« On a souhaité maintenir ouverts les établissements scolaires face aux inégalités et aux risques de décrochage. Pour tenir cette ligne on doit renforcer nos dispositifs ». Le premier ministre a annoncé le 14 janvier un « renforcement » du protocole sanitaire. JM Blanquer , un protocole sanitaire « plus strict ». En fait rien ne change sauf l’annonce d’une campagne de tests et l’interdiction des activités sportives scolaires et extrascolaires en intérieur. Alors que le variant anglais se diffuse, qu’il y a déjà deux clusters du variant sud africain et qu’on assiste à une véritable catastrophe humaine outre Manche, l’Education nationale ne change rien. Elle ne sera pas plus concernée par le couvre feu à 18 heures.
Le couvre feu ne concerne pas l’Ecole
Ce qui se passe chez nos voisins et particulièrement en Grande Bretagne, montre qu’il faut absolument bloquer la diffusion du variant anglais qui est presque deux fois plus contagieux et qui touche les enfants comme les adultes. Sur ce point, les jours qui viennent sont cruciaux. Et on pouvait s’attendre à des décisions d’ampleur. Malheureusement il n’en est rien en ce qui concerne l’Ecole où JM Blanquer réussit à maintenir , presque sans changement, la situation actuelle.
Le premier ministre a annoncé la mise en place d’un couvre feu à 18 heures à partir du 16 janvier. Cela ne concerne pas l’Ecole. Comme nous l’a confirmé l’entourage du ministre, les réunions et les cours qui sont prévus après 18 heures pourront avoir lieu. A partir du moment où les déplacements vers et depuis un établissement scolaire sont autorisés, ces cours et réunions peuvent avoir lieu. Il fait que les élèves, parents et professeurs remplissent les dérogations prévues.
JM Blanquer ne renforce pas l’hybridation
Quatre types de mesures ont été présentées par JM Blanquer. D’abord sur « l’hybridation », c’est à dire en fait l’enseignement en alternance, rien ne change. Les lycées en alternance continuent. Ceux qui ont maintenu le présentiel aussi (environ un tiers des établissements). JM Blanquer insiste sur le fait que les élèves de terminale doivent être en présentiel ce qui lui permet de contourner l’inégalité effective des conditions de scolarité et de préparation des examens. Et donc de n’anticiper aucune mesure. Le ministre n’étend pas l’hybridation aux collèges. Les collèges peuvent être en alternance « à titre exceptionnel, au cas pas cas » et cela ne doit concerner que les 4èmes et 3èmes.
Des mesures inapplicables pour les cantines
Même immobilisme sur les cantines qui sont un foyer d’infection majeur car les élèves sont entassés et sans masque. Dans le premier degré « il n’y a pas de brassage possible », dit JM Blanquer. Chaque classe doit déjeuner aux mêmes tables. Sinon il faut envisager des repas à emporter. Dans le second degré le brassage est interdit « si possible ». Il y a donc une graduation entre 1er et 2d degré. Mais dans les deux degrés il n’y a pas de solution réelle proposée. Pour alléger les cantines voire faire disparaitre le problème et du coup mobiliser le personnel pour améliorer le nettoyage, il fallait généraliser l’hybridation. Décréter que les élèves doivent être séparés par classe ne pousse pas les murs, surtout quand on n’a rien anticipé sur les locaux. Décréter qu’il y aura des temps de service étendus ne crée pas des emplois de cuisine. Décréter que les élèves iront manger froid ailleurs ne tient aucun compte de l’hiver et de l’organisation des établissements. Voilà un domaine où le ministère aurait pu anticiper la situation avec les collectivités. Il ne l’a pas fait. Il faut des déclarations.
L’EPS en intérieur interdite. Mais où la faire ?
Troisième mesure : les activités physiques en intérieur sont interdites aussi bien pour les activités scolaires qu’extrascolaires. Pour le Snep Fsu, syndicat ultra majoritaire des professeurs d’EPS, en hiver cela « revient à supprimer l’EPS ». Le syndicat juge que la bonne solution aurait du être des demi groupes, donc l’alternance que le ministre refuse de considérer. Dans le premier degré comme dans le second , cette annonce a fait réagir sur les réseaux sociaux où on se demande comment l’appliquer.
Une campagne de tests nécessaire
La dernière mesure est plus réaliste. Le ministre a annoncé 300 000 tests par semaine dans le second degré mais aussi, c’est nouveau, dans le premier degré dès 6 ans. Cette mesure permettra de détecter les élèves et enseignants contaminés (du moins parmi les volontaires). Mais le ministre ne change le traitement des déclarations d’infection que sur un point. Il promet d’envoyer une équipe de test dès le premier cas de covid déclaré. Mais apparemment rien ne change dans la déclaration des cas contacts. C’était une mesure attendue. De nombreux enseignants témoignent que l’éducation nationale ne se dote toujours pas de la politique de suivi sanitaire et d’isolement qui lui permettrait de réellement controler la diffusion de l’épidémie.
Réactions syndicales
Les syndicats, qui s’étaient mis d’accord pour demander une réelle anticipation de la situation et un réel non brassage des élèves, réagissent au plan gouvernemental. Le Snes Fsu parle « d’annonces insuffisantes » avec « toujours aucune mesure générale pour les collèges et une pression pour un retour à 100% présentiel en terminale au mépris de toute considération sanitaire ». » Des élèves seront absents, des enseignant.e.s seront absent.e.s, et spoiler il n’y a plus d’enseignant.e.s disponibles en nombre suffisant pour assurer des remplacements. Il faut intégrer cette réalité à l’organisation de l’année scolaire, il faut des recrutements », souligne C Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen Cfdt sur Twitter. » Etalement du temps de passage à la cantine : les personnels savent que c’est souvent nécessaire pour assurer la distanciation. Ne rien dire de l’impact sur le travail des agents et sur l’organisation de l’enseignement pose problème. Il faudra vite avancer sur ces sujets… Prioriser la présence des élèves de terminale car il y a le baccalauréat : et si on adaptait les conditions d’évaluation pour donner de la sérénité à tous les élèves et aux enseignants ? Si on pensait l’ensemble de la scolarité de manière cohérente et intégrée ? ».
L’histoire scolaire des 12 derniers mois montre que le temps perdu ne se rattrape jamais et que les occasions ratées ne repassent pas. Alors que le développement de la pandémie est à un tournant en France, on peut dire que la contribution de l’Education nationale à son controle sera des plus modestes. On en connait les raisons. En dehors des lycéens, limiter la scolarisation aux autres niveaux a un effet sur l’économie que le gouvernement refuse. Il reste à voir si c’est la bonne politique y compris sur le plan économique.
François Jarraud