« Les premiers mois de l’année seront difficiles et au moins jusqu’au printemps l’épidémie pèsera encore beaucoup sur la vie de notre pays ». Les voeux d’Emmanuel Macron sont guère optimistes et il y a de bonnes raisons à cela. Alors qu’une nouvelle variante du virus se diffuse presque toute l’Europe ferme ses écoles. Mais pas la France, où la rentrée est normale, y compris là où la situation sanitaire est très dégradée. Le conseil scientifique Covid 19 a prévenu dès le 22 décembre d’une imparable reprise épidémique. Comment expliquer la décision du ministre de l’Education nationale ?
L’Europe ferme ses écoles
« Bien sur que les enfants iront à l’école demain ! » Sur BFM le 3 janvier, JM Blanquer assume la responsabilité de la réouverture des écoles. « Quand des pays ont reporté ce sont des pays où la vague épidémique est particulière ».
Le problème c’est que c’est la France qui se singularise avec le maintien de sa rentrée. Nos voisins ont presque tous reporté la leur. Ainsi au Royaume Uni, le gouvernement vient d’annoncer la fermeture pour deux semaines des établissements secondaires et celle des écoles primaires du sud est du pays. Les établissements scolaires sont aussi maintenus clos en Irlande, Allemagne, Pologne, Suède, Italie, Danemark, Pays Bas, Grèce, Autriche. Parfois la décision a été prise de façon inattendue. Ainsi le Royaume-Uni a attendu le 2 janvier pour fermer les établissements secondaires. Seuls la France, l’Espagne, la Belgique et la Suisse maintiennent leur calendrier habituel.
Souvent cette vague de fermeture a commencé dès décembre. La reprise de l’épidémie a touché l’ouest du continent dès novembre et même en France le gouvernement a autorisé les élèves à s’absenter 48 heures avant les congés. Durant les vacances la pression épidémique n’a pas diminué. On sait que dans tout l’est du pays le taux d’incidence a fortement augmenté au point d’amener le gouvernement à renforcer le couvre feu , dorénavant fixé à 18 heures dans 15 départements. Durant les vacances, le gouvernement s’est aussi donné carte blanche pour l’organisation des examens. Ceux-ci pourront être modifiés jusqu’à 15 jours avant la date des épreuves.
Le gouvernement prévenu de l’urgence de la situation
On comprend d’autant plus mal le maintien de la rentrée que le conseil scientifique Covid 19 a prévenu le gouvernement le 22 décembre des risques pris. Depuis mi septembre une nouvelle variété du Covid 19 circule en Grande Bretagne. Au 18 décembre elle représentait déjà 60% des cas détectés dans le sud de l’Angleterre. Depuis elle est arrivée dans toute l’Europe.
Elle a deux particularités. La principale c’est un risque de transmission beaucoup plus élevé. Ainsi dans le sud de l’Angleterre on est passé de 100 cas pour 100 000 à 400 de début octobre à début décembre. Il n’est pas exclu que les personnes ayant déjà eu le Covid soient réinfectées par la nouvelle variante. Deuxième particularité : cette nouvelle variété infecte les jeunes dans la même proportion que les adultes. Les hopitaux britanniques se remplissent de jeunes malades et cela change évidemment les choses pour les écoles. C’est particulièrement vrai pour les collégiens et lycéens.
Immobilisme
En France le nouveau virus arrive alors que l’épidémie est très active avec une hausse continue du taux d’incidence : 110 début décembre, 155 fin décembre. Le Conseil scientifique a sonné l’alarme dès le 22 décembre. « La fin d’année intervient dans un contexte de forte incertitude épidémiologique et une possibilité de reprise incontrôlée de l’épidémie en janvier 2021 », écrit-il. « Le conseil scientifique estime probable qu’un tel surcroit de contaminations provoque à l’horizon de quelques semaines une reprise incontrolée de l’épidémie… des placements en réanimation et des décès ». Le 22 décembre il a demandé un confinement local strict dès le 28 décembre, ou une limitation des activités économiques en janvier ou un confinement prolongé en janvier. Il a aussi rappelé que l’Allemagne, l’Autriche et le Royaume Uni prolongeaient les vacances scolaires.
Depuis le nombre de contaminations a explosé en Angleterre passant à plus de 50 000 par jour avec la diffusion de la nouvelle variante du virus.
Le 3 janvier sur BFM, JM Blanquer s’en tient au « protocole renforcé qui a fait ses preuves ». Celui-ci a juste permis d’atténuer les risques dans les seuls lycées qui ont opté pour un enseignement en alternance. Rien d’autre n’a été entrepris. L’aération mécanique des locaux, dont on sait qu’elle est une barrière face au Covid, n’a pas avancé alors que l’hiver rend beaucoup plus difficile l’enseignement fenêtres ouvertes. La préparation pédagogique n’est pas faite. La dotation des élèves en objets numériques et connexions n’a pas plus avancé.
JM Blanquer semble comprendre que son immobilisme le met en danger. « On pourrait accentuer le protocole en mettant en place un système hybride systématique pour tous les lycées et tous les collèges mais on n’en est pas là », ajoute-il sur BFM. Est-ce si sur ?
François Jarraud