Le matin même du jour où N. Sarkozy annonçait un « service public de l’orientation », Pascal Charvet, directeur de l’Onisep, nous recevait. Il partage avec nous sa vision du service d’orientation et fait le point sur le déploiement des outils innovants mis en place par l’Onisep au printemps dernier : Mon orientation en ligne et le Webclasseur, devenu maintenant un Passeport pour l’orientation.
La question de l’orientation est arrivée au premier plan des préoccupations nationales avec de nombreux rapports, le vote de la loi sur la formation et le discours du président de la République demandant la création d’un service public de l’orientation. Un syndicat, le Sgen, a demandé que l’Onisep prenne la direction de ce service. Comment voyez-vous les choses ?
L’Onisep s’inscrira dans les décisions ministérielles et présidentielles. Mais il est vrai que par son organisation – une centrale et des branches académiques proches des recteurs et des enseignants – elle a une possibilité de réaction surprenante. Je l’ai découverte par exemple quand nous avons mis en place les plateformes multimédia. Cela s’est fait très vite. On a réuni en peu de temps un catalogue de ressources tout à fait unique.
Alors au moment où on veut rompre avec une vision discriminante de l’orientation, il est naturel que l’Onisep soit mobilisé avec la Dgesco, pour définir une nouvelle offre. On dispose d’un savoir faire unique. Par exemple, l’Onisep dispose grâce à ses documentalistes d’une base de données tout à fait étonnante : 24 000 établissements mis en fiches, 143 000 autres formations. Actuellement on est en effet à un tournant. Il y a une volonté réelle d’avancer.
Certaines régions ont développé leurs propres services d’orientation. Comment va se faire le partage des tâches?
On a la chance d’être très présents localement avec nos délégués régionaux ce qui fait que nous avons des rapports solides avec les régions. Je peux citer par exemple la région Centre, le Nord-Pas-de-Calais où nous travaillons en collaboration étroite. On a trouvé un accord clair avec elles en distinguant ce qui relève du scolaire et du hors scolaire. On a accepté aussi l’idée que c’est à nous d’adapter nos services aux ENT locaux. On garantit aussi le fonctionnement régulier de nos services.
Vous parlez de votre plateforme « Mon orientation en ligne ». Elle a fait sensation à la fin de l’année scolaire précédente. Où en est-on de son déploiement ?
Partant de l’expérience d’Amiens, on va déployer 6 plateformes qui seront des points d’appel pour l’orientation à Amiens, Nantes, Bordeaux, Grenoble, Fort-de-France et La Réunion. Elles recevront les appels des élèves et des parents. Aujourd’hui 60% d’entre eux se font par chat, environ 17% au téléphone (principalement les parents). On a donc réussi avec le multimédia à toucher un public jeune qui n’était pas forcément très bien informé jusque là. Ces appels sont traités par des conseillers d’orientation (COP) et des documentalistes. On ne traite pas toutes les demandes comme cela de façon électronique. Environ un appel sur dix est dirigé vers une rencontre en CIO avec un COP. Ce sont les demandes qui nous semblent les moins construites ou les plus difficiles. La médiation humaine, locale, est toujours indispensable. On souhaite associer sur les plateformes des enseignants volontaires.
Ces plateformes multimédia ont été pour nous une véritable révolution. Avec la géolocalisation, elles nous permettent de rendre visible l’orientation en proposant aux familles et aux enseignants des informations compréhensibles sur l’offre de formation. On peut voir concrètement là où se situe la formation, jusque dans la salle de classe. C’est concret, lisible par tous. Ca sort l’orientation des cercles d’initiés. De façon simple on donne accès à une fiche formation, une fiche établissement, un lien vers le site d’établissement. On va maintenant y intégrer des données sur l’emploi grâce aux chiffres de la Dares. On va faire cela très prudemment. On ne souhaite pas briser les rêves et on ne croit pas en l’adéquationnisme. Mais il est bon de rendre transparentes les tendances que l’on connaît.
Ce que nous permet l’outil multimédia c’est que l’élève soit acteur de son orientation. L’outil parle aux élèves et il est compréhensible par tous.
Le « webclasseur » nous avait séduit l’été dernier. Où en est son déploiement ?
Il est devenu le Passeport numérique pour l’orientation (PNPO). Il est au coeur de notre travail avec les enseignants. On a signé des accords de déploiement avec 22 académies et cette année il sera expérimenté dans 400 à 500 établissements dans le cadre des ENT avant sa généralisation.
Le Passeport parce qu’il est numérique, permet à l’élève de construire son projet d’orientation. Il a accès à un espace d’informations proposées par le professeur ou le CIO. Il s’agit d’information labellisées, vérifiées qui évitent à l’élève de se perdre dans le maquis du web. Il s’agit d’informations accessibles. Par exemple nous venons de signer un partenariat avec les Olympiades des métiers qui disposent d’un ensemble unique de vidéos sur les métiers les plus variés. Cela favorise une démarche active chez les élèves. De la 5ème à la terminale, il peut construire son projet. Il peut tâtonner, revenir en arrière. On pourra, si la décision est prise, certifier les compétences acquises dans ces démarches par les élèves.
Le fait que ce soit multimédia a des conséquences très positives. C’est interactif, c’est le jeune qui construit son projet. On demande généralement à l’élève de choisir au mauvais moment. Là c’est réversible. On va donc vers une orientation positive. Ca dédramatise. Ca ouvre aussi d’énormes possibilités d’information. Or plus l’élève est informé plus il est libre dans ses choix.
Les équipes pédagogiques ont aussi leur espace sur le Passeport. Enfin il y a l’espace de la classe. Le Passeport c’est le livre du maître et de l’élève ensemble.
Justement, quel est l’intérêt pour l’enseignant d’utiliser le Passeport ?
L’enseignant dispose de séquences pédagogiques et d’informations sures. Par exemple il trouvera toutes nos brochures pédagogiques en téléchargement gratuit. L’enseignant est toujours assisté d’un COP référent. Il peut donc consacrer son énergie à la construction de son projet. Par exemple le prof de maths trouvera des ressources pour développer, dans le cadre d’exercices de maths conformes au programme, des compétences utiles pour les métiers et l’orientation.
Il y a des pays où l’orientation est inscrite dans l’emploi du temps scolaire. Pensez-vous qu’il fasse faire la même chose en France ?
Sans en faire un programme, je crois qu’il faut l’inscrire dans l’horaire scolaire. C4est aussi l’avis du rapport Descoings et c’est ce que le ministre veut faire. Si on n’inscrit pas des plages horaires dans le temps scolaire il est très difficile de mobiliser les enseignants.
Entretien : François Jarraud
L’orientation en ligne, le webclasseur et l’Onisep dans le Café pédagogique