Par François Jarraud
L’initiative du Sénat, interdire l’usage du portable à l’école et au collège, est-elle pertinente ?
Le Sénat a introduit dans la loi Grenelle II sur l’environnement, un article qui interdit l’usage du téléphone portable dans les écoles et collèges. » Le chapitre unique du titre Ier du livre V de la deuxième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 511-5 ainsi rédigé : » Art. L. 511-5. – Dans les écoles maternelles, les écoles élémentaires et les collèges, l’utilisation par un élève d’un téléphone portable est interdite ».
Ce nouvel article, adopté en commission, a été défendu par MC Blandin. Pour elle, » les désordres liés à l’utilisation prolongée des téléphones portables sont connus, en particulier chez l’enfant, dont l’exposition aux ondes rend la barrière hémato-encéphalique plus perméable, mais aussi au sein de toute cellule vivante, où apparaissent des micro-noyaux dans des proportions supérieures à la normale ». Même si elle a du reconnaître que l’étude à laquelle elle faisait allusion ne concernait pas les téléphones, le Sénat a adopté ce nouvel article par précaution.
Il a aussi accepté des articles réprimant la publicité auprès des jeunes. « Toute communication, quel qu’en soit le moyen ou le support, ayant pour but direct ou indirect de promouvoir la vente, la mise à disposition, l’utilisation ou l’usage d’un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans est interdite… La distribution à titre onéreux ou gratuit d’objets contenant un équipement radioélectrique dont l’usage est spécifiquement dédié aux enfants de moins de six ans peut être interdite par arrêté du ministre chargé de la santé, afin de limiter l’exposition excessive des enfants. »
Si ce texte devait être adopté définitivement, la possession d’un téléphone portable resterait légale. Par contre l’usage, même dans la cour de récréation, serait interdit.
Au Sénat
http://www.senat.fr/cra/s20091007/s20091007_1.html#par_12
Jusqu’où le huis clos ?
A quoi reconnaît-on une mauvaise loi ? Au fait qu’elle n’est pas fondée et qu’elle génère plus de problèmes qu’elle n’en résout. Ces deux critères, le projet de loi sénatorial qui interdit l’usage du téléphone dans les écoles et collèges les remplit parfaitement sans pour autant qu’on en ait terminé avec ses nuisances.
Sur quoi repose cette proposition adoptée à l’unanimité par une commission sénatoriale ? Sur un sondage récent ? Certes, celui-ci montre que 7% des élèves ont pris leur prof en photo; la moitié des élèves ont vu leur téléphone sonner en classe. Mais quelle est la portée de ces chiffres ? On peut les inverser sans difficulté. Plus de 9 élèves sur 10 se refusent à prendre leur prof en photo et ont parfaitement intégré les interdits. Un peu plus d’un prof sur deux a entendu son propre téléphone sonner en classe…
L’argument avancé par la commission sénatoriale est d’abord médical : il faudrait protéger les enfants du danger des ondes émises par les téléphones portables. Les sénateurs reconnaissent finalement ne pas disposer d’études sérieuses sur ce sujet. Ils les attendent. Mais ils nous disent appliquer le principe de protection. Mais, comme on a l’impression que les méfaits des ondes peuvent s’exercer le samedi, le soir de façon plus facile que de 10 à 11 en cours de maths, on est amené à mettre en doute la valeur de cet argument. Si la santé des enfants est en jeu, il faut évidemment interdire en permanence l’usage du portable ou imposer pour les jeunes des portables adaptés (sans haut parleur). A défaut, la loi ne protégera pas la santé des enfants, s’il y a lieu de la préserver. Alors pourquoi ne proposent-ils pas ces mesures ? Une proposition a bien été faite en ce sens mais repoussée par la majorité. Pourquoi ? Parce que les sénateurs reconnaissent qu’elle est inapplicable. Ce sont les parents qui achètent les téléphones portables et qui en prescrivent déjà au départ l’usage. Inutile, la loi s’avère en fait inapplicable…
Puisque cette loi est inutile et inapplicable, que reste –il alors comme motivation aux sénateurs ? Il suffit de lire le compte-rendu de séance pour découvrir les vrais mobiles de cette mesure. Ecoutons M Vasselle : » En tant qu’élus, nous sommes régulièrement interpellés par la population qui exige des mesures réglementaires afin que le bon déroulement des cours ne soit plus perturbé. Il est vrai que l’insécurité dans les établissements scolaires est telle que les élèves ont parfois besoin du téléphone pour appeler au secours… » Ecoutons M Gournac : » Des élèves qui reçoivent des SMS en classe sortent pour rappeler leur correspondant, troublant ainsi la bonne marche du cours ». Ecoutons Mme Panis : » N’oublions pas que certains élèves lisent et envoient discrètement, sous leurs pupitres, des SMS et des MMS : c’est inacceptable ». De quoi débattent-ils ? De questions qui relèvent du règlement intérieur des établissements scolaires. Leur motivation profonde se situe dans leur représentation de l’Ecole publique, assimilée plus ou moins à une jungle.
On comprend alors que cette loi peut déranger l’Ecole. S’il faut éduquer les élèves pour obtenir qu’ils n’utilisent pas le téléphone en cours, comment obtenir qu’ils ne téléphonent pas dans la cour de récréation ? Comment vérifier qu’ils utilisent un lecteur mp3 et non un téléphone ? Comment leur interdire de répondre à un appel de leurs parents ? La loi mettra les équipes éducatives dans une situation impossible et génératrice de tensions.
