Par Nicolas Smaghue
Les temps changent, pas tant que ça !
Difficile de passer à côté du documentaire fiction (voir un extrait sur DailyMotion) diffusé le 4 février sur France 2. Réalisé par Marion Milne et Jean-Christophe de Revière, l’objectif affiché des concepteurs de ce film est de vulgariser des projections scientifiques de labo afin que chacun se « responsabilise ». Stéphane Hallegatte, ingénieur climatologue et économiste auprès du GIEC (Groupe d’experts intergouvernental sur l’évolution du climat, http://www.ipcc.ch/languages/french.htm), souligne « qu’imaginer le pire, c’est avant tout réfléchir pour l’éviter ». Ce documentaire a tout d’un objet pédagogique idéal, et pourtant…
Nous sommes donc en 2075. Le réchauffement de la planète touche gravement les populations du Nord comme du Sud. On assiste au destin croisé de trois groupes d’individus. En Occident, Julia remplace sa vigne bordelaise par la culture d’oranges alors qu’au même moment, dans le Sud du Sahara, Idri et Faouzi fuient leur village devenu inhabitable, traversent le désert et finissent dans un camp de réfugiés, porte vers l’Eldorado européen mais en réalité centre de sélection des individus acceptables et utiles pour l’Europe (sélection digne du film de science fiction « Bienvenue à Gattaca », http://fr.wikipedia.org/wiki/Bienvenue_à_Gattaca). Les changements climatiques modifient de manière radicale les modes de vie et provoquent des catastrophes régulières. Les conséquences économiques sont d’ailleurs radicales : à l’échelle mondiale les régions tropicales sont gravement touchées par la sécheresse alors que la Sibérie est devenu attractive et cultivable, les inégalités d’accès aux différentes ressources sont sources de conflits… Bref, le tableau parfait du film catastrophe et spectaculaire.
Le film a été suivi par un débat en présence notamment de Jean-Louis BORLOO (ministre d’Etat, ministre de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire). Il s’agissait ici de la grande leçon de morale télévisée orchestrée par le jeu d’acteur de tragédie de Jean-Luc Delarue. On a alors assisté aux révélations de nombreuses personnes après qu’elles aient effectué leur bilan carbone (http://www.energie-environnement.fr/?r=r1_1.php). Hé oui ! Utiliser son automobile pour conduire ses enfants à leurs activités sportives ou culturelles du mercredi après-midi contribue au réchauffement climatique. Tout était fait pour effectivement nous responsabiliser ou plutôt nous culpabiliser davantage ?… On peut objectivement remarquer dans le documentaire fiction comme dans le débat la discrète remise en cause des pollutions dues aux activités industrielles (voir par exemple : http://www.observatoire-environnement.org/tbe/les-activite[…]).
Nous sommes tous invités à réfléchir sur les intentions et les enjeux de telles émissions sur le service public. Toute fiction comme toute émission a ses limites et ne peut pas tout traiter sur un sujet. Faut-il pour autant tomber dans la caricature scientifique ? Faut-il toujours de faire le relais d’un cataclysme annoncé ? Bref, sans prétendre répondre à de telles questions, les pédagogues que sont les enseignants auront à cœur de conceptualiser et donner une lecture raisonnable et durable (car nous agissons sur les générations futures) ces questions.