Dans un entretien donné à l’AEF, le ministre de l’éducation nationale confirme qu’il va suivre les recommandations du rapport Weil pour « instaurer de véritables régions académiques ». La réforme territoriale sera terminée en 2020. A cette date, les académies actuelles seront remplacées par des nouvelles académies calquées sur les grandes régions, comme le rapport Cap22 le recommande. Le rapport Weil avait fixé l’horizon 2021 pour cette réforme mais le ministre a décidé d’aller plus vite.
Longtemps très centralisé, le système éducatif français s’est territorialisé depuis les lois de décentralisation, de 1982 jusqu’à la récente loi NOTR. En 2015, avec la naissance des nouvelles régions, l’Education nationale a fait exception en gardant ses anciennes académies. Mais elle les a chapeautées avec des « recteurs de région académique » correspondant aux 13 nouvelles régions métropolitaines. JM Blanquer a fait un pas supplémentaire. Un décret publié en novembre 2017 autorise un recteur de région académique à administrer plusieurs académies, légalisant une situation de fait en Normandie.
Un passage progressif vers 13 académies
Le rapport Weil estime que le passage vers les 13 nouvelles académies » doit se faire selon des scénarios différents selon les régions académiques concernées et en tenant compte des contraintes spécifiques à chacune ». L’originalité du rapport est justement de proposer des scénarios concrets et datés de passage de 30 à 13 académies, en distinguant 4 régions d’étendue modeste, 4 plus étendues et enfin l’Ile de France.
Dans les 4 régions d’étendue modeste (Bourgogne‐Franche‐Comté, Hauts‐de‐France, Normandie et Provence‐Alpes‐Côte d’Azur) , qui ne comptent que 5 ou 6 départements, le rapport considère que les personnels sont prêts à la fusion. » La fusion des académies avait déjà été envisagée lors de la préparation du décret du 10 décembre 2015 ; elle avait alors provoqué des réactions hostiles de certains personnels et d’élus locaux. Aujourd’hui, même si certaines postures peuvent être inchangées, la mission constate… la grande majorité des acteurs de ces régions académiques ont admis l’idée que les académies auxquelles ils appartiennent sont appelées à fusionner à brève échéance. Les préoccupations des personnels se situent davantage maintenant sur les conditions et les conséquences de cette fusion que sur son principe ».
Le rapport Weil invite les recteurs des régions académiques à élaborer un projet de fusion pour 2019 ou 2020, le projet devant être remis fin 2018. » Il ne s’agit, ni plus ni moins, que de reproduire à l’échelon régional l’organisation académique actuelle sur la base d’un réaménagement des services académiques dans leurs sites respectifs confirmés ».
Dans les 4 grandes régions (Auvergne‐Rhône‐Alpes, Grand Est, Nouvelle‐Aquitaine et Occitanie), » la mise en oeuvre de ce principe implique la conception de nouveaux modes de gouvernance pour maintenir ou renforcer, dans le nouveau cadre, le fonctionnement et la qualité de suivi indispensables ». Les scénarios vont varier selon les régions. Le rapport demande la création d’un vice chancelier des universités et d’un adjoint chargé de l’enseignement scolaire auprès de chaque recteur. Pour mieux gérer les personnels il recommande la fusion des corps d’inspection.
En Ile de FRance, » l’organisation de l’enseignement scolaire dans la région Île-de-France dépendra pour partie de la définition de la métropole du Grand Paris. Selon la configuration choisie, le recteur de la future académie de Paris-Île-de-France pourra prévoir de s’appuyer sur deux à trois adjoints, territorialisés ou non, qui pourraient être directeurs d’académie ou recteurs adjoints. La mission recommande que le recteur de la région académique soit, comme ses collègues, chargé d’élaborer un projet de fusion dont le calendrier pourra différer des autres régions académiques en fonction des annonces liées au Grand Paris, mais sans remettre en question le principe de la fusion ». Seul le territoire des 2 adjoints imaginés par le rapport changerait.
La gestion des enseignants au coeur de la question
Même si le rapport ne le dit pas, la principale justification de la réforme est bien dans les économies réalisée dans la gestion des personnels. Le rapport annonce une totale régionalisation des personnels. » Il est clair que la nouvelle organisation territoriale repose la question de la déconcentration de la gestion des ressources humaines dans des termes nouveaux. Au terme du processus que la mission préconise, les recteurs devront voir renforcer leurs compétences en matière de gestion de personnels avec la déconcentration au niveau académique de tous les actes de gestion, ce qui permettra à l’administration centrale de se consacrer exclusivement à ses tâches de conception, pilotage et régulation ».
Mais les rapporteurs sentent venir les résistances. Ils conseillent « dans un premier temps, de ne pas remettre en question les circonscriptions académiques actuelles pour l’affectation des personnels » dans les grandes régions. Dans les petites l’intégration sera progressive.
La réforme aurait d’autres conséquences. « Au niveau départemental, le principe d’organisation « un département – un IA-DASEN » pourrait évoluer », reprenant ainsi une idée émise par le rapport de l’Inspection. « Si, pour des raisons symboliques et politiques qu’il n’est pas nécessaire de développer, il paraît difficile, dans la mesure où chaque département demeure une circonscription administrative de l’État, de créer une inspection académique unique pour deux départements, la mission recommande, partout où les recteurs des nouvelles académies le proposeront et, dans un premier temps, sous forme d’expérimentation, de nommer le même inspecteur d’académie directeur académique des services de l’éducation nationale de deux départements, quand les effectifs d’élèves concernés ou la taille de ces départements le justifient… A l’intérieur des départements, la carte des circonscriptions du premier degré devra faire l’objet d’un réexamen généralisé ».
Les professeurs en première ligne
Ce qui est certain c’est que les enseignants sont au coeur du processus, même s’ils ne le souhaitent pas. C’est la gestion locale des ressources humaines qui permettrait par exemple d’affecter les enseignants au niveau des régions académiques et non plus des académies. Déjà des recrutements interacadémiques de contractuels se mettent en place. En changeant d’échelle la gestion des personnels devrait déjà permettre de réaliser des économies.
Mais elle serait aussi une étape pour une autre gestion. La fusion des corps d’encadrement permettrait de rapprocher le pilotage pédagogique jusqu’au niveau local. Car si la question territoriale a à voir avec la gestion des moyens, elle est aussi un outil pour contrôler et diriger davantage le travail dans la classe.
Pour les syndicats, reçus cette semaine par le ministre, voilà un nouveau sujet de discussion qui s’ouvre. L’Unsa Education a déjà fait savoir qu’il « partage le constat sur les difficultés de fonctionnement ». Mais il « exige que les transformations se construisent avec tous les personnels ».
L’Unsa éducation a immédiatement réagi à cet entretien pour déplorer la forme de communication du ministre qui » n’apporte aucune garantie » aux personnels.
François Jarraud