Mais ce n’est pas son seul défaut. Ce que réclament les sénateurs c’est le huis clos scolaire. L’Ecole doit être un sanctuaire dédié au savoir et au face à face respectueux du maître et des élèves. Cette conception n’est pas pour rien dans les difficultés de l’école et ses problèmes d’efficacité. C’est d’ailleurs cette même vision que les sénateurs déplorent quand il est question par exemple d’orientation.
La vraie question pour l’Ecole n’est pas d’éteindre les écrans et les téléphones. C’est de les utiliser à bon escient en commençant justement par le téléphone, puisque la quasi-totalité des élèves disposent dès le collège de ce terminal numérique. On a là un outil en friche que l’on voudrait abandonner alors même qu’il gagne en puissance et en fonctions. Le vrai progrès ce n’est pas de s’épuiser à entretenir une guerre perpétuelle et perdue d’avance avec les pratiques sociales des jeunes. Mais de jeter les passerelles éducatives qui permettront à l’Ecole d’intégrer ces pratiques dans des stratégies scolaires.
Wapeduc l’école nomade
http://cafepedagogique.net/lemensuel/laclasse/Pages/2[…]
Les chefs d’établissement en désaccord avec le Sénat
« Si la loi pose une interdiction à caractère général, se posera la question de son application. On sait qu’aucun juge, nulle part, ne sanctionnera ce genre de manquement. Et comment vérifiera-t-on cette interdiction, alors que nous avons très peu de personnels de surveillance? Est-ce que surveiller les élèves qui téléphonent dans les cours de récréation est vraiment la priorité? » Dans une déclaration, le SNPDEN , premier syndicat de chefs d’établissement est allé contre l’idée que la proposition de loi interdisant l’usage du portable téléphonique dans les écoles et collèges allait simplifier la vie des directions.
« Le vote du Sénat manque de réalisme quant aux conditions réelles de fonctionnement des établissements. On se fait plaisir à bon compte, mais ça ne changera rien sur le terrain » a déclaré à l’AFP Philippe Tournier, secrétaire général du syndicat. Il a rappelé que les établissements gèrent les portables avec bon sens dans leur règlement intérieur. « C’est peut-être dans les salles de classe que les comportements (concernant l’usage du portable) sont en fait les plus corrects! », a-t-il ajouté.
Dépêche AFP
http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/[…]
L’édito du 8 octobre : Jusqu’où le huis clos ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/1[…]
Luc Chatel réservé
« L’idée de l’interdire pendant les heures de cours me paraissait tout à fait légitime…, je n’avais pas souhaité forcément l’interdire au-delà dans l’établissement scolaire, en tous cas au collège » a déclaré Luc CHatel le 8 octobre sur France 3. Il a manifesté ses réserves sur le vote par le Sénat de l’interdiction d’utiliser le téléphone portable dans les écoles et collèges. « Le monde évolue, le monde change.. et une utilisation pendant la récréation ou à des temps d’intercours, c’est un autre débat » estime le ministre.
Dans un communiqué, le Sénat maintient sa position. « L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Agence Française de Sécurité Sanitaire et de l’Environnement (Afsset) ont souligné la nécessité de mener des recherches complémentaires sur les effets sur la santé de l’utilisation des téléphones portables sur une longue durée (supérieure à 10 ans) ainsi que sur la population sensible que sont les enfants. Pour M. Louis Nègre, « l’interdiction d’utiliser le téléphone portable dans les écoles s’inscrit donc dans le cadre de la démarche de précaution qui s’impose pour l’exposition aux radiofréquences émises par le téléphone portable, en l’absence de certitudes scientifiques sur les effets sur la santé ». Une justification qui ne manque pas de nous surprendre.
Déclaration Chatel
http://www.lexpress.fr/actualites/2/luc-chatel-s-interroge-su[…]
Sur le Café : Jusqu’où le huis clos ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/10/08[…]
L’Afsset recommande de réduire l’exposition aux ondes
Le rapport de l’Afsset n’établit aucune nocivité attestée des ondes mais invite à prendre des précautions. Ce devait être l’étude qui trancherait définitivement un débat déjà ancien : celui de la nocivité des fréquences émises par les téléphones portables. C’est en anticipant sur cette étude que récemment le Sénat a interdit l’usage du portable au collège et au primaire.
Or l’étude reste évasive. Elle « met en évidence l’existence d’effets des radiofréquences sur des fonctions cellulaires, rapportés par une dizaine d’études expérimentales considérées par l’Afsset comme incontestables. Néanmoins aucun mécanisme d’action entre les radiofréquences et les cellules pour des niveaux d’exposition non thermique n’a été identifié à ce jour. De même le niveau de preuve épidémiologique concernant des excès de certaines tumeurs reste très limité. A contrario, un nombre important d’études ne rapporte pas d’effet particulier. Au total, le niveau de preuve n’est pas suffisant pour retenir en l’état des effets dommageables pour la santé comme définitivement établis ».
Malgré tout l’Afsset recommande « de réduire l’exposition des enfants en incitant à un usage modéré du téléphone portable ».
Rapport Afsset
http://www.afsset.fr/index.php?pageid=415&newsi[…]
Les ados et leur portable
Les ados sont bien équipés en multimédia révèle une enquête de TNS Sofres pour l’UNaf. 80% des ados (12-17 ans) disposent d’un lecteur MP3, 73% d’un téléphone, 43% d’un ordinateur relié à Internet et 29% d’un téléphone mobile relié à Internet. Cet équipement est à labase de la culture adolescente.
Des pratiques dérangeantes. Si 93% des ados ne prennent jamais leur prof en photo avec leur mobile, 16% ont été harcelés sur le ur portable.
Etude