Les classes relais ne doivent pas être des lieux de relégation. Professeure en classe relais pendant 15 ans, Monique Argoualc’h a développé des dispositifs pédagogiques pour réconcilier les élèves avec l’Ecole et leur redonner confiance en eux. Elle témoigne de cette expérience dans un petit livre préfacé par Philippe Meirieu. Elle nous parle de son expérience.
Vous avez choisi d’enseigner en classe relais, des classes souvent vues comme des espaces de relégation. Comment avez vous évité cette malédiction ?
C’est vrai que c’est un choix. Avant la classe relais j’ai enseigné en Segpa. J’ai toujours été avec les élèves pour qui l’Ecole n’est pas une évidence. Mais il y a une différence entre les segpa et les classes relais. En Segpa les élèves ont des difficultés d’apprentissage installées. Les élèves des classes relais ne les ont pas. Cela m’a interpellé de travailer auprès d’eux et de voir ce qui est possible.
Les classes relais ont été inventées pour débarrasser les collèges des élèves remuants. Vous avez évité la relégation ?
Ici à Brest on a essayé de l’éviter. On a choisi de fonctionner en temps partagé. Les élèves ne venaient en classe relais que 2 ou 3 demi journées par semaine. On devait donc travailler avec les collègues des collèges d’origine des élèves pour changer leur comportement. C’ets quelque chose qui nécessite du temps… On n’a jamais lâché sur cette organisation même quand ce n’était pas facile pour les collègues.
Pourquoi choisir d’enseigner en classe relais ?
C’est un défi de trouver comment faire avancer les élèves pour qui le circuit ordinaire ne convient pas. Ca oblige à interroger ses pratiques à chercher à répondre aux besoins des élèves.
Dans l’ouvrage vous montrez plusieurs dispositifs que vous avez crée. Par exemple « intergénérations ». Quel intérêt pour ces élèves ?
Ces élèves avaient tous des histoires différentes de décrochage. Mais tous se sentaient incapables de réussir et d’apprendre. J’ai cherché un projet qui pourrait leur donner confiance en eux tout e étant en lien avec le socle commun et en incluant la culture numérique , qui était nouvelle à l’époque. Tout cela a fait émerger le projet en 2003.
Avec Intergénérations les élèves devenaient formateurs numériques auprès de personnes agées en maison de retraite. Avant d’y aller ils recevaient une formation à l’utilisation d’internet et une autre sur l’accompagnement de personnes âgées. Et ils faisaient des ateliers d’une heure en Ehpad équipés par la ville de Brest. Chaque élève s’occupait d’une ou deux personnes et les accompagnait dans leur montée en compétence numérique. Des retraités du quartier sont venus aussi avec des demandes plus larges, ce qui a conduit les élèves à monter eux aussi en compétences. Les élèves préparaient des supports de formation.
Passer de l’autre coté du bureau cela avait un impact pour ces élèves ?
C’est terrible. Quand ils faisaient cours il se trouvaient avec des personnes qui allaient dans tous les sens. Ils vivaient en écho ce qui se passe au collège. Un autre aspect important c’est aussi qu’ils détenaient un savoir. Ils avaient un role de formateur. Ils reconquéraient de l’estime de soi. Cela permettait aussi de raccrocher les parents qui pouvaient être fiers de leur enfant.
Mais peut on vraiment changer le rapport à l’Ecole ?
C’est compliqué. On sème. Je constate que 3 années après leur sortie de classe relais certains avaient décroché. Mais la vraie évaluation c’était leur présence en classe relais. Il y avait très peu d’absences. Et la situation s’apaisait aussi au collège. Ils se rendaient compte qu’ils avaient une capacité à apprendre.
Dans un autre projet vous avez introduit la robotique. Pour quoi faire ?
On a acquis un robot Nao pour en faire un vecteur de lien social. Avec les élèves on s’est demandé ce qu’on allait faire de ce robot. Et avec l’aide d’élèves d’une école d’ingénieurs et de designers on a discuté pour réaliser des scénarios pédagogiques où le robot interagit avec des personnes agées. C’était une nouvelle rencontre improbable entre les élèves de la classe relais et ceux de l’école d’ingénieurs.
Au moment de prendre sa retraite, un enseignant a acquis beaucoup de savoir faire, de compétences fines. Comment garder ce trésor ? Est ce le but de ce livre ?
Ce livre veut montre qu’il est possible de faire des choses avec ces élèves. Il veut changer le regard sur eux et ainsi participer au débat sur le décrochage. C’est un livre accessible à tous.
Propos recueillis par F Jarraud
Monique Argoualc’h, Les décrochés de lécole. 15 ans à leurs cotés.
L’ouvrage de M Argoualc’h est disponible dans les librairies de Brest ou auprès de l’autrice relais@argoualch.fr