommaire :
- Jean-Louis Auduc : De nombreuses incertitudes et des risques demeurent
- Réforme de la formation des enseignants : Une navigation dans la brume pleine de périls
- M@dos : Une formation à distance pour les cadres de l’Education nationale
- Stagiaires et admissibles : Quelles conditions ?
La publication, par le GRFDE, d’une nouvelle version de la « Note d’information relative au cadre national des formations liées aux métiers du professorat du premier et du second degré et de l’éducation » fait craindre un effacement des ESPE devant les universités. L’unité de la formation de deux ans, la place du tronc commun sont aussi interrogés.
Signée de la directrice générale de l’enseignement supérieur, Simone Bonnafous, et du directeur de l’enseignement scolaire, Jean-Paul Delahaye, mais non datée, la Note présente en 3 pages le cadre national des formations aux métiers du professorat applicable dès la rentrée 2013..
La disparition des ESPE
Il stipule que « la formation est organisée par les universités et assurée par des équipes pédagogiques relevant des diverses composantes concernées des établissements d’enseignement supérieur de l’académie et associant des professionnels intervenant dans le milieu scolaire ». L’ESPE n’apparait nulle part dans le texte qui ne fait référence qu’aux universités.
Quelle place pour les stages ?
La formation « articule des enseignements théoriques et pratiques avec un ou plusiuers stages d’observation ou de pratique accompagnée et des périodes d’alternance dans le cadre d’un service d’enseignement ». Elle comprend « un tronc commun de formation offert à tous les étudiants se destinant aux métiers de l’enseignement et de l »éducation ». Il portera par exemple sur les processus d’apprentissage des élèves, l’hétérogénéité, le handicap, l’approche par compétences, la conduite de la classe, l’orientation ou le socle ». Elle comprend l’apprentissage d’une langue étrangère et le C2i2e.
Les candidats ayant validé les deux premier semestres bénéficient d’une formation alternée « organisée par les universités » qui se déroule en établissement. Le stage ne responsabilité de deuxième année donne lieu à un tutorat confié à un personnel de l’école ou l’établissement d’accueil et un personnel de la structure de formation. Des stages en entreprise sont proposés aux étudiants et aux stagiaires se destinant à l’enseignement technique ou professionnel. Sur les 60 crédits de la deuxième année, 20 sont consacrés au stage. Le reste va au mémoire et à sa soutenance.
Le ministère promet le retour des ESPE
Du côté du ministère on interprète différemment cette absence. « C’est pour une raison technique, l’inexistence de fait actuellement des ESPE, que la note d’information relative au cadre national des formations liées aux métiers du professorat ne les mentionne pas », nous fait savoir une source ministérielle. « Ce n’est pas parce qu’on en parle pas d’elles qu’elles n’existeront pas dans l’arrêté sur ces formations ». Selon cette source ministérielle, dès que la loi d’orientation sera votée, les ESPE remplaceront dans le texte les universités.
« Nous sommes loin des ambitions » note la CDIUFM
» Cet épisode malencontreux, qui a mis la communauté concernée en émoi, a jeté inutilement le trouble et révèle, en fait, les véritables questions posées par l’ensemble des textes et les processus qui en découlent dans la mise en oeuvre de la réforme de la formation des enseignants. » La Conférence des directeurs d’IUFM (CDIUFM) manifeste ses inquiétude suite à la publication le 2 avril de la » « Note d’information relative au cadre national des formations liées aux métiers du professorat du premier et du second degré et de l’éducation ».
« Le futur professeur n’aura ni équipe pédagogique, ni lieu identifié, ni cadre de formation véritablement communs : il ne s’agira pas d’une école au sens où les députés et les sénateurs entendent ce terme quand ils votent la loi », affirme la CDIUFM qui » constate que les processus d’accréditation menés localement ne conduisent pas, le plus souvent, à créer une véritable école supérieure universitaire ».
La CDIUFM souligne que » la représentation nationale a clairement voulu, par la loi aujourd’hui en débat au sénat, professionnaliser les futurs enseignants et faire de cette professionnalisation un des appuis majeurs de la refondation de l’école de la République… A l’heure où sont rédigées les futures maquettes de formation, c’est un replâtrage centré sur les enseignements disciplinaires teintés d’un peu de professionnalité qui apparaît fréquemment. Nous sommes très loin des ambitions annoncées en matière de professionnalisation ».
Les directeurs d’IUFM demandent » de vraies écoles et une formation professionnelle universitaire renouvelée, prenant en compte les travaux et les compétences reconnus dans ce domaine, pour soutenir la refondation de l’école de la République ».
François Jarraud
Le document
http://grfde.eklablog.com/une-note-du-men-mesr-qui-demand[…]
Dossier formation
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2012_10_For[…]
Communiqué CDIUFM
http://www.cdiufm.fr/positions-publiques/article/ecole-et-f[…]
« La note relative au cadre national des formations liées aux métiers du professorat du premier et du second degré signée par la DGSIP (Enseignement supérieur) et le DGESCO ( Education nationale) laisse de nombreux points en suspens qui sont autant d’écueils posés concernant la mise en œuvre d’une formation des maîtres efficace et de qualité », nous a déclaré Jean-Louis Auduc, ancien directeur adjoint d’IUFM.
Quelle signification donner à l’absence totale dans ce texte des ESPE alors même que le Parlement débat de leur rôle dans la formation des maîtres ? Est-ce à dire qu’alors que le texte entérine le concours en fin de M1 : « Des concours de recrutement… sont organisés au cours du second semestre du cursus de master », on se prépare à un partage des deux années de formation initiale, notamment pour les concours du second degré : La première année, je prépare le concours, sous la responsabilité des UFR disciplinaire ; la seconde année, stagiaire, je prépare mes cours, sous la responsabilité des rectorats ?
Le concours en fin de M1 est lourd de risques pour une véritable formation unifiée sur deux années . Il aurait mieux valu les écrits du concours au milieu du M1 pour permettre des réorientations et les épreuves orales en fin de M2.
