Après le temps de la gestation des réformes, est venu celui de la concrétisation qui sera l’ « heure de vérité » du Ministère Peillon, selon Frédéric Sève, secrétaire général du SGEN-CFDT, venu présenter ce jeudi 5 septembre 2013, les orientations de rentrée du syndicat. Une conférence marquée par l’approbation, mais aussi par de vives attentes envers l’institution. S’il soutient la réforme, le SGEN reste attentif aux avancées en matière de conditions de travail des enseignants et de « démocratisation de la gouvernance des établissements », qui passe par une meilleure implication des équipes dans le pilotage du système éducatif. Conscient des difficultés de la mise en place des premiers éléments de refondation (rythmes scolaires, création des ESPE, nouveaux recrutements..), le syndicat attend cependant que la réforme tienne ses promesses au collège l’an prochain puis au lycée, en particulier pour une meilleure adaptation des lycéens aux enseignements spécialisés du supérieur.
Une réforme nécessaire pour désenclaver le système éducatif
Le SGEN soutient clairement les réformes voulues par Vincent Peillon, affirme Frédéric Sève. Elles doivent empêcher le système de se refermer sur des fonctionnements traditionnels et sur une politique de concurrence entre établissements dont les enseignants sont les premiers à en pâtir. Mais pour nécessaires qu’elles soient, elles ne sont pas suffisantes, précise-t-il : l’élément clé de l’évolution réside dans la transformation des conditions de travail des enseignants. « Nous ne sommes pas un lobby pédagogique, nous avons aussi des exigences pour les personnels », affirme Frédéric Sève. Pas de salut sans une transformation en profondeur des métiers, « seule manière de rendre durable et solide la refondation de l’école. »
Libérer les enseignants : évaluation et mobilité
Première mesure demandée, récurrente mais essentielle : une réforme de l’évaluation des enseignants qui mette fin à « l’inspection-sanction », à la traditionnelle notation infantilisante. Le SGEN veut une révision qui aille au-delà des préconisations du récent rapport de l’Inspection Générale. Autre réquisit fondamental : l’amélioration de la mobilité des personnels à l’intérieur et au-dehors du système éducatif. Une enquête menée par le syndicat auprès des enseignants du premier degré indique qu’un tiers d’entre eux souhaiterait évoluer (une étude sur les enseignants de Lycée Professionnel indique 26% de vœux de reconversion). Pour le syndicat, la mobilité interne est bloquée : le système des corps est étanche et le passage obligé par les concours, rédhibitoire.
Plus de reconnaissance, plus de décision.
Au manque de mobilité, s’ajoute le manque de reconnaissance et de perspectives de carrière, adossé à un système opaque d’inégalités dans la rémunération. La reconnaissance professionnelle, souligne le secrétaire général, voudrait qu’on tienne compte de la multiplicité et de la diversité des tâches accomplies, qui ne sont pas que d’enseignement. Cela suppose aussi que l’on implique davantage les équipes dans le pilotage du système éducatif. Il faut donner aux enseignants la possibilité de peser sur leur environnement de travail immédiat. « Ce n’est pas dans la loi, déplore Frédéric Sève, et tout reste à construire dans le premier degré. » L’intervention décisive des Municipalités dans la réforme des rythmes, la prévision d’un conseil collège/école, laissent craindre plutôt la déportation de la gouvernance hors de l’école primaire. Mais se pose aussi la question du mode d’investissement des enseignants dans ces tâches : il repose encore principalement sur le bénévolat, sans inscription dans les services.
Nouveau statut pour de nouvelles tâches ?
L’évolution des métiers de l’enseignement suppose que l’on revoie les obligations de service, estime Frédéric Sève. Il faut adapter les contraintes statutaires à la situation concrète. Ce qui demande une réflexion sérieuse sur les variables à prendre en compte. Ce ne sont pas seulement les heures, mais leurs contenus, la différence de nature entre les différentes tâches, et les conditions réelles, de lieu, de public, de répartition, dans lesquelles elles sont accomplies, qu’il faut examiner. La fin d’un statut homogène ? « Il faut tout remettre à plat et prendre en compte la situation réelle de chaque personne », avance prudemment Frédéric Sève, qui ne se prononce pas en faveur d’une annualisation du temps de travail ou de la suppression d’heures dérogatoires dans certains services. « C’est un ensemble qu’il faut réviser de fond en comble », dit-il sans se découvrir.
Enseignement supérieur : mettre fin à la concurrence entre établissements.
Franck Loureiro, en charge de la recherche et de l’enseignement supérieur au SGEN, justifie le soutien à la réforme de l’Université. Elle constitue, dit-il, une rupture avec le système de concurrence entre établissements, dont les effets désastreux sont perceptibles dans la mise en place des ESPE. Un débat parasité par des controverses de détail (comme l’enseignement en langue anglaise) a masqué les enjeux réels : instaurer une coopération et une collaboration entre établissements. Seul regret, pour F. Loureiro, le manque de programmation budgétaire pour aménager la liaison entre le lycée et le supérieur (de la seconde à la Licence). Le poids des adaptations nécessaires, face à la massification brutale et massive de la population étudiante, va encore reposer sur les établissements du supérieur, en particulier sur les IUT, alors qu’un décloisonnement des filières du secondaire (générales, techniques, professionnelles) pourrait mieux préparer les élèves à la spécialisation dans le Supérieur. Autre regret, pour F. Loureiro, qu’une place accrue ne soit pas accordée aux élus, dans un souci de démocratie sociale et pour accroître l’autonomie des établissements.
Enfin, de manière générale, les représentants du SGEN regrettent que certaines demandes syndicales ne soient guère suivies, comme celle de l’accroissement du nombre de représentants du personnel dans les instances décisionnelles. Mais « le train est en marche, il faut surtout s’assurer qu’il continue dans le bon sens », estime Frédéric Sève.
Jeanne-Claire Fumet