Par Marjorie Lévêque
L’actualité ne nous laisse pas entrevoir un avenir dégagé pour les langues anciennes, dont l’enseignement semble aussi menacé que l’est le site emblématique de Pompéi : alors que tout le monde a bien conscience et feint de s’accorder sur le fait qu’il faut protéger, renforcer, pour en accueillir correctement les amoureux, et non le voir disparaître petit bout par petit bout, les regards se détournent vers un ailleurs promis plus moderne, plus novateur… Bien évidemment, les passionnés se battent… mais sont-ils entendus ?
- Pompéi : attention danger !
- Le latin perd quelques feuilles, pas son attrait !
- Langues et cultures de l’Antiquité : plus une matière ?
- Les langues anciennes : je les aime, je les défends !
- La situation du latin dans l’enseignement secondaire : on en est où en 2014 ?
Le mercredi 24 septembre, le magazine culturel de France 3, « des Racines et des Ailes » était consacré à la sauvegarde du patrimoine en France et à l’étranger, et notamment au site antique de Pompéi, en grand danger… Il parait incongru de laisser mourir à petit feu des lieux menacés d’autant plus s’ils sont classés par l’Unesco, mais c’est pourtant ce qui se passe en Italie, à Venise, qui souffre d’une fréquentation touristique excessive. A Pompéi, la situation est pire : le périmètre de visite du site ne cesse de diminuer (40 % seulement ouvert au public), les ruines s’écroulent, les gardiens sont en sous-nombre, des touristes pillent, abiment…
Si vous avez loupé la diffusion du reportage, un « replay » est encore possible sur le site de France 3 ; à défaut on pourra se rendre sur dailymotion :
http://www.dailymotion.com/video/x26mu3e_pompei-attention-danger_webcam
- Pompéi : attention danger !
- Le latin perd quelques feuilles, pas son attrait !
- Langues et cultures de l’Antiquité : plus une matière ?
- Les langues anciennes : je les aime, je les défends !
- La situation du latin dans l’enseignement secondaire : on en est où en 2014 ?
Le titre ci-dessus est un clin d’oeil à l’ article « Les plantes perdent leur latin, pas leur attrait », publié par Le Figaro le 17 septembre, et où l’on apprend une petite révolution dans le domaine de la botanique : pour la première fois, une plante a été nommée en anglais, à la place du latin.
Le journaliste Jean-Luc Nothias commente : « il n’y a pas que dans les écoles et lycées que le latin est en recul. Cette langue dite morte, mais qui a toujours refusé de disparaître, a perdu une bataille dans le domaine de la botanique: elle n’est plus la langue unique de descriptions des espèces nouvelles. L’anglais est désormais autorisé. Pour autant, le latin résiste encore. »
http://www.lefigaro.fr/sciences/2014/09/17/01008-20140917ARTFIG0025[…]
En peu de mots, voilà décrit sans le savoir le combat actuel des partisans et professeurs de langues anciennes pour ne pas voir s’éteindre dans l’indifférence générale son enseignement…
- Pompéi : attention danger !
- Le latin perd quelques feuilles, pas son attrait !
- Langues et cultures de l’Antiquité : plus une matière ?
- Les langues anciennes : je les aime, je les défends !
- La situation du latin dans l’enseignement secondaire : on en est où en 2014 ?
Début septembre, le ministère a envoyé un courriel à tous les professeurs pour les inviter à donner leur avis sur l’éventuelle future mouture de socle commun de connaissances, de compétences et de culture, qui propose d’abandonner les sept compétences du socle actuel au profit de cinq domaines de formation.
La deuxième question du sondage en ligne demande de préciser sa discipline d’enseignement… et surprise, les « langues anciennes » ou « langues & cultures de l’Antiquité » ne figurent pas dans la liste des disciplines proposées… Pour se signaler, un professeur de LCA doit donc cocher la case « Autre ».
Doit-on y comprendre entre les lignes que les LCA ne sont plus qu’une sous-déclinaison du français ?
Côté texte, la mention de « langues anciennes » apparaît plus que timidement : page 15 du projet proposé en lien sur le site de la consultation en date du 7 mai, page 19 du projet du 08 juin, à savoir :
« Domaine 5 : Les représentations du monde et l’activité humaine »
« Ce cinquième domaine relève, dès l’école élémentaire, de la contribution de différents champs disciplinaires ou disciplines : français et langues étrangères ou régionales, vivantes ou anciennes, enseignements artistiques et parcours d’éducation artistique et culturelle, histoire-géographie, enseignements scientifiques et technologiques, enseignement moral et civique… »
Le site de consultation du projet de socle commun :
http://eduscol.education.fr/consultations-2014-2015/
Il reste toutefois évident qu’il ne faut pas s’arrêter à cet oubli, aussi révélateur semble-t-il, et se battre pour remettre les langues anciennes là où elles semblent apporter quelque chose, c’est-à-dire partout.