Une grande incertitude règne sur les épreuves de ces concours, notamment du second degré. Quels contenus auront-elles ? Seront-elles tournées vers l’amont, c’est-à-dire vers la validation des connaissances déjà effectuées les années précédentes par l’Université ou seront-elles tournées vers l’aval, c’est-à-dire le métier d’enseignant auxquels les candidats doivent se préparer ? Y aura-t-il dans les épreuves écrites des concours disciplinaires du second degré des ouvertures concernant des approches interdisciplinaires ? Les épreuves orales permettront-elles à l’étudiant de réfléchir sur son métier, ses exigences, les valeurs qu’ils portent ? C’est un enjeu concernant la mise en place du tronc commun évoqué dans ce texte. Les différents thèmes évoqués concernant le contenu de ce tronc commun sont intéressants, correspondent à de véritables exigences concernant l’exercice du métier enseignant. Mais quand celui-ci sera-t-il évalué ? Si certaines interrogations comme la laïcité, la culture de l’égalité homme-femme, l’approche par compétences, sont évalués lors du concours, notamment des épreuves orales, alors on peut espérer que celui-ci pourra se décliner sur les deux années de formation initiale. Si le concours reste purement disciplinaire dans le second degré, alors le tronc commun se fera de fait en totalité en seconde année et sera, au mieux, un supplément d’âme, au pire jugé totalement inutile et n’aura pas d’impact sur la posture des nouveaux enseignants, largement déterminé par le contenu des concours.
L’alternance est affirmée avec force pour la seconde année du master où l’enseignant sera professeur-stagiaire effectuant un stage en responsabilité évalué dans le cadre de son master. Il s’agit donc bien d’un master professionnel avec stage en responsabilité et mémoire de master « en relation avec la finalité professionnelle et les pratiques professionnelles » . C’est un modèle qui existe dans d’autres formations de la fonction publique, mais où le concours de recrutement est clairement tourné vers les compétences exigibles pour exercer le métier choisi. En sera-t-il de même pour les concours de recrutement d’enseignants ou aurons-nous le système successif rejeté par tous les autres pays développés qui a été la cause des difficultés des IUFM ? Au-delà des formules du texte sur la progressivité, l’enjeu est l’unité des deux ans de la formation initiale sous la responsabilité d’une structure unique, les ESPE. Sera-t-elle réalisée ?
Les incertitudes de ce texte sont d’autant plus inquiétantes que cette unité n’avait pu se construire dans les IUFM où tous les étudiants de 1rere année savaient qu’ils ne seraient pas en deuxième année s’ils ne réussissaient pas le concours , et que le souci des stagiaires de deuxième année étaient d’être titularisés , et donc étaient axés sur le niveau et les réalités de leur stage en responsabilité.
Si l’on veut éviter des contenus trop différenciés en M1 et en M2, en choisissant de mettre le concours en fin de M1, les ministères doivent s’obliger à prévoir de la cohérence. Pour se faire, il faut prévoir qu’une partie des contenus du tronc commun soit effectivement évalué lors des concours de recrutement et réaffirmer que le pilotage des deux années de formation initiale est le fait des ESPE , comme le prévoit la loi de refondation actuellement débattu au Parlement dans son article 49 : « Les écoles supérieures du professorat et de l’éducation organisent, sans préjudice des missions confiées aux écoles normales supérieures, la formation initiale des futurs enseignants et des personnels d’éducation et participent à leur formation continue. Elles accueillent aussi les personnels exerçant une activité au sein des écoles et des établissements scolaires dans le cadre des formations professionnelles organisées par les autorités académiques.
« Les ministres chargés de l’enseignement supérieur et de l’éducation nationale arrêtent le cadre national des formations liées aux métiers du professorat du premier et du second degrés et de l’éducation. La formation organisée par les écoles supérieures du professorat et de l’éducation inclut des enseignements théoriques, des enseignements liés à la pratique de ces métiers et un ou plusieurs stages. »
Sinon, tout autre choix serait une occasion perdue pour faire évoluer le métier enseignant.
Jean-Louis Auduc
« Régionalisation rampante » de la formation des enseignants, « bricolage », « imprécision » : le GRFDE, un groupe qui réunit des formateurs et chercheurs en sciences de l’éducation, revient sur la note d’information envoyées par les deux ministères concernés aux présidents d’université. Le GRFDE dénonce « une école supérieure qui n’en est pas une et des contenus de formation qui risquent de renouer, en de multiples occurrences, avec les vieux démons des anciens CPR et du début des IUFM ». Il déplore « la disparition d’un cadrage national effectif de la formation des enseignants… Si les éléments de cadrage apportés par les prochains textes ne sont pas plus précis et contraignants, cette réforme pourrait faire émerger un paysage très disparate d’une académie à l’autre en septembre prochain. Ainsi, à l’insu de la société, pourrait se défaire l’unité territoriale de la formation des enseignants, ouvrant sur une régionalisation rampante de celle-ci ». Une réflexion qui devrait toucher les sénateurs qui analyseront en juin la loi de refondation.
Alors que la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a été adoptée en première lecture à l’Assemblée Nationale en mars, alors que le texte sera examiné vers la fin mai au Sénat et devrait être présenté en seconde lecture à l’Assemblée au plus tôt en juin prochain, la réforme de la formation des enseignants continue de se mettre en place contre vents et marées, à marche forcée, sans cadre législatif et dans une grande opacité qui conduit à des projets très disparates d’une académie à l’autre. C’est ce que montre notamment l’évaluation que les deux ministères concernés ont faite des 27 « dossiers de préfiguration » des ÉSPÉ : si, pour 11 académies, le projet leur convient pour l’essentiel, pour 7 académies (dont de très grosses académies comme Versailles, Lille, Toulouse, Bordeaux, Nantes) tout est à revoir, tandis que 9 autres sont dans une situation « intermédiaire ».
Une plus grande cohérence résultera-t-elle de la « Note d’information » qui a été adressée début avril aux présidents d’université et aux recteurs par la directrice générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle (DGSIP) au Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (MESR), Mme Bonnafous, et le directeur général de l’enseignement scolaire (DGESCO) au Ministère de l’éducation nationale (MEN), M. Delahaye ? Ce texte de trois pages d’une écriture serrée, organisé en cinq parties, constitue en effet le « cadre national des formations liées aux métiers du professorat du premier et du second degré et de l’éducation » (1) et, selon les auteurs de la note, il « traduit l’ensemble de principes de la réforme en cours sur la formation initiale des enseignants et des personnels de l’éducation. Il s’appuie sur les consultations et sur les travaux menés avec les diverses organisations représentatives. Il complète un ensemble de documents déjà publiés ou en voie de publication ». Il peut donc être considéré comme le document fondateur de la nouvelle formation des enseignants. Il devrait pouvoir guider les présidents d’université et les recteurs dans la conception des nouvelles modalités de la formation initiale des enseignants et CPE et éclairer les équipes pédagogiques dans la conception des nouveaux masters dans lesquels les candidats au métier seront invités à s’inscrire à compter du 1er septembre.
