Qu’est ce qu’être prof du technique ? Il n’y a que Gilbert Longhi, inventeur de dispositifs pour décrocheurs pour poser cette question. Professeur de productique, Guy Friadt, enseignant au lycée Marie-Curie, à Nogent sur Oise, apporte ses réponses. Soumis à un recadrage brutal, ces enseignants sont soumis à un recadrage sévère qui est l’objet de cet entretien. Gilbert Longhi apportera son prochain portrait vendredi prochain.
C’était jadis une école professionnelle pour garçons implantée à Creil. Il a formé la plupart des cadres de l’industrie métallurgique de son bassin industriel et de très nombreux professeurs et inspecteurs de l’enseignement technique. Aujourd’hui, c’est toujours un établissement prestigieux qui accueille 2 000 élèves notamment dans la filière des Sciences technologiques et industrielles. Il compte aussi 9 sections de techniciens supérieur dont une, unique en France, spécialisée en forge.
Parlez-nous de votre travail, de vos élèves…
À mes débuts, je faisais de l’enseignement à 95% et 5% d’assistance sociale. Aujourd’hui, c’est parfois 50/50, les jeunes manquent souvent de repères dans le monde des adultes, dans la société, ils ont des attitudes parfois provocantes car personne ne les remet dans le droit chemin, pour éduquer il faut savoir dire non ! J’ai encore ce courage là. Des anciens élèves viennent parfois me témoigner leur sympathie, et je crois avoir gagné leur respect
Quels sont vos rapports avec la hiérarchie et les relations avec les enseignants de votre établissement ?
Le management est calamiteux. J’ai l’impression que le mérite d’un prof ne consiste pas à bien faire son travail. À peine consiste-t-il à produire des résultats aux examens. En définitive, il faut plaire ; et plaire en toutes circonstances tout acceptant de faire un jour ce qui sera honni plus tard ! Dans ce climat, il existe des enseignants qui ne sont pas exemplaires ; ils peuvent marcher sur leurs collègues. Heureusement, il existe encore une majorité des gens fiables qui contre toutes les bassesses tiennent le cap. Sans eux le lycée serait en déshérence.
Qui est Guy Friadt ? Présentez-vous en quelques sortes…
Après avoir suivi la formation de mécanicien monteur en lycée professionnel, j’ai poursuivi en première d’adaptation. Le bac Construction mécanique (bac F1) en poche, j’ai ensuite obtenu un BTS Fabrication Mécanique. À l’occasion de stage industriels, j’ai pu mesurer l’importance de la formation technologique pour pouvoir argumenter face à des contremaîtres pas toujours soucieux d’équité dans le traitement du personnel. Je me suis tourné vers l’enseignement pour armer les jeunes et leur permettre de réussir dans l’industrie par leurs compétences. Après 5 années comme maitre auxiliaire, en 1990 j’ai suivi la formation interne de préparation au Capet. J’ai été reçu en Génie mécanique option productique.
C’est un engagement profond d’être « prof du technique » ?
J’ai choisi de devenir prof de l’enseignement technologique pour permettre aux jeunes de faire comme moi : prendre l’ascenseur social grâce à une bonne formation de technicien, puis de techniciens supérieur. J’ai donc mis en place lr nouvelles technologies (1990) avec l’arrivée des ordinateurs, des machines à commande numérique, des logiciels de dessin technique. Les inspecteurs généraux qui avait porté cette réforme ont été remplacés pars d’autres, moins inspirés ! Progressivement, la priorité a été donnée à l’enseignement scientifique général. Les effectifs des filières techniques ont diminué inexorablement. En conséquence, les dotations matérielles se sont taries. Dans ce contexte, la direction du lycée ne trouvait pas mieux que de désigner les profs comme responsables de l’effritement des candidatures, et ce malgré de bons taux de réussite aux examens, ainsi que nombreuses démarches des enseignants pour motiver en amont les élèves de collèges.
Vous portez une ambition forte pour le service public d’éducation et pour la promotion de l’enseignement technique industriel …
Face aux empêchements de toute nature dans l’exercice de mon métier d’enseignant et d’enseignant de la voie technologique en particulier, du mépris de l’autorité administrative, j’ai choisi de lutter syndicalement de plus belle pour défendre les professeurs, leurs enseignements et par voie de conséquence les moyens pour les jeunes d’être bien encadrés et de réussir leurs études.
Avez-vous des « élèves difficiles » ?
Non, je n’enseigne pas au lycée professionnel qui est sujet à cette situation, au lycée les élèves sont parfois faibles mais on encore un peu de savoir être.
Que peut apporter l’expérience pédagogique en enseignement technique aux professeurs de l’enseignement général ?
Peut-être la patience… ou la foi en la réussite des élèves. Ils ont parfois des difficultés en enseignement général mais affichent de la volonté et une certaine réussite en enseignement technique.
Les pratiques dans les sections technologiques de Marie-Curie à Nogent ont-elles une parenté avec celle du Lycée Henri IV à Paris ?
J’en doute fort, dans l’enseignement technique nous accueillons un public d’élèves sans doute beaucoup plus hétérogène ! Y a-t-il seulement une machine outil à commande numérique au lycée Henry IV ?
Propos recueillis par Gérard Longhi