La demi-journée de débat organisée dans les établissements sera une bonne occasion de développer une argumentation déjà bien nourrie par la (re)lecture de la conférence d’avril 2010 aux Interacadémiques de langues anciennes par Catherine Klein : « Langues et littératures de l’Antiquité : quelle résonance avec le socle commun ? »
http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Formation_continue_enseign[…]
- Pompéi : attention danger !
- Le latin perd quelques feuilles, pas son attrait !
- Langues et cultures de l’Antiquité : plus une matière ?
- Les langues anciennes : je les aime, je les défends !
- La situation du latin dans l’enseignement secondaire : on en est où en 2014 ?
Se battre, c’est ce que font les collègues dans les espaces de discussion qui leur sont accordés, pour preuve trois publications récentes :
« On ne peut pas parler de crise du recrutement »
Seuls 31% des postes ont été pourvus au CAPES de lettres classiques en 2014. Sophie Vanlaer-Bécué, responsable du master MEEF option lettres classiques à l’université de Nantes, reste pourtant optimiste et tient à le faire savoir : « s’il y a un pourcentage aussi important de postes non pourvus, c’est aussi parce que le nombre de postes offerts au concours a augmenté de manière spectaculaire » notamment.
http://www.vousnousils.fr/2014/09/26/lettres-classiques-on-ne-peut-p[…]
« Langues modernes ou anciennes, qu’enseigner en priorité ? »
Mais Pourquoi est-il toujours aussi important d’étudier le grec et le latin, langues pourtant inutilisées aujourd’hui ? Ne serait-il pas plus intéressant d’orienter nos élèves vers des langues telles que le Chinois, le Russe ou l’Arabe ? Des langues modernes qui se révèlent de plus en plus utiles sur un CV.
C’est la question que l’émission de radio belge « Connexions » a posée à ses auditeurs. Les réponses sont savoureuses, et à quelques détails (la défense du néerlandais…), bien proches des préoccupations des enseignants français…
Réécouter l’émission :
http://www.rtbf.be/info/emissions/article_connexions-langues-modern[…]
« Les langues anciennes vont-elles mourir ? »
A la radio française, un débat similaire était initié avec une question encore plus alarmiste, voire volontairement provocatrice. En effet, elle n’a pas manqué de faire réagir plusieurs professeurs, toutefois vite rassurés par le traitement impeccable de France Musique et de François Martin, vice-Président de la Coordination Nationale des Associations Régionales des Enseignants de Langues Anciennes, venu expliquer la nécessaire mutation déjà accompli de l’enseignement des langues anciennes et la concurrence permanente avec les autres options.
http://www.francemusique.fr/emission/le-dossier-du-jour/2014-2015/le[…]
- Pompéi : attention danger !
- Le latin perd quelques feuilles, pas son attrait !
- Langues et cultures de l’Antiquité : plus une matière ?
- Les langues anciennes : je les aime, je les défends !
- La situation du latin dans l’enseignement secondaire : on en est où en 2014 ?
En conclusion de ce dossier, donnons la parole à Philippe Cibois, qui a publié sur son blog « La question du latin », avec toute la précision qu’on lui connait, un article qui reprend et commente les Repères et références statistiques du Ministère pour l’année 2014 en vue de faire le point sur la situation du latin dans l’enseignement secondaire :
« L’enseignement du latin n’est pas en danger : il répond à une demande d’approfondissement culturel et, s’il recrute moins, il conserve mieux aujourd’hui les élèves qui ont choisi cette option. Il recrute moins car les familles qui avaient simplement un souci d’être par le biais du latin dans des « bonnes classes », se tournent plutôt désormais vers les classes « bilangues » ou les sections européennes. On peut cependant encore prédire une baisse en 5e car cette stratégie de classe supérieure n’est pas encore connue de toutes les familles, ce qui ne saurait tarder. »
http://enseignement-latin.hypotheses.org/8436
Au final donc, une situation en demi-teinte qui nous ramène au combat des conservateurs du site de Pompéi : se battre est une nécessité, chaque jour des « pierres tombent » ; des moyens sont réclamés et attendus ; et à défaut le refus de disparaître fait la différence.
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