Malheureusement, ce cadre est creux, ouvert à tous les vents. C’est ce que montre une lecture attentive des cinq parties de cette note officielle.
La première partie, intitulée « dispositions générales », énonce des généralités relatives à la formation des métiers du professorat du premier et second degrés et de l’éducation sanctionnée par un diplôme national de master mention « Métier de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation » (MEEF). Celui-ci comprendra un tronc commun et des thèmes d’éducation transversaux sur les grands sujets sociétaux offerts à tous les étudiants se destinant aux métiers de l’enseignement et de l’éducation. Le fait que le « tronc commun » soit découpé en « domaines » (« processus d’apprentissage des élèves », « prise en compte de la diversité des publics », « méthodes de différenciation pédagogique », etc.), risque d’induire des réponses spécialisées de la part des Sciences Humaines et Sociales et d’aboutir à ce que nous avons trop connu dans les IUFM : un saupoudrage de conférences qui tombaient à plat, ne faisant pas assez référence à des enseignements, à des pratiques, aux premières expériences professionnelles des stagiaires…
De plus, on ne connaît pas l’importance de ce tronc commun et des thèmes d’éducation transversaux par rapport à celle des connaissances disciplinaires et didactiques. Rien n’est même dit sur ces enseignements disciplinaires et didactiques, comme s’il n’y avait pas là un réel sujet d’inquiétude pour l’ensemble des formateurs y compris ceux qui sont investis dans la formation des professeurs des écoles. Il reviendra donc aux acteurs locaux de déterminer les pondérations entre ces différents aspects de la formation.
La note indique que la formation est organisée « par les universités » alors que la loi en préparation confie explicitement cette mission aux futures ÉSPÉ. Soulignons aussi qu’une précédente version de cette note, en date du 21 mars, mentionnait explicitement les ÉSPÉ et que celles-ci ont totalement disparu de la présente version « opérationnelle » du début avril. Devant l’émoi provoqué par cette modification, le MESR et le MEN ont expliqué que celle-ci était purement technique : les ministères travaillant « à droit constant », on ne peut pas parler des ÉSPÉ, alors qu’elles n’existent pas encore. Pourtant, dans chaque académie, les acteurs de la formation sont mobilisés sur la création de ces ÉSPÉ et les ministères viennent de leur retourner une évaluation des « dossiers de préfiguration » avant l’accréditation de ces écoles d’un nouveau genre. Pourtant, dans chaque académie, les acteurs de la formation sont également mobilisés sur un scénario de formation avec concours au milieu du master en rupture avec le droit actuel. En somme, les universités et les recteurs sont explicitement invités à anticiper le cadre législatif et réglementaire à venir tandis que les ministères ne seraient pas en droit de le faire…
Dans un communiqué au ton inédit (2) , la Conférence des directeurs d’IUFM (CDIUFM) ne se dit pas du tout rassurée par l’explication livrée par les deux ministères et y voit plutôt un révélateur des difficultés profondes que rencontre la réforme. Elle redoute que les deux ministères abandonnent en chemin l’exigence de professionnalisation de la formation des enseignants. Elle s’alarme : « Les directeurs que nous sommes, les personnels des instituts de formation, les spécialistes de l’éducation sont aujourd’hui très inquiets de ce que peut produire le processus en cours : une école supérieure qui n’en est pas une, dans de très nombreux cas, et des contenus de formation qui risquent de renouer, en de multiples occurrences, avec les vieux démons des anciens CPR et du début des IUFM. » Elle invite les parlementaires à réagir : ils croient créer dans chaque académie une École supérieure du professorat et de l’éducation (ÉSPÉ) mais, « il ne s’agit pas d’une école au sens où les députés et les sénateurs entendent ce terme quand ils votent la loi ». Il pourrait s’agir en effet de simples structures administratives, autant dire des coquilles vides. La lecture de certains dossiers de « préfiguration » des ÉSPÉ justifie pleinement cette crainte.
La note ministérielle indique que la formation est assurée par « des équipes pédagogiques relevant de diverses composantes et associant des professionnels du milieu scolaire ». Mais, comme elle ne précise pas l’importance relative des interventions des diverses catégories de formateurs, cela n’engage guère les décideurs locaux. Ils pourront déplacer le curseur à volonté, depuis une intervention symbolique des praticiens-formateurs jusqu’à une coopération systématique avec eux.
Elle confirme que les concours sont organisés au cours du second semestre du master et que les lauréats de ces concours ayant validé leur première année de master bénéficieront d’une « formation alternée » en deuxième année de master. La note ministérielle prétend que le projet incarne une « formation progressive et intégrée » alors qu’elle officialise un scénario découpé en deux parties (une première année de bachotage suivie d’une seconde année qui sera nécessairement focalisée sur le stage en responsabilité), nous ramenant à ce qui existait avant 2009 (3) . Simultanément, le terme « alternance » n’est employé que pour évoquer la seconde année et le stage en responsabilité.
La durée de ce dernier, sous forme de fraction de l’obligation réglementaire de service (26 h par semaine pour les professeurs des écoles, 18 h pour les professeurs des lycées et collèges), n’est pas déterminée dans cette note de cadrage. On apprend d’ailleurs que les conditions de ce stage seront redéfinies chaque année par une circulaire. Le ministère de l’éducation nationale veut-il ainsi garder la main sur cette durée ? Faudra-t-il attendre chaque année la circulaire pour aménager (ou pas) le M2 en fonction des variations de cette durée.
Pour les lauréats du concours déjà titulaires d’un master, ou de tout autre diplôme qui en confère le grade (et qui n’auraient donc pas un master MEEF), le texte indique qu’ils « suivront une formation organisée par les universités et adaptée au vu de leur parcours antérieur ». Avec quels moyens humains le feront-elles en M2, alors que cette situation peut concerner dans chaque académie de très petits groupes d’étudiants (exemples : des lauréats du concours de PE ayant des masters de SES ou de Philosophie), voire des cas purement individuels ? Quant au contenu de cette formation adaptée, la note dit : « Ils devront valider les compétences nécessaires à l’exercice du métier. » Or, on pouvait croire que le concours, avant l’année de M2, était essentiellement fondé sur l’évaluation de ces compétences, au bénéfice de l’employeur. De quelles compétences les auteurs parlent-ils ?
