Fait rarissime, 6 fédérations de l’éducation (Fsu, Fo, Cgt, Sud, Sncl, Snalc), représentant 3 enseignants sur 4, appellent à la grève le 26 janvier. Localement d’autres organisations s’associent au mouvement. Les raisons d’une telle mobilisation sont profondes et l’appel à la grève s’appuie sur des thèmes très largement partagés. Tout semble réuni pour une mobilisation de grande ampleur qui n’est pourtant pas garantie.
Salaires
Réunies le 19 janvier, les 6 fédérations enseignantes percevaient une « certaine dynamique » du mouvement et s’attendaient à une forte mobilisation le 26 janvier. Les raisons sont profondes et , pour les principales, font l’unanimité chez les enseignants.
La première est bien sur les salaires. Le gel du point d’indice s’est accompagné d’une baisse régulière du pouvoir d’achat depuis une dizaine d’années (à l’exception de 2016-2017), aggravée par le gel aussi des accords PPCR en 2018. Dans les autres ministères, le gel a été compensé par des primes. Cela n’a pas été le cas dans l’Education nationale. Et la revalorisation promise par le ministre pour 2021 est très en deçà des attentes, puisque pour la très grande majorité des enseignants (mais même pas tous !) elle se limitera à 12.50€ par mois. Seul un tiers des enseignants, les débutants, toucheront un peu plus. La promesse d’une loi de programmation remontant le salaire des enseignants sur plusieurs années n’est plus à l’ordre du jour. La dégradation rapide de la situation économique du pays laisse peu d’espoirs dans un geste volontaire du gouvernement. Pour autant tous les fonctionnaires du ministère ne sont pas traités avec la même austérité. Le journal officiel du 20 janvier publiait deux arrêtés accordant une bonification indiciaire aux principaux cadres du ministère…
DHG
Les établissements reçoivent en ce moment leur dotation horaire globale. Les postes créés dans le premier degré sont compensés par des suppressions dans un second degré où le nombre d’élèves augmente. Dans les établissements cela se traduit par des suppressions de postes. Des enseignants se retrouvent sur plusieurs établissements. D’autres sont contraints de prendre des heures supplémentaires. Les classes sont chargées au maximum. Les conditions de travail des enseignants sont atteintes.
Gestion sanitaire
La gestion de la crise sanitaire est aussi source de mécontentement. D’abord par le mensonge entretenu sur le « renforcement » d’un cadre sanitaire qui est en réalité peu strict par exemple dès qu’il s’agit de traiter des cas contacts. Mensonge aussi sur les chiffres des élèves et personnels malades. Il a fallu une mobilisation des enseignants et des élèves pour que l’alternance s’installe dans les lycées. Le ministre traine des pieds pour qu’elle gagne le collège. Or c’est la seule mesure efficace pour la protection des personnels et des élèves. La circulaire du 15 janvier invite les élèves de terminale à revenir en présentiel ce qui semble peu judicieux au moment où la variante anglaise du virus se répand. Celle-ci n’est aps prise au sérieux par l’éducation nationale et c’est un problème.
Réformes
Tout cela fait beaucoup. Mais le ministre utilise aussi la crise sanitaire pour faire avancer les réformes qui lui tiennent à coeur. Ainsi le 18 janvier, JMBlanquer annonce « une révolution de la gestion des ressources humaines », c’est à dire des enseignants qui inquiète. La crise sanitaire ne freine pas plus la mise en place des réformes qui ont été rejetées par les enseignants : la réforme du lycée, celle du lycée professionnel. Il y ajoute une réforme annoncée en maternelle qui ne recueille pas plus d’adhésion. Enfin le ministre pousse la réforme de l’éducation prioritaire alors qu’un gradn flou entoure le devenir des réseaux existants.
Peut-on faire reculer JM Blanquer ?
Tout semble réuni pour une forte mobilisation le 26 janvier. Celle-ci n’est pourtant pas certaine. Le contexte actuel freine fortement la mobilisation. Avec le covid qui rode il est difficile de se réunir pour échanger sur le mouvement. Les enseignants vivent dans l’isolement, déjeunant très souvent seuls, avec peu d’occasion de se voir. L’ambiance générale est d’une rare morosité. Et cette grève est lancée après 4 années de conflits incessants avec le ministre qui ont usé les forces et parfois détruit l’espoir.
Si tous les sondages montrent que JM BLanquer a contre lui une très large majorité des enseignants, s’il est probablement le ministre le plus impopulaire auprès des enseignants depuis Claude Allègre, cette opposition a du mal à ouvrir des perspectives. De provocation en provocation, le ministre semble avancer sans rencontrer une ferme résistance.
C’est pourtant faux. Les enseignants ont réussi à plusieurs reprises à le faire reculer. Qu’on se rappelle notamment la loi Blanquer et son article 1 que le ministre a du réécrire à plusieurs reprises. Qu’on se rappelle la tentative pour faire passer les écoles sous la gestion des principaux de collège. Les tentatives répétées pour faire des directeurs d’école les supérieurs hiérarchiques des professeurs des écoles. Les enseignants ont fait reculer tous ces projets. I tient à eux d’être au rendez-vous du 26 janvier avec la même pugnacité.
François Jarraud