On aimerait souhaiter une bonne année et que 2021 nous fasse oublier 2020. Mais tout semble indiquer une conjonction des crises. Comment l’Ecole traversera t-elle de nouveaux moments difficiles sans perdre encore de sa substance ?
De toutes les crises qu’on voit arriver en 2021 la plus évidente est la crise sanitaire. Dans presque tous les pays européens la seconde vague a commencé. L’exemple britannique montre que la diffusion très rapide du variant anglais du virus la transforme en tsunami. Seuls la France, la Belgique et la Suisse n’ont pas pris de mesures de fermeture des écoles jusqu’à aujourd’hui. La probabilité d’une explosion prochaine et très forte de l’épidémie est pourtant forte.
L’école française est-elle préparée au choc d’un nouveau confinement ? Si l’on écoute le ministre, « tout est prêt ». Mais, après le premier confinement, l’OCDE avait estimé que l’école française était particulièrement mal prête à la crise sanitaire.
« Les compétences des élèves et des enseignants en matière de TIC étaient essentielles pour maintenir la continuité de l’enseignement », rappelait l’OCDE. « C’était un handicap important pour la France tant l’utilisation des outils numériques dans les apprentissages était loin d’être courante avant la crise sanitaire ». En France seuls 36% des enseignants déclaraient dans Talis 2018 inviter les élèves à utiliser les TIC contre 53% en moyenne dans l’OCDE. Sur les 34 pays de l’organisation, la France était au 29ème rang. Concernant le téléenseignement, seulement 45% des enseignants du secondaire français se disaient aptes dans Talis à enseigner avec le numérique contre 67% pour la moyenne de l’OCDE , ce qui nous mettait dans les 3 derniers pays. C’est pire pour le temps passé à communiquer avec les parents où seules les écoles belges faisaient pire que nous. On est encore avant dernier pour la participation des enseignants au travail collaboratif juste derrière la république slovaque.
On aime mettre ces points à l’imparfait car, sous la pression de la nécessité, enseignants et élèves ont appris beaucoup de choses. Mais l’institution n’en a tenu aucun compte. Alors qu’un nouveau confinement menace sérieusement, les enseignants sont laissés sans formation, sans consignes. Les outils qui n’ont pas bien fonctionné lors du premier confinement sont toujours là. On ne sait toujours pas quel est le niveau réel d’équipement des élèves et comment maintenir le contact avec eux. Là où on le sait, cela relève d’initiatives personnelles. Rien de sérieux n’est prévu pour équiper les élèves dépourvus d’ordinateur personnel et d’accès internet pour la prochaine crise.
La seconde crise , liée à la première, est la crise économique. Selon l’OCDE, la France est parmi les pays de l’OCDE qui ont le plus mal fait face au premier confinement sur le plan sanitaire et économique. En ce qui concerne la baisse du PIB la France arrive au 5ème rang mondial et au 3ème en Europe avec un recul de 19% au second trimestre (Etats Unis 9% Japon 10% Allemagne 12%). Notons au passage que les résultats ne sont pas meilleurs en ce qui concerne les décès. Des secteurs porteurs de l’économie française sont gravement touchés : tourisme, automobile (on est revenu au niveau de 1975 !), aéronautique. L’OCDE a bien annoncé un rebond de 7% en 2021 (venant après une baisse annuelle du PIB de 9.5%). Mais cela semble bien optimiste alors qu’une seconde vague menace ces prévisions. Les effets sociaux de la crise ont été financés en partie par une fuite en avant en 2020. L’endettement a explosé à son tour. Est-il possible de continuer ainsi en 2021 sans voir une crise d’un autre type arriver ?
Pourra t-on continuer à creuser le déséquilibre budgétaire au long d’une seconde année noire ? L’OCDE craignait déjà cet été des choix budgétaires contre l’Ecole. Selon l’OCDE, « bien qu’il existe une incertitude quant à l’impact global probable de la pandémie COVID-19 sur les dépenses d’éducation, les gouvernements vont être confrontés à des décisions difficiles concernant la répartition des ressources entre les différents secteurs publics. Des fonds publics risquent d’être injectés en priorité dans l’économie et le secteur de la santé », aux dépens de l’éducation. Or la dépense d’éducation est déjà inférieure en France à la moyenne de l’OCDE : 8% des dépenses publiques contre 11% en moyenne.
Ce qui est en jeu c’est notamment la revalorisation des enseignants. Si les 400 millions de 2021 ne pourront pas être remis en question, c’est le plan pluriannuel qui est menacé. Or la revalorisation de 2021 est mince. Elle ne concerne qu’un enseignant sur trois et souvent pour des montants faibles. Pour 69% des enseignants la revalorisation se limite à 12€50 par mois.
C’est aussi la crise politique qui menace. La crise économique mondiale ne peut qu’aviver les tensions et mettre sous pression les solidarités. Les événements de Washington montrent à quel point nous sommes dans un monde instable et incertain. Pour nous c’est le choc de l’assassinat de Samuel Paty. Tout cela montre à quel point nos démocraties sont menacées. Car qu’on ne s’y trompe pas : en France aussi la démocratie est malade. Depuis 2017, le pays va d’état d’urgence en état d’urgence. Cela devient une méthode de gouvernement. Et c’est le signe d’une démocratie en panne. Le gouvernement va d’échec en échec. Porte-il encore un programme cohérent ou un espoir ?
Au bout de 4 années, c’est l’heure du bilan pour le ministre. Il semble qu’il veuille y échapper avec un autre portefeuille ou une autre carrière. Où a-t-il réussi ? Toutes les évaluations internationales sont au rouge. Le dernier TIMSS est particulièrement alarmant pour l’avenir économique du pays. Ses propres évaluations sont très en dessous des promesses. La profession enseignante, qui l’a bien accueilli, s’est détournée. JM Blanquer a beaucoup cassé ce qui avait été fait de 2012 à 2017. IL a surtout attaqué les valeurs de l’Ecole et décrédibilisé le métier enseignant. La destruction du bac comme diplome national, l’atomisation de l’éducation nationale sont particulièrement mal vécues. par eux.
2021 sera l’année des optimistes. Il va vous en falloir pour passer le cap. Et le Café pédagogique vous invite à le stocker dès maintenant.
François Jarraud