Dans cette première partie, rien n’est dit sur le devenir des étudiants reçus au concours et collés à la première année de master ou ceux, bien plus nombreux, reçus à la première année de master et collés au concours. Pourtant, les extrapolations disponibles laissent penser que des milliers d’étudiants seront concernés : en moyenne 3 candidats sur 4 ne sont pas reçus, et pour le concours de professeurs des écoles, en 2010 et 2011, il y avait 6 candidats présents pour un poste à pourvoir. Comme l’indique une récente note de la DEPP, on peut anticiper aussi que la plupart de ceux-ci souhaiteront persévérer en M2 et repasser le concours au terme de cette seconde année (4) . Il y a là un très sérieux problème d’adaptation de l’année de M2 pour « reçus-collés » qui n’est pas anticipé par la note ministérielle. De plus, comme, à terme, ces étudiants auront plus de chances de réussir le concours (5), c’est ce parcours qui deviendra progressivement le parcours « normal ». Cette question est donc loin d’être marginale. Les auteurs veulent-ils laisser les universités trancher, en permettant tacitement à celles qui le souhaitent d’interdire aux candidats ayant échoué au concours de s’inscrire en M2 ? La réponse du gouvernement ne peut pas être : « Je m’en lave les mains ». Il laisserait ainsi s’installer de graves inégalités entre les étudiants des différentes académies.
La deuxième partie sur « l’architecture de la formation initiale » n’apporte pas plus de précision. Il y est affirmé que la formation, articulée sur les quatre semestres du cursus de master, permet d’acquérir « un haut niveau de compétences professionnelles tant disciplinaires que didactiques et scientifiques, ainsi que celles spécifiquement liées au contexte d’exercice du métier ». Adossement et initiation à la recherche, stages d’observation et de pratique accompagnée, analyse de pratiques, enseignements communs et différenciés, maîtrise d’au moins une langue étrangère, compétence en TICE, connaissance des méthodes pédagogiques innovantes s’ajoutent à la formation disciplinaire et didactique, au « tronc commun » portant sur des connaissances transversales et aux enseignements sur les « sujets sociétaux ». Mais les poids respectifs de ces très nombreux éléments constitutifs du master MEEF ne sont pas indiqués et, là encore, ce sont les acteurs locaux qui ont à fixer la pondération des différents blocs et des ECTS correspondants ainsi que les volumes horaires de formation en M1 et en M2. Ils ne peuvent même pas s’appuyer sur les maquettes des différents concours, qui, à la mi-avril, ne sont toujours pas connues ! On assiste ainsi à la disparition d’un cadrage national effectif de la formation des enseignants.
Cet ensemble a-t-il une cohérence ? Peut-il tenir dans un master de 600 heures à 750 heures, au lieu de 900 aujourd’hui, avec une première année centrée sur la préparation du concours et une seconde centrée sur le stage à mi-temps ? Quelle formation pourra-t-on prévoir en M2 si cette année comporte environ 250 heures de cours, soit à peine plus d’une journée par semaine, en plus des heures dues pour le service d’enseignement ? Quel temps restera-t-il pour mener une recherche ? Le ton rassurant de la note ministérielle ne suffit pas à lever les doutes.
Enfin, il est fait allusion, sans aucune autre précision, à la « mise en place de passerelles entre différents parcours » à l’issue des deux premiers semestres. Passerelles vers quelles autres formations ? Celles-ci existent-elles ou seront-elles improvisées le moment venu ? Les deux ministères font comme si ces questions ne se posaient pas, annoncent des écoles qui ne se limiteront pas à la formation d’enseignants et demandent aux universités de tracer elles-mêmes le chemin. Ce n’est pas la note du 10 avril de la DGSIP (6) sur les mentions de master qui leur permettra d’y voir plus clair. Certes, cette note-ci introduit une mention : « Pratiques et ingénierie de la formation » qui « a pour objet de diversifier les débouchés de la formation au-delà des emplois à pourvoir dans l’Éducation nationale ». Mais, en dehors du numérique et de la formation de publics spécialisés (comme les « séniors »), elle ne donne guère d’exemples consistants de ces « autres débouchés ».
Cette deuxième partie entretient le flou et les approximations sur un grand nombre d’éléments en lien avec l’architecture des masters que les universités cherchent à élaborer dans la perspective d’un passage imminent devant leur CEVU, puis leur CA. Alors que la rentrée est bientôt là, ces éléments de « cadrage » n’aident pas vraiment les équipes pédagogiques à faire ce travail. Avec une « architecture » aussi lâche, tout se passe comme si les ministères s’accommodaient par avance d’une très grande disparité interacadémique, voire interuniversitaire.
La troisième partie, sur « les stages », rappelle l’importance de ceux-ci comme éléments centraux de la formation dont « les modalités sont définies par une circulaire annuelle », autre élément qu’il faudra attendre. Ils peuvent être « précédés par des activités de sensibilisation dès la licence » ou par « des stages de découverte de l’ensemble des métiers mis en œuvre au sein des établissements scolaires du premier et du second degré comme c’est le cas pour le dispositif d’Emploi d’Avenir Professeur ». Les conditions d’accompagnement des « bénéficiaires » des EAP ne sont pas précisées. La note n’invite même pas les recteurs et les universités à organiser cet accompagnement.
Le « temps du stage » en responsabilité « doit être conciliable avec la formation de master ». Cette phrase est très surprenante : tandis que les responsables ministériels ont toujours parlé d’un mi-temps, cette note laisse entendre que cette durée pourraient être modulée. Quelle serait alors la variable d’ajustement ? Mais il se pourrait que les auteurs envisagent la répartition des journées de stage dans la semaine. Il conviendrait que les deux ministères clarifient rapidement ce point.
Il est indiqué que les stagiaires bénéficieront d’un tutorat. La nouveauté est dans l’affirmation selon laquelle ce tutorat est effectué par un binôme reliant « la structure d’accueil à la structure de formation ». On ne peut que se réjouir de cette clause. Elle constitue en effet une des conditions de la qualité de la formation (elle fait partie des exigences mentionnées dans le projet du GRFDE). Mais ces stages et les modalités de la mission confiée à ce tutorat en binôme feront l’objet de conventions et les conventions-types sont encore à venir.
