Marie-Joëlle Gorisse est conseillère technique auprès de la Direction générale de l’action sociale depuis janvier 2005. Elle a travaillé dans différents secteurs, de l’entreprise aux collectivités locales en passant par celui des associations internationales. Ce parcours de terrain qui fut le sien avant d’entrer au service de l’Etat est un atout pour accompagner sans perdre sa hauteur de vue les dossiers qui lui sont confiés. Et parmi les chantiers qu’elle suit (mise en place du nouveau diplôme d’état d’assistant de service social, professionnalisation du secteur de la médiation sociale, développement social local, …) s’est glissée la réforme du baccalauréat SMS.
Marie-Joëlle Gorisse ne connaissait pas le baccalauréat sciences médico-sociales : c’est donc un regard neuf qui s’est ouvert sur notre section, porteur de la réflexion du ministère des affaires sociales. Elle a accepté de nous présenter son point de vue sur le projet de réforme.
« J’ai découvert le baccalauréat de sciences médico-sociales par l’intermédiaire du groupe de travail sur la réforme, composé d’enseignants, d’inspecteurs, et animé par Madame Ravary, inspectrice générale. J’ai beaucoup apprécié la qualité de la réflexion de ce groupe, son ouverture sur les problématiques sociales, et celle du pilotage, précis, constructif.
Le projet que nous avons construit ensemble est très exigeant, il va nécessiter des enseignants une posture particulière, un travail en partenariat avec les institutions de terrain. Je crois que c’est un bon projet.
Ce que je retiens comme ligne de force de ce projet ?
Je le déclinerai en cinq axes forts.
Le premier de ces axes est la préparation des élèves à un engagement citoyen, au travers de la transmission de valeurs humanistes, de la réflexion éthique. L’un et l’autre sont présents dans le référentiel que nous avons élaboré. Il s’agit de former de futurs adultes.
De plus, je crois qu’inscrire ces jeunes, futurs travailleurs sociaux pour une partie d’entre eux, dans la vie citoyenne est important : ils auront à travailler sur le lien social, ses fragilités, ses zones de ruptures. Qu’ils s’y engagent en conscience de la citoyenneté est essentiel.
C’est un projet qui tente aussi de répondre, dans le champ qui est le sien (la pédagogie), à une des dérives de notre société : la consommation passive et la tendance au zapping.
Ici, dans le projet que nous avons construit, les élèves sont engagés dans une coresponsabilité à l’égard de l’apprentissage. C’est leur affaire, pas seulement celle du professeur. Ce dernier va les engager dans une analyse critique d’ une situation, une problématique dont il s’agira de comprendre le sens en tenant compte des enjeux historiques (comprendre le mouvement qui s’est engagé à un moment précis de l’histoire) et des enjeux actuels (quel processus pour répondre à quelles difficultés, dans quel contexte, quel rapport de force, …). Cette réflexion doit les guider vers une position active, responsable.
Le travailleur social doit avoir une approche globale des problèmes : il ne s’agit plus seulement de lutter contre la pauvreté, mais de mener bataille contre la grande exclusion. Et celle-ci impose une lecture pluridisciplinaire des processus actifs, des facteurs agissants.
Des activités interdisciplinaires sont inscrites dans le projet de réforme et devraient aider à développer chez les élèves ce regard croisé si précieux pour l’analyse des problèmes sociaux.
Un quatrième axe fort de ce projet est le développement d’outils d’analyse transposables d’un champ, d’un groupe d’usagers, d’une situation à une autre. Il faut aider les futurs professionnels à s’approprier des outils efficaces, à être capables de les adapter, et le projet de référentiel engage les élèves dans ce travail de transposition. Cette lecture ne peut être rationnelle que portée, encadrée par une méthodologie précise.
Le projet de référentiel prend en compte cette exigence :
– La méthodologie de projet y est abordée.
– Le travail d’argumentation fait partie intégrante de l’étude des thèmes médico-sociaux.
Les activités prévues, la démarche attendue ont comme objectifs d’aider les élèves à développer l’esprit critique et la réflexion sur leur propre pratique.
Il s’agit bien d’aller vers une parole libérée, garante d’un travail social de qualité.
Et puis, pour finir, je crois que le référentiel que nous proposons est construit de manière à permettre de valider (ou non) le projet professionnel des élèves, voire de le suggérer pour ceux qui n’auraient pas envisagé dès le départ une trajectoire à visée professionnelle dans le domaine social et sanitaire.
Le projet de réforme est équilibré entre le secteur social et le secteur de la santé. Il nécessitera un travail de partenariat important avec les institutions de terrain pour que l’enseignement donné soit le plus proche possible de la réalité du fonctionnement des structures, des problématiques rencontrées afin d’éveiller les élèves, avec le plus de justesse possible, à ce que pourra être leur futur métier.
Cette réforme, si elle aboutit, ce que je souhaite, nécessitera un accompagnement important des enseignants en termes de formation. Elle implique une rupture à la fois dans le contenu, les objectifs, la construction didactique et dans la posture pédagogique.
C’est un projet ambitieux, qui a du sens pour la formation de futurs professionnels du champ médico-social.
Vous m’avez demandé comment je pourrais définir la culture médico-sociale dans l’objectif de pouvoir mieux cerner ce qui est le centre de la formation de vos élèves, afin d’aider à ce que soit mieux identifiée la section médico-sociale, à favoriser sa promotion.
Je ne crois pas que le terme de « culture » soit le plus adapté. C’est une approche trop enfermante.
Je parlerais plutôt de la présence dans le domaine médico-social de valeurs éthiques fortes : le respect de la personne, la promotion des différences, de toutes les différences. Il s’agit de faire avec la personne, elle doit être au centre de notre action. Le professionnel n’est qu’un outil au service de son projet. Et ces valeurs, nous les trouvons tout autant dans le secteur social que dans celui de la santé, du côté des concepts de la santé publique, et particulièrement de la santé communautaire.
C’est cette posture qu’il faudra transmettre, valoriser chez vos élèves. Et je crois que le projet que nous avons élaboré est un cadre tout à fait adapté pour cela. »
S’il va être difficile d’attendre sans impatience que reprenne le mouvement de réforme et que nous soyons consultés sur le projet de référentiel, ce que Marie-Joëlle Gorisse nous a exposé est enrichissant de multiples manières :
– il nous permet d’avancer dans la connaissance du projet et nous en avions faim ;
– il est stimulant :
un tel projet, ainsi qu’il nous est décrit, répond à beaucoup de nos attentes : engager les élèves dans un travail d’analyse et de réflexion, leur donner des outils méthodologiques transférables, les préparer à une étude critique tant des possibilités de réponses que de leur propre pratique, …
– et enfin, il nous donne la possibilité de réfléchir au sens de notre enseignement, de la formation que nous voulons donner à nos élèves :
s’il est indispensable que nous soyons consultés sur le projet de référentiel et que nous en discutions, la valeur de la réforme tiendra d’abord, c’est notre avis, au sens que nous saurons donner à la formation de nos élèves : quels adultes et quels professionnels du champ sanitaire et social souhaitons nous pour demain ?
Tous mes remerciements à Marie-Joëlle Gorisse pour sa disponibilité et la richesse de son analyse. ML