Rien n’est dit sur l’articulation entre les stages et la formation disciplinaire, didactique et pédagogique, alors qu’il s’agit là du point le plus crucial dans la perspective de la formation professionnelle des enseignants. Il n’y a, dans ce passage, aucune référence à l’initiation à la recherche, alors que dans la partie suivante, il est dit que le mémoire « prend appui sur le stage en alternance » auquel il est très lié pour la validation du master.
Enfin, alors que cette note de cadrage s’adresse aux présidents d’université et aux recteurs, on attendait qu’elle pose quelques conditions concernant le choix des lieux de stage par les services académiques. Il n’en est rien et c’est un autre motif d’inquiétude. Ce choix devrait en effet s’inscrire dans une logique de formation. Rappelons que, sur ce sujet, le GRFDE a proposé l’amendement suivant au projet de loi : « Les stages en responsabilité […] ont tous une visée de formation. Les services académiques, dans le cadre de conventions conclues pour la formation des enseignants avec les ÉSPÉ et les autres composantes universitaires, proposent donc les lieux et conditions de stage les plus adaptés aux objectifs de formation. Durant leur stage, qu’il soit filé ou massé, les stagiaires y remplacent des enseignants titulaires à qui l’administration propose simultanément soit des stages de formation continue soit, pour la même durée, des missions pédagogiques au sein de l’établissement scolaire. Les services académiques s’interdisent d’utiliser les stagiaires comme moyen de remplacement d’enseignants en congé maladie ou maternité ou pour compléter l’équipe pédagogique d’un établissement scolaire quand un poste est vacant. » Pourquoi les ministères ne reprendraient-ils pas ces formulations dans une note de cadrage ?
Une quatrième partie intitulée « mémoire de master, stage en alternance et qualification professionnelle » tient en une quinzaine de lignes. Là encore, l’imprécision règne. Le mémoire « doit avoir un contenu disciplinaire et de recherche en relation avec la finalité pédagogique et les pratiques professionnelles ». Il « prend appui sur le stage en alternance et sur d’autres enseignements ».
On trouve dans cette partie l’un des rares éléments chiffrés de ce texte : la validation du stage en alternance confère a minima 20 crédits du master (sur un total de 120 ECTS, dont 60 en M2). N’y a-t-il pas là une disproportion alors qu’il s’agira de la moitié d’un service d’enseignement sur une année complète ? En outre, l’évaluation de la « période d’alternance » pour l’obtention du master doit porter sur le mémoire de master, sa soutenance et l’activité du stagiaire en situation professionnelle. N’est-ce pas confondre des domaines de compétences assez différents ? En tout cas, 20 ECTS, cela paraît faible au regard de tous ces éléments. Enfin, la note dit que « tout ou partie de ces éléments pourra servir de support à l’évaluation de la qualification professionnelle du fonctionnaire stagiaire par l’employeur et sous sa responsabilité ». Cette phrase ne prête-t-elle pas à confusion entre ce qui relève de l’évaluation dans le cadre d’un diplôme délivré par l’université, telle la soutenance d’un mémoire, et ce qui relève de la procédure de titularisation par l’employeur ? Sa formulation peut aussi laisser penser que les critères de qualification pourront varier d’une académie à une autre, ce qui serait une atteinte à l’égalité dans le traitement des fonctionnaires stagiaires.
Pour l’essentiel, ces deux dernières parties ne font que renforcer l’impression de flou qui émanait déjà des deux premières. Au lieu du « cadrage » attendu, on a plutôt le sentiment d’assister à l’effacement du cadre national de la formation des enseignants.
Seule, la dernière partie sur le « public visé » a le mérite de la précision : « ce texte est applicable aux étudiants inscrits en première année de master MEEF à compter de la rentrée universitaire 2013. Il s’applique aux enseignants stagiaires à compter de la rentrée universitaire 2014 ». Mais l’on ne sait toujours pas où les étudiants de première année de master MEEF devront s’inscrire (en ÉSPÉ, dans une UFR, les deux à la fois ?).
Tout cela rend la réforme difficilement lisible pour les étudiants. Or, il faudrait que le nombre de ceux qui s’inscriront dans les nouveaux masters en septembre augmente de manière spectaculaire pour que l’on puisse entrevoir la fin de la crise du recrutement. Apparemment, on n’en prend pas le chemin. C’est en tout cas ce qu’ont dit les DRH des rectorats lors d’un récent colloque à Paris, très inquiets pour le recrutement des enseignants dans les prochaines années (7) .
Vers la régionalisation de la formation et du recrutement ?
À cinq mois de la rentrée scolaire, les équipes pédagogiques des futurs masters MEEF demandaient des clarifications et des orientations précises pour concevoir ces formations. Elles resteront sur leur faim. Ce que l’on retient finalement de ce texte dit de « cadrage », c’est davantage ce qui n’est pas dit et peut-être même pas encore pensé. Les contradictions et difficultés ne sont pas évoquées. Les auteurs semblent croire que l’harmonie dans les mots suffira à les dépasser. En fait, les acteurs locaux de la formation des enseignants sont contraints de naviguer à vue dans une brume épaisse, tout en espérant qu’au bout du compte — étrange inversion des rôles ! — les futurs textes législatifs et réglementaires s’avèreront conformes aux projets qu’ils sont en train d’élaborer.
Ces bricolages déconcertants, hors de tout cadre juridique, laissent augurer un démarrage difficile, pour ne pas dire chaotique, de la réforme Peillon-Fioraso. Mais il y a peut-être plus grave : si les éléments de cadrage apportés par les prochains textes ne sont pas plus précis et contraignants, cette réforme pourrait faire émerger un paysage très disparate d’une académie à l’autre en septembre prochain. Ainsi, à l’insu de la société, pourrait se défaire l’unité territoriale de la formation des enseignants, ouvrant sur une régionalisation rampante de celle-ci.
La réforme Darcos-Pécresse a ébranlé l’unité de la formation des enseignants. Toutefois, les concours placés en M2 jouaient le rôle d’un cadre national pilotant par l’aval les deux années du master. Avec la réforme voulue par Vincent Peillon, sans cadrage national sérieux des masters et avec des concours placés en fin de première année de master, cette unité résiduelle volerait en éclats, assurément au moins pour la deuxième année de master.
Mais ce paysage ne serait pas forcément pour déplaire à de nombreux responsables politiques qui militent pour une régionalisation de la formation des enseignants inscrite dans la loi, incluant celle de tous les concours de recrutement.
Devant ces périls, le GRFDE appelle les parlementaires à se saisir du fond du dossier et à promulguer les amendements qu’il leur a soumis le mois dernier (8). Ils inscriront ainsi dans la loi une réforme de la formation des enseignants digne de ce nom, qui ferait honneur à la tradition pédagogique et universitaire de notre pays, qui assurerait l’égalité de tous les candidats au métier et, par là même, celle du service public d’éducation sur tout le territoire.
Groupe Reconstruire la Formation Des Enseignants (GRFDE)
Notes :
1. À lire ici :
http://grfde.eklablog.com/une-note-du-men-mesr-qui-demande-deb[…]
2. À lire ici :
http://www.cdiufm.fr/positions-publiques/article/ecole-et-formati[…]
3. Toutefois, en deuxième année, selon les indications déjà données officiellement, le stage durera 50 % de l’ORS au lieu de 33 à 40 % avant 2009. Il faut lui ajouter en outre l’obligation de mener une recherche qui n’existait pas à cette époque.
4. Note 2012-28 à lire ici :
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2012/87/3/DEPP-NI-20[…]
5. Selon cette note, « près de 80 % des lauréats de 2011 avaient déjà tenté le CRPE en 2010. »
C’est ce que montre aussi la note citée ci-dessus : « Les ”redoublants” réussissent mieux… ».
6. http://grfde.eklablog.com/une-note-du-mesr-sur-les-mentions-du[…]
7. http://iufmparis.canalblog.com/archives/2013/04/06/26855287.html
8. Pour connaître les 7 amendements proposés par le GRFDE :
http://grfde.eklablog.com/le-grfde-propose-sept-amendements-au-projet-de-loi-d-orientation-a79858273
Nathalie Mons, professeur de sociologie à l’université de Cergy-Pontoise, coordonne le consortium Mados qui propose un dispositif de formation à distance pour les personnels d’encadrement de l’Education Nationale. Ce Master va recruter sa cinquième promotion pour la rentrée 2013. Elle dresse ici un bilan d’une formation lancée en 2009, en partenariat avec cinq universités et l’ESEN, une formation originale dans l’univers universitaire.
Le consortium Mados a lancé le programme ce programme de formation en 2009 et désormais vous engagez le recrutement de votre cinquième promotion, de quoi s’agit-il ?
Mados est une formation continue universitaire de niveau Master destinée aux personnels d’encadrement de l’Education nationale (chefs d’établissements, inspecteurs…) qui est dispensée par un consortium d’universités en association étroite avec l’ESEN. Nous nous appuyons donc sur la force de cinq universités (Angers, Lille 3, Lorraine, Paris-Est Marne-la-Vallée et Poitiers) qui avaient déjà développé des masters en présentiel pour les chefs d’établissement et sur l’expertise de l’ESEN en ingénierie pédagogique. D’autres universités vont rejoindre le consortium, Limoges qui est en pointe sur le e-learning et Cergy-Pontoise, qui a des compétences fortes dans le secteur de l’éducation. L’originalité de Mados est d’être une formation dite hybride, c’est-à-dire qu’elle croise e-learning et regroupements en présentiel. Il s’agit d’une formation pluri-disciplinaire, elle allie des enseignements en science de gestion, psychologie, science politique, sociologie, anglais, droit, communication pour les TICE… C’est donc une formation multi-institutions, pluri-disciplinaire et en e-learning, Mados est un ovni dans le monde universitaire.
C’est innovant, est-ce que cela fonctionne pour autant ?
C’est également un OVNI par son taux de diplomation qui contraste fortement avec ceux qui existent dans le e-learning. Environ 80% des étudiants qui sont accueillis dans Mados sont diplômés, c’est le constat que nous posons suite aux deux premières promotions. L’équipe pédagogique a elle-même été étonnée d’obtenir de tels résultats dès les premières années, car le e-learning est caractérisé par des taux de diplomation qui reste relativement faibles du fait de taux d’abandon élevés. Dans Mados moins de 10% des étudiants abandonnent, il est possible aussi pour eux de passer d’une promotion à une autre en cas de difficultés ponctuelles, familiales ou professionnelles, et ces rattrapages fonctionnent.
Comment maintenir la motivation et l’engagement dans une formation à distance ?
Mados propose un modèle pédagogique innovant, cette formation a été pour nous un laboratoire. Cette pédagogie numérique présente plusieurs caractéristiques. Le e-learning repose sur la mise en activité des étudiants autour d’études de cas, de jeux de rôle, d’enquêtes de terrain… qui sont toujours en lien avec leur activité professionnelle. La pédagogie Mados est aussi collaborative, les étudiants travaillent dans un groupe de travail resserré de quatre-cinq étudiants, ce qui permet d’éviter l’isolement et l’abandon. Le recrutement des étudiants est national, ce qui permet des échanges entre pairs autour des pratiques qui se développent dans toutes les académies. Je crois que les étudiants apprennent ainsi autant des ressources et de l’encadrement mis à disposition par les enseignants, qui sont très présents à travers mails, forums, classe virtuelle que de leurs groupes de pairs. Au-delà d’une expertise métier plus pointues dans de nombreux domaines – droit de l’éducation, pratiques d’évaluation, conduite du changement, RH…. – les étudiants apprennent aussi une posture dans Mados : la collaboration, la délégation, la construction d’un consensus… ce qu’ils reproduisent par la suite dans leurs échanges professionnels, une fois sortis de la formation.
Alors que l’on parle beaucoup des Mooc actuellement, ces cours universitaires à distance réunissant beaucoup d’étudiants, je crois que votre philosophie est différente ?
Oui, c’est une dernière caractéristique de Mados : un fort encadrement à distance. Aux côtés des enseignants très présents, un référent technique s’occupe de tous les problèmes de logistique, un directeur des études veille au cursus de chaque étudiant, avec qui il a un entretien téléphonique tous les quatre mois. Sur ce dernier poste nous embauchons des madossiens, c’est le nom que se donnent nos étudiants.
Comment évolue le nombre d’inscrits à cette formation ? Qui sont-ils ?
Il s’agit d’une formation inter-catégorielle, qui permet d’établir le contact et le dialogue, hors des hiérarchies traditionnelles entre chefs d’établissement, inspecteurs, gestionnaires, mais aussi entre les premier et second degrés. Ce dialogue, cette confrontation des idées entre des mondes, qui ne sont pas toujours très ouverts les uns aux autres, est une des richesses de la formation. J’aimerais que l’on puisse s’ouvrir aux cadres responsables de l’éducation dans les collectivités locales ainsi qu’à ceux du mouvement associatif. Chaque année, entre 25 et 30 étudiants entrent dans la formation, sur un vivier de candidats deux fois plus importants. Plus de 200 étudiants sont passés par Mados.
Ils sortent diplômés de la formation mais qu’en font-ils après ?
C’était dès le début une de nos interrogations et une de nos préoccupations : créer une formation universitaire réellement professionnalisante pour les cadres de l’Education Nationale. Pour voir si cet objectif était atteint, nous avons donc réalisé une évaluation auprès des étudiants de la première promotion 18 mois après la sortie de la formation. 81% des étudiants nous disent qu’ils mettent en pratique les acquis de la formation dans leur vie quotidienne professionnelle régulièrement ou occasionnellement.
Qu’apporte concrètement la formation ?
Selon nos étudiants, outre des compétences métiers très pointues (en droit, en évaluation de dispositifs éducatifs, en techniques de conduite de projet, en RH…), ils mettent en avant deux acquis majeurs de la formation. Premièrement une meilleure compréhension des enjeux pédagogiques, juridiques, sociologiques, politiques… du système éducatif, une meilleure compréhension des réformes qu’ils doivent mettre en place, de leur place dans l’institution, du sens des politiques, sens qu’ils doivent transmettre à leurs équipes. Ils soulignent aussi qu’ils acquièrent dans Mados de nouvelles pratiques d’animation d’équipe et de collaboration avec leurs subordonnés, d’autres corps professionnels ou leurs supérieurs. Du coup nos Madossiens sont très sollicités dans la grande majorité des académies, les équipes rectorales leur proposent de participer aux équipes de formation, d’animer certaines missions… Dans l’évaluation que nous avons conduite auprès de la première promotion, 66% nous disent que la formation a eu un impact sur leur carrière.
Voyez-vous d’autres effets de la formation ?
Oui, les étudiants rentrent dans une dynamique d’apprentissage. 100% nous disent, dans l’évaluation conduite, qu’ils continuent à apprendre sur les sujets qu’ils ont abordés lors de la formation. Et nous avons été étonnés de constater qu’il était vrai qu’ils retournaient régulièrement consulter le site internet de la formation qui leur demeure ouvert après que la formation soit achevée. Pour la première promotion, 85% se sont connectés au site pour continuer à consulter les cours -les revoir, les approfondir… – la première année suivant la fin de la formation et encore 65% la seconde année. Nous observons les mêmes comportements pour la seconde promotion. C’était un de nos paris en lançant Mados : proposer un contenu pluri-disciplinaire qui les initierait à un ensemble de connaissances, compétences sur des champs variés et leur donnerait envie ensuite d’aller plus loin en autonomie. D’ailleurs durant la formation, ils se plaignent souvent de ne pas avoir assez de temps pour approfondir tous les sujets, je leur dis toujours que cette frustration est positive.
Quelle est la composition de l’équipe pédagogique ?
Elle mixe universitaires et professionnels du secteur qui travaillent en collaboration. Par exemple, dans le cours sur l’évaluation que je dirige le Mr PISA de la DEPP intervient pour décortiquer, démythifier cette enquête internationale, ce qui passionne évidemment les étudiants, un collègue qui dirige un service juridique académique participe au cours de droit… Nous avons choisi les membres de l’équipe pédagogique sur leurs compétences professionnelles, ce sont des pointures dans leur secteur, par exemple Antony Taillefait est la référence française en droit de l’éducation, Anne Barrère et Yves Dutercq sont reconnus en sociologie de l’éducation, Anne Jorro sur l’évaluation, Jean-François Cerisier, spécialiste des TICE est vice-président de son université sur le numérique… Des collègues étrangers reconnus à l’international interviennent aussi directement dans les cours : Claude Lessard, universitaire, qui dirige l’équivalent du HCE canadien, Christian Maroy de l’université de Montréal est aussi intervenu… Dès le début nous avons voulu créer une formation francophone et non exclusivement franco-française. L’objectif dans Mados est toujours d’ouvrir grand portes et fenêtres de la formation. C’est un des atouts du e-learning, les étudiants et les enseignants ne sont pas recrutés sur un territoire restreint, dans Mados, ils se recrutent même au-delà du territoire français. Chaque année nous avons des étudiants en poste dans des lycées français à l’étranger, qui font découvrir aussi d’autres systèmes éducatifs aux pairs de leur promotion.
L’équipe pédagogique est-elle aussi constituée de pros des TICE, on sait que les enseignants dans le supérieur sont réticents à entrer dans le numérique pédagogique ?
Aucunement, les membres de l’équipe pédagogique ont été recrutés sur leur expertise professionnelle et non sur leur maîtrise des TICE. Et en plus nous leur avons demandé de fabriquer un cours en e-learning et de l’animer, alors que souvent dans les universités, il y a d’un côté l’universitaire qui apporte son expertise et de l’autre le service TICE de l’université qui transforme cette expertise en cours numérique. Mettre ainsi les universitaires au cœur de la production des contenus pédagogiques a été possible parce que dans Mados, nous avons fait le pari de la formation des universitaires, une formation action.
Comment avez-vous procédé pour cette formation ?
Ils ont suivi des séminaires de pédagogie numérique, puis ils ont été assistés par des formateurs spécialisés dans les TICE pour créer le scénario pédagogique de leur cours et ensuite pour animer leur cours. Nous avons ainsi offert aux universitaires et autres intervenants un contexte stimulant intellectuellement – être aidé pour changer de pédagogie – et rassurant. Se lancer dans le numérique est une expérience éminemment déstabilisante pour un enseignant, entre autres parce que le lien visuel qu’il établit traditionnellement avec ses étudiants est rompu, la logique pédagogique traditionnelle, souvent expositive, est rompue… c’est une expérience intellectuelle mais aussi sensorielle tout à fait singulière. La première année, nous avons passé des heures au téléphone a réconforté nos collègues qui perdaient tous repères professionnels à travers cette nouvelle pédagogie numérique. Mais ils ont tenu le coup et désormais nombre d’entre eux ont importé dans leurs universités les pratiques apprises dans Mados. Nous posons ainsi quelques pierres de l’université du futur. Depuis le début de l’aventure le turn over de l’équipe pédagogique ne dépasse pas 10%, ce qui est très rare en e-learning, principalement départ à la retraite et départ à l’étranger. Les professeurs sont très fidèles au dispositif. Mados est un cadre dans lequel nous discutons de pédagogie universitaire, ce qui, il faut le reconnaitre, est assez rare à l’université en France. Quand je vais donner des cours en Belgique, en Angleterre… je me rends compte combien les échanges entre collègues sont plus nombreux sur le sujet.
Combien de temps a-t-il fallu pour créer cette formation ?
C’est une expérience de longue haleine, nous avons mis près de deux ans à produire les cours e-learning, choisir et développer toute l’architecture technique – nous sommes sur une plateforme libre Moodle -, constituer l’architecture juridique du dispositif – depuis les conventions créant le consortium jusqu’à l’élaboration des contrats d’auteurs -, réunir les fonds nécessaires à des développements qui sont onéreux, sans compter le test du dispositif… C’est une aventure passionnante mais très chronophage, c’est l’œuvre d’une équipe d’universitaires très investie. Cet investissement très important explique aussi les fortes réticentes de la part des universitaires, face aux engagements dans les dispositifs de e-learning, qui sont très peu valorisés dans la carrière universitaire.
Le ministère engage le déploiement du numérique dans l’Ecole. Cette dimension est-elle prise en compte dans la formation ?
C’est doublement pris en compte, à la fois parce que la formation est à distance – donc ils apprennent les TICE en apprenant par les TICE – et parce que le cursus comprend une formation spécifique aux TICE très solide.
Des enquêtes récentes (Debarbieux, Depp) montrent un vrai décalage entre les chefs d’établissement et les personnels, entre métier rêvé et métier réel. Votre formation prend elle en charge ces réalités ? Quelle conception du métier propose-t-elle de découvrir aux étudiants ?
Dans une formation universitaire, c’est clairement le métier et le quotidien réels de nos étudiants qui nous intéressent. La posture universitaire n’est pas normative mais bien celle de l’analyse, de la distanciation, de la compréhension de la complexité des situations professionnelles. Pour permettre aux professionnels d’avancer réellement, nous devons analyser avec eux les difficultés, les résistances, les désillusions qu’ils rencontrent dans leur métier pour qu’ils les comprennent et les dépassent. Par exemple, quand les étudiants arrivent dans la formation, nombre d’entre eux expliquent la difficulté à mettre en œuvre les réformes par l’immobilisme enseignant, quand ils repartent de Mados, ils ont les clefs pour avancer avec leurs équipes pédagogiques parce qu’ils ont compris les ressorts du changement.
Quelles sont les perspectives de développement de Mados ?
Compte tenu du succès de l’expérience, il nous est demandé aujourd’hui par les académies et l’ESEN de développer des formes d’enseignement qui pourront accueillir davantage d’étudiants. Nous travaillons donc actuellement avec toute l’équipe pédagogique du consortium au développement d’une forme modulaire de Mados, qui prendrait la forme de Diplôme universitaire (DU). Les étudiants pourront ainsi ne suivre qu’un seul DU (DU RH, DU TICE, DU Conduite du changement, DU institution avec un cours de droit et de politique éducatives…) ou les cumuler sur plusieurs années pour aboutir à une certification finale de niveau master. Cette offre de formation sera proposée dès la rentrée 2014, après avoir été testée lors du premier semestre 2014. Les effectifs accueillis seront beaucoup élargis et notre modèle pédagogique va évoluer à la marge. C’est encore une nouvelle aventure pédagogique.
M@dos
http://www.esen.education.fr/?id=1071
Deux textes définissent l’affectation des professeurs stagiaires en 2012 et les conditions de travail des contractuels admissibles recrutés en 2013.
Affectation des stagiaires à la rentrée
Le B.O. du 18 avril publie la circulaire sur l’affectation des lauréats des concours 2013 du second degré. Le texte prévoit le calendrier et décrit les critères d’affectation. La procédure commence le 2 mai.
La procédure connait deux phases ;: interacadémique et académique. Du 2 mai au 16 juin, les enseignants stagiaires doivent impérativement saisir leurs voeux sur la plateforme Sial. Le ministère ouvre une hot line pour les aider. Ils émettent chacun 6 voeux au maximum classés par ordre de préference décroissante. Les demandes seront ensuite classées en tenant compte de la situation familiale, du handicap, du rang de classement, de la réussite à l’agrégation et surtout d ela situation comme fonctionnaire. En effet la réussite au concours réservé accorde 950 points, être lauréat contractuel 500 points, être titualire d’une autre fonction publique également. Un handicap apporte 1000 points. Par contre le rapprochement de conjoints n’apporte que 150 points, être dans les 10% les mieux notés au concours 150 points également. Les différentes académies sont classées selon un tableau inclus dans la circulaire.
A partir du 5 juillet, chaque stagiaire pourra connaitre son académie d’affectation Chaque académie communiquera alors les démarches à faire pour cette nouvelle phase d’affectation. La circulaire ne dit donc rien des conditions réelles d’exercice des nouveaux stagiaires.
Un décret adopté en CTM le 16 avril exonère les stagiaires aux concours 2012 et 2013 de la détention des certificats CLES et C2i à condition qu’ils suivent une formation dans les 3 ans.
Affectation stagiaires
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?c[…]
Les conditions d’emploi des admissibles 2014
Le CTM du 16 avril a examiné un projet de circulaire sur les conditions d’emploi des admissibles contractuels aux concours 2014, c’est à dire les admissibles au second concours 2013. Ils devront effectuer 9 heures d’enseignement par semaine dans le premier degré et 5 à 7 heures dans le second pour une rémunération de 854 euros bruts par mois. Les titulaires d’un M2 bénéficieront d’une majoration horaire (de 63 à 95 euros).
Sur le site du Café
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